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L’UE frappe des secteurs-clés du régime biélorusse


"Maintenant nous avons des sanctions dans sept secteurs économiques, des armes au tabac, jusqu'aux engrais, c'est-à-dire le potassium", a précisé Jean Asselborn. (archives Julien Garroy

Les Européens ont décidé lundi de couper d’importantes sources de revenus du régime biélorusse pour sanctionner le déroutement d’un vol Ryanair et ont examiné le soutien à apporter à la société civile lors d’une réunion à Luxembourg.

La décision a été approuvée « à l’unanimité » lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept.

« Ça n’arrive pas tous les jours mais l’Union européenne est sur la même ligne. On avait fixé la ligne au Sommet européen et aujourd’hui nous allons transformer l’essai », avait déclaré un peu plus tôt le chef de la diplomatie luxembourgeoise Jean Asselborn qui, comme le Premier ministre Xavier Bettel, s’est entretenu avec la cheffe de l’opposition biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa venue au Grand-Duché.

« On a des sanctions qui visent les personnes. Et maintenant nous avons des sanctions dans sept secteurs économiques, des armes au tabac, jusqu’aux engrais, c’est-à-dire le potassium », a précisé Jean Asselborn.

Le détournement du vol Ryanair, le 23 mai dernier, a été « le déclencheur », selon un diplomate européen. « L’UE sanctionne un acte de piraterie aérienne », a confirmé Jean Asselborn. « Personne ne s’attendait à ce qu’on aille aussi loin », a souligné le diplomate. « Le régime doit être conscient que l’UE a des leviers et qu’elle est prête à d’autres sanctions », a-t-il averti.

« Ce sont des mesures qui vont affecter massivement la Biélorussie et les revenus de l’État et donc les fonds dont dépendent Loukachenko et son régime », a estimé le ministre allemand Heiko Maas.

Paquet finalisé pour la fin de semaine

Les ministres ont confirmé lundi l’accord politique trouvé vendredi entre les capitales sur les secteurs économiques visés et les actes juridiques seront ensuite finalisés pour le Conseil européen des 24 et 25 juin « si tout va bien », a expliqué un diplomate impliqué dans les négociations. Ils vont en outre donner « leur imprimatur » à l’ajout de 78 noms et de 8 entités à la liste des responsables biélorusses sanctionnés pour la répression de l’opposition, dont 7 sont impliqués dans le déroutement du vol de Ryanair pour arrêter deux de ses passagers, le journaliste dissident Roman Protassevitch et son amie Sofia Sapega.

L’UE va cesser ses importations pour certains types de potasse et ses importations de produits pétroliers produits ou ré-exportés depuis le Biélorussie comme le diesel, selon plusieurs sources. Seront également interdits d’exportation les produits pour les usines de tabac. Les sanctions vont également interdire tout nouveau prêt bancaire à l’État, à la banque centrale et aux banques et entités détenues en majorité par l’État. Il sera également interdit de vendre certains produits financiers, notamment des titres de valeur mobilières, des services d’investissement et des produits d’assurances.

L’espoir de voir Loukachenko « rendre des comptes »

L’UE va également renforcer son embargo sur les armes pour inclure les armes pour la chasse et le sport, et interdire la vente de biens à double usage et du matériel de surveillance.

« Les sanctions ne sont pas une solution miracle, mais elles peuvent aider à mettre fin à la violence et à libérer les gens », a réagi Svetlana Tikhanovskaïa sur son compte Twitter. « Elles sont un moyen de faire pression sur le gouvernement de Biélorussie et elles vont faire mal », a affirmé le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

Avec les sanctions économiques, les dirigeants de l’UE espèrent faire plier le régime. Certains veulent aller plus loin et combattre le sentiment d’impunité du président Loukachenko. « J’espère personnellement qu’un jour Loukachenko rendra des comptes devant un tribunal international, parce qu’il commet des choses horribles », a commenté Jean Asselborn.

LQ/AFP

Des piliers de l’économie biélolarusse

Potasse. Selon les statistiques de la Banque mondiale, la Biélorussie est le deuxième exportateur mondial, derrière le Canada, d’engrais à base de potasse, des ventes qui représentaient 2,8 milliards de dollars (en 2018), une source importante de devises donc. Le groupe public Belaruskali est même l’un des plus grands producteurs mondiaux de potasse. L’entreprise affirme produire environ un cinquième de fertilisants à base de potasse dans le monde et emploie quelque 16 000 personnes.
Les principaux clients sont le Brésil (558 millions de dollars), la Chine (280 millions) et l’Inde (244 millions). Le premier client européen est en 7e position, la Pologne (117 millions), le second, la Belgique, représente 62 millions de dollars. En 2020, le marché mondial du potasse avait menacé de vaciller lorsque la production biélorusse avait été perturbée par le mouvement de contestation de l’été 2020 contre la réélection du président Loukachenko.
Des grèves ponctuelles avaient touché Belaruskali ainsi que d’autres entreprises étatiques. Elles ont cependant été rapidement matées par les autorités à coups d’arrestations, de pressions et de licenciements.

Produits pétroliers. Les produits pétroliers raffinés sont la principale exportation du pays, représentant selon la Banque mondiale en 2019 6,5 milliards de dollars. Si le pays ne dispose pas de ses propres hydrocarbures, le pétrole joue un rôle majeur dans l’économie grâce au grand frère russe. En effet, Minsk a hérité de nombre d’infrastructures soviétiques – usines, oléoducs – et acquiert auprès de la Russie du brut à des tarifs préférentiels pour le raffiner et exporter des carburants en Europe.
Ses deux principaux clients sont l’Ukraine (2,5 milliards USD) et le Royaume-Uni (2,2 milliards). Suivent les pays de l’UE : Allemagne (729,2 millions), Pays-Bas (526,6 millions) et Pologne (286 millions).
La Biélorussie contrôle aussi un réseau de pipelines transportant du brut russe vers l’Europe, en particulier l’Allemagne, la Pologne ou encore la Hongrie et la République Tchèque.

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