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Loi hospitalière : les médecins sous tension


Lors de la flashmob organisée la semaine dernière, les médecins ont dénoncé la réforme. (photo Isabella FInzi)

L’association des médecins poursuit son combat contre le projet de loi hospitalière et vient d’étoffer son dossier à charge d’un avis juridique. Pour le président de l’Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD), cet avis met les points sur les i.

L’avocat Marc Thewes a su démontrer que le projet de loi allait «au-delà du raisonnable» et posait des problèmes de constitutionnalité. En attendant, l’AMMD tente en vain de faire comprendre que ce projet va à l’encontre de la qualité des soins, car il tend à standardiser les thérapies.

Les médecins, à l’avenir, ne devront plus seulement respecter le cadre défini par le règlement grand-ducal, mais aussi les dispositions du règlement général défini par l’organisme gestionnaire, qui aurait de fait un pouvoir d’autorité sur les médecins par le truchement du règlement interne.

Dans le texte du projet de loi combattu par l’Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD), il est dit que le médecin hospitalier devra «se conformer au règlement général et aux directives du directeur médical pour toutes les questions liées à l’organisation des services de l’établissement hospitalier, la standardisation des procédures et la continuité des soins». Le projet de loi, qui affirme cependant «que le médecin hospitalier exerce sous sa propre responsabilité et sans lien de subordination sur le plan médical», présente donc une première grande contradiction que relève Me Marc Thewes, l’avocat chargé par l’AMMD de rendre un avis juridique sur le projet de loi relatif aux établissements hospitalier et à la planification hospitalière.

L’avis supplémentaire que l’AMMD vient de joindre à sa défense confirme les critiques qu’elle martèle depuis septembre. « Il y a dans l’avis de M e Thewes le point essentiel concernant la liberté thérapeutique, alors que le projet de loi impose des règles qui s’y opposent et qui dépassent l’utile et le nécessaire. Le gestionnaire, donc une administration, peut imposer toute contrainte aux médecins et c’est notre principale critique », rappelle le Dr Alain Schmit, président de l’AMMD.

Cette liberté, chère aux médecins, est également défendue par les médecins salariés du CHL qui sont en train de renouveler les contrats de travail dans lesquels la liberté thérapeutique est garantie. « Ils ne sont pas prêts à abandonner cette liberté », poursuit Alain Schmit.

La situation apparaît donc doublement cocasse pour le médecin, qui rappelle que le corps médical revendique une collaboration avec l’administration hospitalière que le projet de loi évite soigneusement de mettre en place. « Tout est fait pour que les médecins soient mis hors-jeu », se plaint le président de l’AMMD.

Et pourtant, les médecins hospitaliers peinent à faire comprendre que cette loi n’est pas bonne pour le patient, alors qu’ils doivent batailler en parallèle avec l’association des patients trop contente de voir les médecins se faire recadrer. « Ils n’ont rien compris ou ne veulent pas comprendre », dit clairement Alain Schmit. Il s’explique  : « L’hôpital doit vivre de l’input des médecins, le progrès technique est constant, les processus changent. On doit prévoir une procédure dans une loi pour savoir comment ces nouvelles standardisations sont décrétées. »

«Le bon sens médical n’y est pas»

Comment va-t-on traiter telle pathologie? « Le problème avec ce genre de procédure est qu’elle doit être adaptée régulièrement et ce qui va arriver à terme, c’est que l’on va instaurer règle sur règle sans l’avis des médecins et on aboutira à des décisions administratives autoritaires et arbitraires, car le bon sens médical n’y est pas », prédit le président de l’AMMD.

Et selon lui, pour le matériel, ce sera encore pire. « Pour le matériel, c’est tellement pointu! Il ne suffit pas de dire qu’on achète de la très bonne qualité, elle est inutile si elle n’est pas adaptée à la situation d’un patient. Même si les pneus d’été sont neufs, ils ne sont pas adaptés pour l’hiver », illustre le Dr Alain Schmit.

Il se demande par ailleurs comment une administration pourra gérer ce genre de problème. « Je ne connais rien des autres disciplines  : comment une administration compte gérer le matériel sans les médecins? L’administration aura bien une petite idée, mais sans l’implication réelle et active des médecins on sera dans une impasse », poursuit-il.

Dans l’impasse, les médecins semblent déjà y être. Aucun signe du côté du ministère de la Santé pour leur faire espérer un changement de cap. « Il y a une obstruction complète et totale , résume Alain Schmit. Il faut comprendre que dès le départ il ne nous a pas initiés ni impliqués dans tout ce qu’il entendait faire. Il était prévu dès le départ de nous écarter des discussions et au moment de l’élaboration de la loi, la gouvernance hospitalière n’a pas été abordée. »

Tant que le dialogue n’aura pas été instauré avec la ministre Lydia Mutsch, l’AMMD fera de la résistance. « On ne va pas en rester là », prévient Alain Schmit, qui n’exclut rien, pas même une grève des médecins, mais avant d’en arriver là, il déclare que « d’autres actions sont possibles ».

L’avis de Marc Thewes met en doute la constitutionnalité du projet de loi. Pour Alain Schmit, « il met les points sur les i et cela rejoint notre impression que ce texte va au-delà du raisonnable d’un point de vue juridique et médical », estime le président de l’AMMD.

Et cette impression dont l’AMMD n’arrive pas à se défaire, c’est que le pouvoir du législateur qui régulait la profession passe aux mains d’une administration. « Ce n’est pas acceptable », conclut-il.

Geneviève Montaigu