Alternative très intéressante en cette période de crise, la location de chambres meublées a la cote au Luxembourg.
La colocation au Luxembourg est en plein boom. Avec la crise du logement que connaît le pays depuis des décennies, nombreux sont les locataires à se tourner vers cette solution. Au début des années 2010, les propositions de chambres meublées représentaient moins de 3 % de l’offre locative, selon le Statec. Elles ont grimpé jusqu’à 11,6 % en 2022!
Michèle, 30 ans et Vosgienne d’origine, a dégoté, en 2019, un poste d’architecte à Luxembourg. Elle venait alors de terminer ses études et impossible pour elle de louer, seule, un appartement. «J’ai commencé à louer mois par mois une chambre meublée dans une maison à Hollerich», se souvient-elle. «Nous étions au total douze personnes à vivre ensemble.» Cette opportunité, la jeune fille l’a dénichée sur internet via un site spécialisé dans la colocation, comme il y en a aujourd’hui des dizaines sur le web.
La création d’une coloc, un chemin de croix
L’expérience lui a visiblement plu puisqu’en février 2020, elle a décidé avec cinq de ses anciens colocataires de fonder sa propre colocation. Si l’idée les enchantait au départ, la petite équipe, composée uniquement de Français travaillant au Grand-Duché, s’est rapidement confrontée à un véritable chemin de croix. «Beaucoup d’agences ou de propriétaires n’acceptent pas les colocations. Ils craignent notamment les dégradations. Mais, au moment où nous allions jeter l’éponge, nous avons trouvé une maison dans le quartier de Belair dans laquelle le propriétaire était d’accord pour accueillir notre projet.»
Ce quartier se situe dans la capitale, et c’est dans cette zone que sont concentrées la majorité des chambres meublées du pays. La Ville de Luxembourg regroupe à elle seule 62 % des annonces de location pour l’année 2022, selon le Statec. Second secteur à avoir la cote : le sud du pays, avec notamment le canton d’Esch-sur-Alzette, qui concentre 34 % de l’offre de chambres meublées.
Le loyer, un argument de poids
Depuis la création de la coloc, certains sont partis, d’autres sont restés et ont dû recruter des nouveaux colocataires. «Comme il est compliqué de trouver des logements à des prix accessibles, il y a une très forte demande pour intégrer des colocations. Nous avions l’embarras du choix», décrit Michèle.
Le faible coût du loyer représente le principal atout de la colocation. Pour environ 300 m², Michèle et ses colocs versent chaque mois 800 euros chacun. Un argument imparable face à la montée exponentielle des loyers dans le pays. «C’est aussi pour rencontrer et échanger avec de nouvelles personnes», confie la trentenaire, qui n’oublie pas de mentionner que le bruit, le confort et l’hygiène «ne sont pas forcément optimaux en colocation».
« C’est avant tout un choix budgétaire pour un 60 m² à Dudelange, nous avions un 180 m² à Reims », renchérit Gaëlle. Cette Rémoise de 57 ans a multiplié les allers-retours entre la France et le Luxembourg pendant neuf ans pour voir son compagnon. Exerçant son métier au Luxembourg, ce dernier a enchainé les colocations, habitant d’abord à Dudelange, puis à Bettembourg avant de vivre depuis quatre ans, à Frisange. Gaëlle a connu chacune de ses colocs pour finalement quitter définitivement la Marne pour s’installer dans la dernière et travailler au Luxembourg.
Souvent plus âgée que les autres personnes partageant le logement, la Française avoue avoir « beaucoup aimé rencontrer des gens, découvrir de nouveaux horizons et partager des expériences pour mieux connaitre ce pays ». Comme Michèle, elle exprime quelques bémols à la vie en colocation en pointant « les habitudes de vie des autres colocataires. »
Attention au pacte de colocation
Depuis le 1ᵉʳ août 2024, de nouvelles règles de location sont entrées en vigueur au Luxembourg et ces dernières concernent aussi la colocation. À présent, un contrat de colocation unique doit être établi entre les locataires et le bailleur. Les membres de la colocation doivent aussi rédiger un pacte de colocation, afin de formaliser les aspects de la vie en communauté et les modalités pratiques de cette forme de location.
Sur ce point, Jean-Michel Campanella, le président de l’association Mieterschutz, tient à rappeler que ce pacte est propre à chaque colocation. «Il est important de faire attention avec qui l’on se met en colocation et de tout détailler lors de la rédaction de ce document. Ce pacte contient une clause de solidarité, si une personne ne paye plus son loyer, c’est aux autres de compenser.» Aussi, lors de l’arrivée d’un nouveau colocataire, il est nécessaire de revoir le pacte avec ce dernier.
Des loyers qui augmentent vite
D’après le Statec, en 2022, les loyers des chambres meublées ont augmenté plus rapidement que les indicateurs traditionnels des loyers annoncés. Ainsi, les prix ont augmenté de 4,8 % par an en moyenne sur la période 2010-2022 (soit un total cumulé de +76,5 %) contre 4 % pour les loyers annoncés des appartements traditionnels (hausse cumulée de +59,4 % ici) et 3 % pour les loyers annoncés des maisons (hausse cumulée de +43,3 %).
Plusieurs raisons expliquent cette augmentation plus prononcée : la location d’une chambre meublée suppose en général l’accès à certaines parties partagées du logement (telles que la cuisine, le salon ou un espace de travail). Les surfaces de ces espaces ne sont pas intégrées dans la surface privative réservée au locataire de la chambre meublée, mais la mise à disposition de ces espaces est évidemment comprise dans le loyer.
Ensuite, le loyer d’une chambre meublée intègre un supplément pour la fourniture de meubles. Enfin, les surfaces louées indiquées pour une chambre meublée sont nettement inférieures à celle d’un appartement «traditionnel» mis en location : le loyer par mètre carré croît assez rapidement avec la surface. Par exemple, il est clair que le loyer par mètre carré d’un studio de 30 m² est en général plus élevé que celui d’un appartement de 70 m².