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Luxembourg : le Pfaffenthal a pris l’ascenseur social


A deux pas du centre de la capitale, cette oeuvre architecturale du bureau Steinmetzdemeyer permet aux piétons et aux cyclistes de circuler de la Ville-Haute aux faubourgs. (Photo LQ/Sophie Kieffer)

Avant, pour atteindre le centre-ville, qu’on ait 20 ans ou une canne et de l’arthrose, il fallait gravir à pied la montée du Pfaffenthal et se faufiler à travers les ruelles pavées de la vieille ville. Certes, c’était pittoresque, mais cette ascension prenait au moins 20 minutes aux plus vaillants. Un calvaire pour les uns, un exercice de remise en forme pour les autres. Et puis, l’ascenseur est arrivé! Par petits bouts d’abord, pendant huit ans. Jusqu’au 22 juillet 2016. Trois ans après, il a changé la vie du quartier.

C’était la fête dans le quartier ! De mémoire d’habitant, on n’avait jamais vu autant de monde dans nos ruelles. « Kanner, o Kanner, quel bonheur ! Mir hun elo een ascenseur ! » Le texte de la chanson traditionnelle luxembourgeoise D’Lidd vum Théiwesbur de Fritz Weimerskirch (NDLR : le Théiwesbur est une des sources du quartier, la source Saint-Mathieu) avait été remaniée pour l’occasion. Les habitants étaient heureux. Pas uniquement parce que cet ascenseur allait considérablement raccourcir et faciliter leurs trajets, mais aussi parce qu’ils se sentaient considérés par les édiles de la Ville qui leur avaient fait un tel cadeau. Pour la plupart descendants du petit peuple ou d’artisans, ils pensaient aux porteurs d’eau d’antan. La vie dans le quartier ne serait plus jamais la même.

Le 3 mars 2016, la cabine de l'ascenseur est livrée. (Photo LQ/Sophie Kieffer)

Le 3 mars 2016, la cabine de l’ascenseur est livrée. (Photo LQ/Sophie Kieffer)

Si certains irréductibles continuent de monter en Ville à pied, chacun profite à sa manière de l’arrivée de l’ascenseur. Les deux restaurants du centre du quartier ont vu leurs terrasses et leurs salles se remplir et l’épicier s’est mis à préparer sandwichs et cafés. Le Dällchen devait désormais apprendre à partager ses richesses avec tout le monde. Ses coins de fraîcheur le long de l’Alzette, les vestiges de son histoire, sa nature, ses places de stationnement… « Pourquoi, un ascenseur ? Pourquoi pas une navette de bus jusqu’au Aldringen ? », avait alors lancé Maggy, une habitante. « Au moins, on aurait la paix ! »

L’ascenseur avait rendu le quartier fréquentable. Tant qu’il avait mauvaise réputation, il restait le pays d’un millier d’habitants, de familles anciennes, qui vivaient là comme dans un village autour de la rue du Pont, du Béinchen et de la Muerbels ; avec de vieilles histoires qu’on se raconte le soir le long de l’Alzette, des bagarres, un verbe local et haut, une vie difficile, mais un moral à tout épreuve.

Un quartier populaire devenu à la mode

Aujourd’hui, les gens « convenables » s’installent dans ces rues inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco. On peut même y manger « healthy » depuis quelques jours. Les week-ends, les touristes affluent de partout à pied, à vélo, en voiture, même de manière virtuelle… Pour découvrir l’ancien faubourg. Puis vers 18 h le dimanche, le calme et une certaine douceur de vivre reviennent. On oublie qu’on est au beau milieu d’une capitale européenne.

Trois ans plus tard, des habitants ont conservé la chanson de l'ascenseur sur leur fenêtre. (Photo LQ/Sophie Kieffer)

Trois ans plus tard, des habitants ont conservé la chanson de l’ascenseur sur leur fenêtre. (Photo LQ/Sophie Kieffer)

L’ascenseur figure sur un circuit touristique des plus beaux panoramas de la capitale, « Top City Views ». En semaine, les travailleurs le traversent pour se rendre sur leur lieu de travail grâce à l’ascenseur. Ce dernier fait dorénavant intégralement partie de la vie et de l’image du Pfaffenthal. Depuis sa mise en service, il y a trois ans, le quartier est intégré aux manifestations culturelles comme le Blues’n Jazz Rallye ou l’Urban Piano. Il sert même de terrain de test à une navette électrique sans chauffeur.

Une certaine gentrification s’installe avec ses effets. Le quartier était populaire et canaille, il y a trois ans il est devenu à la mode en prenant l’ascenseur social.

Sophie Kieffer

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