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Luxembourg : au Schluechthaus, du vieux en attendant le neuf


Malgré le triste crachin dominical qui tombe dehors, tout le monde (ou presque) semble avoir trouvé du bonheur à peu de frais, avec, pour ne rien gâcher, un geste environnemental à la clé. (Photo Julien Garroy)

Le «Schluechthaus» poursuit son opération séduction en vue de sa prochaine réhabilitation. Dimanche, outre un vide-dressing, une première bourse aux livres y était organisée. Ambiance.

En pénétrant sur le site du «Schluechthaus», situé à Hollerich, il est difficile de s’imaginer que l’endroit devrait être une prochaine «place to be». Une projection d’autant plus ardue quand on découvre les dessins, dévoilés il y a jute un mois par le groupement d’architectes vainqueurs du concours lancé par la Ville de Luxembourg. Dessus, une immense verrière, agencée comme une canopée, avec tout ce que le symbole implique d’un point de vue écologique : panneaux photovoltaïques, terrains végétalisés, système de récupération d’eau… Oui, le visage du futur écoquartier se veut séduisant et tranche avec celui que l’on connaît jusque-là, seulement coloré par les graffitis qui s’accumulent depuis 25 ans sur les murs grisâtres.

Mais dès lors, le skatepark et le bruit des bombes de peinture ne sont plus les seuls à animer les anciens abattoirs. Depuis un an et demi, en effet, afin de les valoriser et les revitaliser (voire les faire connaître tout court), de nombreux événements s’y déroulent. Entendre des activités culturelles et sportives, pour tous les âges et toutes les situations, visant large et allant des cours de vélo, de chant ou de danse jusqu’aux ateliers de réparation en tout genre. Dans les bureaux de la ville, on appelle ça une «phase test» visant, à travers une participation citoyenne, à ce que les habitants se réapproprient leur quartier. Car sans vie et sans dynamisme, il serait inutile de concevoir de tels projets.

Premier arrivé, premier servi !

Hier, justement, la «Schluechthaus» doublait les plaisirs avec, d’un côté, un vide-dressing (déjà organisé en 2022) et de l’autre, pour la première fois, une bourse aux livres. Au milieu, une préoccupation commune : rien ne se jette, tout se réutilise! À son stand, en pleine agitation, Ambre Schulz confirme l’idée : «Ça met en évidence l’importance de ne pas acheter n’importe quoi, n’importe comment et à n’importe quel prix! Mais plutôt privilégier la seconde main.» C’est ce que semblent partager les visiteurs occupés à «fouiller» dans son ancienne garde-robe, pour le coup bradée. Sur son étale, des prix allant de un à dix euros. Pas plus. «Le but n’est pas de faire de l’argent, mais que les habits aient une nouvelle vie, puissent servir à d’autres», dit-elle encore.

Ça met en évidence l’importance de ne pas acheter n’importe quoi, n’importe comment et à n’importe quel prix!

Selon l’adage bien connu des brocantes, ici, c’est «premier arrivé, premier servi!» Colette, venue avec son mari, se désespère d’ajuster à son pied une paire de chaussures taille 38. «Vous êtes sûre que c’est la bonne pointure?», lâche-t-elle à une exposante, qui rapplique aussitôt. Pantalons, chapeaux, chemises, bijoux et sacs passent de main en main, ou s’essayent à la va-vite dans une grande cabine d’essayage. David, 25 ans, qui a bloqué sur un jean «sympa», le met à sa ceinture et cherche aléatoirement à voir s’il n’est pas «trop grand» pour lui. Même Ambre Schulz, une fois qu’il y aura moins de monde et moins de robes sur ses cintres, dit qu’elle «ira faire un tour», en croisant les doigts pour que les «choses intéressantes» qu’elle a vues le matin y soient encore.

Des romans en langue suédoise

Collée à l’entrée, Vanessa Cum, coordinatrice culturelle de la Ville de Luxembourg, regarde tout ce monde s’agiter, contente d’une telle affluence, surtout trente minutes seulement après l’ouverture : «Il y a beaucoup de monde! C’est que les gens aiment venir tôt pour faire de bonnes affaires», rigole-t-elle. D’ailleurs, selon ses dires, certains étaient déjà là une heure avant… Finalement, pas si surprenant que ça pour celle qui s’occupe de stimuler l’endroit depuis le printemps de l’année dernière : «Au début, peu osaient venir ici. D’autres ne savaient même pas que c’était accessible!» Ça ne semble plus être le cas : «On connaît le lieu», qui cherche aujourd’hui à correspondre à ce qu’on attend demain de lui. «Les activités que l’on propose sont, à terme, prévues pour être renouvelées» au cœur de la nouvelle structure.

Dans une cité où devraient se côtoyer, dans un avenir indéfini, des ateliers, des résidences d’artistes et du sport, gageons alors que la lecture et les livres y trouveront également bonne place. Un appel du pied à la ville matérialisé par cette première bourse aux livres qui, secrètement, espère s’enraciner au pays autant que celles de Cessange ou de Walferdange. C’est en tout cas bien parti à la vue du fourmillement autour des multiples ouvrages, départagés selon les langues (même en suédois!) et les genres. Une vaste gamme de choix permise grâce à une collecte, étalée sur toute la précédente semaine, conviant le public à se rendre sur place et à faire don de leurs bouquins qui prenaient la poussière dans la bibliothèque.

Les recettes pour les sans-abris

Autour de bancs et de tables en contreplaqué, avec coussins pour se poser tranquille, Mariana Mendes slalome, prodiguant des conseils pratiques. Elle qui organise des clubs de lectures sur Instagram (betweenthelines.lu) est venue filer un coup de main aux organisateurs. Enthousiaste, elle lâche : «On a reçu des centaines d’ouvrages. Les gens ont vidé leurs caves!» Après tri, ceux-ci sont proposés à prix cassés. Un euro le roman basique, idem pour les livres de cuisine et pour enfants (dont le coin est assiégé par les familles). Cinq pour les plus «chics». Mais à la différence des vêtements, les bénéfices de la vente sont entièrement reversés à l’association Stëmm vun der Strooss, qui aide les sans-abris. «L’hiver arrive, ça fait sens», commente sobrement Vanessa Cum.

On ne condamnera donc pas ceux qui partent avec un Marc Levy en main, et encore moins ceux qui arrivent à faire tenir en équilibre une pile de livres sans les faire tomber. Matthieu, 32 ans, en a bien dix dans les bras. Notamment un policier d’Agatha Christie qu’il «ne connaissait pas», et un fascicule sur la nourriture indienne, car «sa copine adore ça !» Bref, malgré le triste crachin dominical qui tombe dehors, tout le monde (ou presque) semble avoir trouvé du bonheur à peu de frais, avec, pour ne rien gâcher, un geste environnemental à la clé. Le«Schluechthaus» a apparemment trouvé une nouvelle vocation. Espérons toutefois qu’il tienne le rythme jusqu’aux travaux.

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