Après une première édition bâclée, la crise sanitaire passée par là et un festival pour le coup tronqué en 2021, les Francofolies d’Esch-sur-Alzette se disent que cette année, c’est la bonne ! Loïc Clairet, coordinateur général, en est convaincu, avant l’ouverture mercredi. Entretien.
C’est l’histoire d’un rendez-vous manqué. Il y a d’abord eu cette première édition «test» fâcheuse en 2018, trop vite organisée, puis un retour aux affaires fin 2019 rapidement douché par la pandémie. Et enfin, l’année dernière, un festival au goût d’inachevé, avec un public trop parsemé et timide (mesures sanitaires obligent !) pour que l’ambiance soit au rendez-vous. Mais il en faut apparemment plus pour démotiver les Francofolies, bien décidées à s’implanter à Esch-sur-Alzette et dans la Grande Région.
Pour preuve, durant cinq jours, c’est une généreuse brochette d’artistes (PNL, Juliette Armanet, Clara Luciani, Roméo Elvis, Ibeyi, Damso…) qui se présentera au parc du Galgenberg et ses périphériques (Kulturfabrik, L’Arche, Escher Théâtre) pour célébrer la francophonie et surtout la joie de retrouver un festival digne de ce nom, en plein air et sous le soleil. Pour Loïc Clairet, son coordinateur général, l’aventure commence véritablement demain. Et une fois n’est pas coutume, elle s’annonce sans encombre.
Le Luxembourg n’a jamais été chanceux avec les Francofolies. Comment cette nouvelle édition se présente-t-elle ?
Loïc Clairet : Plutôt bien. Disons que c’est un plaisir de pouvoir enfin les faire comme on les a pensées au départ ! Dans ce sens, c’est notre véritable première édition. 2021, c’était l’année zéro, l’échauffement. Là, on a deux belles scènes, une grosse affiche, un public libéré des contraintes sanitaires… Bref, tout est réuni pour faire la fête tous ensemble.
Vous parlez d’échauffement. L’édition de l’année dernière était-elle un moyen de mieux préparer celle-ci ?
Tout à fait. C’était un coup d’essai, et une façon d’appréhender le site. Il est certes beau, mais pas pratique en termes de logistique. Il faut transporter tout un dispositif dans un petit passage serpenté. C’est du sport (il rit). On pouvait voir ça comme un test grandeur nature. C’est vrai, il n’y a pas eu beaucoup de public, pour les raisons que l’on connaît, mais les gens s’en souviennent quand même. En termes de notoriété et d’image, ça a du sens. On est content de l’avoir fait.
Depuis la crise sanitaire, les habitudes de consommation ont changé et le public boude les préventes. Les Francofolies connaissent-elles ce problème ?
On a d’ores et déjà atteint nos objectifs, à savoir entre 2 000 et 2 500 personnes par jour, pour un total de 7 000 sur tout le festival. Et on va les dépasser, j’en suis convaincu! Oui, les gens attendent désormais la dernière minute pour se décider. Mais je ne vais pas les blâmer. Même moi, d’habitude, je réserve mes projets d’été en avance. Là, je n’ai même pas le réflexe de m’en souvenir (il rit). Il faut s’habituer à ce nouveau rythme, ces achats compulsifs. D’ailleurs, ça fait une bonne semaine que les ventes décollent. C’est de bon augure : les astres s’alignent enfin!
Est-ce que la marque « Esch 2022« permet d’attirer plus de monde selon vous ?
Je suis et je reste un fervent défenseur des capitales européennes de la culture. En tant qu’organisateur, j’en ai déjà fait deux avant (NDLR : à Lille et à Mons). Je connais le pouvoir qu’a ce genre de labels. Ça amène notamment un regard différent et des possibilités qu’on ne pourrait pas avoir autrement : on voit notamment la ville d’Esch s’investir sans compter, avec des services communaux qui se démènent pour le projet… Au-delà de l’image et du titre, c’est quelque chose d’important. D’ailleurs, les Francofolies ont été imaginées et conçues avec cette perspective de 2022. Car il fallait asseoir le projet, l’enraciner et imaginer son héritage.
Il faut être réaliste sur ce qui se fait et plaît aujourd’hui
Ce week-end, parallèlement aux Francofolies, Dudelange propose un nouveau festival, Usina 22. Cette double offre, assez identique, c’est un peu ballot, non ?
Un peu, oui. On n’était pas au courant au départ et quand on l’a appris, on s’est dit que c’était franchement bête ! Mais on n’en fait pas toute une histoire. C’est juste une communication à améliorer. En même temps, c’est aussi une richesse de se dire que sur un territoire qu’est celui du sud du Luxembourg, on peut avoir deux festivals avec de grands noms. Et ce n’est pas si problématique que ça : le public qui écoute Kings of Leon n’écoute pas forcément PNL !
Cette année, on trouve un nouveau partenaire, L’Arche à Villerupt. Est-ce une manière de dire que les Francofolies s’agrandissent ?
Quand on a vu que cette salle allait ouvrir, on s’est tout de suite dit qu’il fallait développer un partenariat, surtout parce qu’il y a une riche histoire sur les relations culturelles transfrontalières à défendre. Et ce serait étonnant de parler de Francofolies sans se déplacer de l’autre côté de la frontière, non ?
L’affiche proposée durant cinq jours fait la part belle au hip-hop, style le plus vendeur en France. Avec un tel festival, faut-il coller aux attentes du moment ?
Oui, il faut être réaliste sur ce qui se fait et plaît aujourd’hui, et dans ce sens, programmer des artistes qui ont le vent en poupe. Mais il faut savoir également se montrer éclectique. Regardez, la même journée, on aura PNL, Thylacine et Juliette Armanet ! Il en faut pour tout le monde, pour les familles, les connaisseurs, les différentes générations… Être accessible, voilà notre credo !
J’ai été voir Maz la semaine dernière : c’est une star !
Organiser les Francofolies au Luxembourg, c’est aussi admettre qu’il y aura des artistes nationaux et des concerts dans d’autres langues que le français…
Plus que l’aspect francophone, on revendique un côté francophile ! Une sorte d’art de vivre. L’objectif n’est surtout pas de mettre tout en français, mais d’être raccord au territoire, ses langues, ses cultures… Correspondre à ce qu’est la ville d’Esch-sur-Alzette et ses voisins. Alors oui, il y aura des concerts en anglais et en luxembourgeois, et ils seront de qualité. Comme tous les autres !
La scène nationale est mise en valeur jusqu’à dimanche. Est-ce un axe essentiel ?
L’une des priorités reste de valoriser la scène nationale, qui n’a pas à rougir de ses capacités. J’ai été voir Maz la semaine dernière : c’est une star ! D’ailleurs, avec Bartleby Delicate, il participe à la Francos Fabrik, un nouveau système d’accompagnement et de développement artistique inscrit dans le réseau francophone (NDLR : en collaboration avec la Rockhal, la Sacem et Kultur LX). Et ça fonctionne ! Preuve en est : Bartleby Delicate sera à l’affiche des Francofolies de La Rochelle en juillet.
Qu’attendez-vous de ces cinq jours ?
Que l’on en profite ! Que les gens viennent découvrir le lieu et les réjouissances, qui ne seront pas seulement musicales. Bref, qu’ils se sentent dans un cocon et se fassent de beaux souvenirs.
Francofolies d’Esch-sur-Alzette. Dès mercredi et jusqu’à dimanche.