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Luxembourg : les imprévus du budget


Pour Romain Bausch (à g.), le projet de loi de programmation financière pluriannuelle 2019-2023 «se base sur un scénario macro-économique incohérent». La faute aux prévisions de taux de croissance (Photo : Alain Rischard).

Les prévisions pluriannuelles du solde nominal budgétaire sont-elles fiables ? C’est la question que pose le Conseil national des finances publiques qui vient de rendre son évaluation.

C’est la traditionnelle conférence de presse de midi trente autour d’une table garnie de sandwichs et de pâtés au riesling pour ne pas discuter de haute voltige budgétaire le ventre vide. Son jambon-beurre à peine avalé, Romain Bausch, le président du Conseil national des finances publiques (CNFP), annonce que le projet de loi de programmation financière pluriannuelle 2019-2023 «se base sur un scénario macroéconomique incohérent» et s’empresse de préciser : «comme chaque année». Pas de quoi avaler de travers, c’est une question de méthode.
Où réside l’incohérence ? Le projet de loi de programmation revoit à la baisse le PIB réel pour le court terme à 2,4 % pour 2019 et 2020 selon les prévisions des institutions internationales pour le Luxembourg alors que le gouvernement tablait sur une croissance de 3 % et 3,8 % pour la même période. Mais pour les prévisions à moyen terme, le programme financier du gouvernement se réfère à nouveau aux analyses du Statec qui prédisent une croissance de 3,5 % en 2021, 3 % en 2022 et 2,5 % en 2023. La Commission européenne anticipe de son côté une hausse du PIB réel moindre pour le Luxembourg, entre 2,6 % et 2,3 % jusqu’en 2023. Ce petit problème de simultanéité du court et du moyen terme entre les institutions internationales et le Statec agace toujours le CNFP qui renouvelle régulièrement cette même recommandation, celle d’asseoir le projet de loi de programmation financière sur un scénario macroéconomique cohérent.

Toutes les prévisions ayant leur part d’incertitudes, celles relatives à la croissance du Luxembourg peuvent ainsi se situer dans une fourchette allant de 2 à 2,8 % pour l’année 2019 et de 1,7 à 3,1 % pour 2020. Forcément, le CNFP, qui a une mission de surveillance de la règle budgétaire européenne, avertit le gouvernement que les erreurs de prévisions influent directement sur le calcul du solde structurel et peuvent compromettre le respect de l’objectif à moyen terme (OMT) que fixe la Commission européenne pour le Luxembourg.
Le ministère des Finances est bien conscient de ces problèmes liés à des différences de méthodologie dans le calcul du PIB, tout comme le Statec.

Le ministère confiant

Quant au risque de chocs économiques, le ministère reste confiant et toutes les simulations ont été réalisées et sont contenues dans le projet de loi. Les finances publiques résisteraient bien même en cas de chocs économiques.
Pour le moment, le Luxembourg respecte toujours le pacte de stabilité et de croissance sur toutes les années à venir, et dégage même une marge de manœuvre dans tous les scénarios. «D’éventuels problèmes liés à l’estimation du PIB ne sont pas de nature à remettre en cause la bonne santé des finances publiques du pays», avait eu l’occasion de répondre Pierre Gramegna au CNFP.

En ce qui concerne cette fois le projet de budget, la prudence est de mise. Même si les soldes se sont améliorés au cours des exercices précédents, une baisse du solde structurel est un risque qui existe pour la période à venir. La réforme fiscale annoncée par exemple. Même si le gouvernement indique qu’elle sera budgétairement neutre, le CNFP constate que les prévisions de recettes de l’impôt sur le revenu des personnes physiques sont supposées croître à un taux nettement supérieur à celui du PIB et de toutes les autres recettes majeures. Cette hypothèse lui paraît irréaliste.

Autre problème pour le CNFP : quel impact budgétaire aura le paquet de mesures que le gouvernement doit annoncer pour combattre le réchauffement climatique ? On l’ignore. Enfin, le Luxembourg doit se préparer à accueillir un million d’habitants et les infrastructures devront suivre, comme le nombre de fonctionnaires, or les dépenses vont ralentir à partir de 2022 selon la programmation financière.
Dans la matinée, les députés ont eu droit à la présentation de cette évaluation en commission. Comme le CNFP, ils veulent comprendre pourquoi les chiffres réels de l’exécution budgétaire affichent catégoriquement un solde plus positif que celui prévu par le budget. Le CNFP s’est mis en quête de la réponse.

Geneviève Montaigu

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