Arnaqué alors qu’il cherchait une chambre au Luxembourg pour y poursuivre ses études de droit, Paul, étudiant français, a bien failli faire une croix sur son projet professionnel.
La crise du logement impacte de plein fouet les étudiants qui recherchent une chambre ou un studio : en plus des prix exorbitants pratiqués sur le marché – jusqu’à 1 000 euros pour une pièce de 9 m2 en colocation –, les jeunes en galère, en particulier ceux originaires de l’étranger, sont aussi la cible d’escrocs ultra-préparés.
Ainsi, malgré sa vigilance, Paul, un étudiant français de 23 ans souhaitant s’installer à Luxembourg pour boucler son cursus de droit, s’est récemment fait plumer de 2 400 euros. Une somme colossale pour ce jeune homme qui travaille tous les étés pour financer ses études et qui a dû contracter un prêt à la suite de ce vol.
Tout commence au printemps dernier, alors qu’il recherche le lieu idéal pour finaliser son cursus en droit européen. Le Luxembourg semble tout indiqué, d’autant que Paul ambitionne de travailler ensuite dans le domaine de la stratégie de propriété intellectuelle des entreprises.
Une fois son inscription à l’université du Luxembourg confirmée, il dépose un dossier dans l’espoir d’obtenir un logement géré par l’institution, avec un loyer plafonné. Une demande qui restera sans réponse. Depuis Nantes, où il habite avec ses parents, il contacte alors des agences immobilières : «Toutes celles que j’ai pu joindre refusaient les étudiants car ils n’ont pas de contrat de travail. Même avec des garants», explique-t-il.
En désespoir de cause, la rentrée approchant, il se tourne vers les réseaux sociaux et les groupes dédiés à la colocation. C’est à ce moment-là qu’il témoigne dans nos colonnes pour décrire son parcours du combattant (lire notre édition du 22 août). Il constate que les biens s’arrachent, et le fait d’être obligé de passer par des mandataires ne le rassure pas, il reste méfiant.
Malheureusement, quelques jours plus tard, il est victime d’une escroquerie. «Celui qui se présentait comme le propriétaire m’a fait visiter l’appartement en visio, intérieur et extérieur, j’ai même vu son visage. Ça collait avec ce que j’avais pu voir sur Google Maps. Il m’a envoyé tous les documents nécessaires et j’ai signé le bail, réglant la caution et le premier mois de loyer dans la foulée par virement», raconte Paul, certain d’avoir pris les précautions nécessaires pour éviter une mauvaise surprise.
Mais par la suite, le propriétaire lui réclame 600 euros supplémentaires au titre des droits d’enregistrement du bail – une pratique qui n’est plus obligatoire depuis 2017 –, ce qui éveille les soupçons de l’étudiant. «Il m’a adressé des papiers portant le logo de la Commission européenne où il était soi-disant greffier. Dans le doute, j’ai appelé leurs bureaux, et ils m’ont dit qu’ils n’employaient personne à ce nom.» En parallèle, l’étudiant contacte le commissariat de Belair qui se rend à l’adresse indiquée sur le bail et trouve une maison habitée, pas du tout en location.
«J’ai compris que je m’étais fait avoir. C’était trop tard», soupire-t-il. Déterminé à remonter jusqu’au voleur, Paul enquête : à l’aide de l’e-mail de l’escroc, il identifie son adresse IP et le localise à Paris. L’étudiant dépose immédiatement plainte auprès de la police française et transmet tous les éléments qu’il a pu collecter. «Même s’il y a peu d’espoir que ça aboutisse», glisse-t-il.
Le bouche à oreille a fonctionné
Sonné par cette mésaventure, il confie avoir hésité à poursuivre : «J’ai eu envie de baisser les bras, de faire une croix sur cette année de spécialisation. Je me serais lancé dans la vie active et mon objectif professionnel se serait envolé, car en France, avec cinq années de droit, il y a peu d’opportunités», explique Paul.
Finalement, ses parents parlent de son histoire à un couple d’amis : «Leur fille est avocate ici et j’ai eu de la chance, elle connaissait quelqu’un qui libérait une chambre en colocation. J’ai tout de suite appelé la propriétaire», se réjouit Paul, qui vient de s’installer dans le quartier de Rollingergrund, à quelques minutes de tram de la fac, pour un peu plus de 800 euros mensuels.
Sa famille, qui vit modestement, a puisé dans les économies pour l’aider à démarrer cette dernière année sur de bons rails. Paul espère ensuite pouvoir décrocher un job dans son domaine de prédilection et rester au Luxembourg.
«Les étudiants sont des cibles idéales car ils sont à la fois vulnérables et en situation d’urgence», pointe Pascal Koehnen de l’Union luxembourgeoise des consommateurs. «Dans ces cas-là, on a tendance à brûler les étapes, à payer des sommes d’argent avant d’avoir un contrat.» Pour lui, la distance est le principal problème, ouvrant une voie royale aux abus. Impossible de vérifier à qui on a affaire, si le bien existe ou s’il est réellement mis en location. D’autant que, comme dans le cas de Paul, les escrocs sont ultra-préparés. «Il ne faut rien payer à l’avance. Si un propriétaire met la pression pour régler une avance en disant que d’autres sont intéressés, il faut se méfier», avertit l’expert. Il explique qu’un propriétaire cherchera toujours quelqu’un de sérieux et de solvable, et privilégiera donc les documents justificatifs au paiement, sachant qu’il ne manque pas de candidats. «On peut aussi être attentif aux fautes d’orthographe, aux formulations, voir si les informations données sur le bien se recoupent. Mais on ne peut jamais être sûr», pointe-t-il, conseillant de venir sur place si c’est possible, ou de faire appel à une personne de confiance. Il alerte enfin sur les risques d’usurpation d’identité, puisque de nombreux documents sensibles sont nécessaires au dossier.