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L’UE bannit les néonicotinoïdes pour sauver les abeilles


Le taux de mortalité des abeilles atteint "les 80% dans certaines régions d'Europe". (illustration Editpress/Hervé Montaigu)

L’Union européenne a décidé vendredi d’élargir l’interdiction de trois néonicotinoïdes, des pesticides jugés dangereux pour les abeilles, à toutes les cultures en plein champ, au nom de la défense de la biodiversité et de l’environnement.

Défendue par la Commission européenne, l’interdiction a été votée par une majorité qualifiée d’États membres lors d’un comité technique à huis clos. Seize d’entre eux, le minimum requis, ont donné leur feu vert, selon des sources concordantes. Parmi eux, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie, mais aussi les Pays-Bas ou le Luxembourg, dont la ministre de l’Environnement Carole Dieschbourg a fait part de sa satisfaction. « C’est une belle journée pour notre combat en cours pour plus de biodiversité et contre les insecticides nocifs », s’est-elle félicitée sur Twitter.

L’exécutif européen s’est également réjoui du soutien des États membres à sa proposition. « La Commission avait proposé ces mesures il y a des mois, sur la base de l’avis scientifique de l’Efsa (l’Agence européenne pour la sécurité des aliments). La santé des abeilles a toujours une importance cruciale pour moi, puisque cela concerne la biodiversité, la production alimentaire et l’environnement », a réagi le commissaire à la Santé et la Sécurité alimentaire Vytenis Andriukaitis. L’avenir de la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame – des substances neurotoxiques qui s’attaquent au système nerveux des insectes largement utilisées – était en suspens depuis 2013, après une première évaluation négative de l’Efsa.

« Décision prématurée, malvenue »

L’agence européenne a confirmé son opinion fin février, venant soutenir la volonté de l’exécutif européen d’élargir l’interdiction. Celle-ci s’appliquera désormais à toutes les cultures en plein champ, avec pour seule exception les usages en serres, à condition que graines et plantes ne quittent pas leur abri fermé. En 2013, l’UE avait dans un premier temps imposé des restrictions d’usage pour ces trois substances, contestées en justice par deux géants des pesticides dont les produits sont directement concernés, le suisse Syngenta et l’allemand Bayer. Le moratoire partiel s’appliquait aux cultures qui attirent les abeilles (comme le maïs, le colza oléagineux ou le tournesol) sauf quelques exceptions.

L’UE n’a donc pas attendu l’issue de cette procédure devant le Tribunal de l’UE, toujours en cours. « Avec un jugement de la justice européenne attendu le 17 mai, c’est une décision prématurée, malvenue, même si pas tout à fait inattendue », a réagi Graeme Taylor, de l’ECPA, l’Association européenne des producteurs de produits phytosanitaires. « C’est malheureux qu’une décision ait été prise de restreindre encore plus l’usage de substances qui sont d’une telle importance pour l’agriculture en Europe », a-t-il poursuivi, estimant qu’elle entrait en contradiction avec de récentes études sur la disponibilité et la viabilité des alternatives. « L’agriculture européenne va souffrir de cette décision », a prédit Graeme Taylor.

Mais pour Sandra Bell, de l’ONG Friends of the Earth, l’élargissement de l’interdiction est « une immense victoire pour nos abeilles et plus généralement l’environnement ». Elle a appelé la Commission à aider les agriculteurs à abandonner l’usage de pesticides. « Nos gouvernements ont finalement décidé d’écouter leurs citoyens, la science et les agriculteurs qui savent que les abeilles ne peuvent pas survivre avec ces produits chimiques et que nous ne pouvons pas survivre sans les abeilles », lui a fait écho Antonia Staats, chargée de campagnes chez Avaaz. Eric Andrieu, porte-parole des sociaux-démocrates pour l’Agriculture au Parlement européen, a salué un vote « essentiel pour l’avenir de la biodiversité et notre agriculture », alors que « les abeilles pollinisent 84% des cultures européennes et 4 000 variétés de végétaux, et que le taux de mortalité des abeilles atteint les 80% dans certaines régions d’Europe ».

Le Quotidien/AFP