L’Inde accueille ce weekend un sommet du G20 au cours duquel le président américain Joe Biden tentera de profiter de l’absence de ses homologues chinois et russe pour renforcer ses alliances au sein d’un bloc fortement divisé.
Les divergences béantes sur la guerre en Ukraine, l’élimination progressive des énergies fossiles et la restructuration de la dette devraient dominer les discussions et, probablement, empêcher tout accord lors de la réunion de deux jours à New Delhi.
Joe Biden discutera « d’une série d’efforts conjoints pour s’attaquer aux problèmes mondiaux », notamment le changement climatique et « l’atténuation des conséquences économiques et sociales de la guerre menée par la Russie en Ukraine », a déclaré le conseiller à la sécurité nationale à la Maison Blanche, Jake Sullivan.
Le président chinois Xi Jinping ne participera pas au sommet, qui se tient au moment où s’exacerbent les tensions commerciales et géopolitiques avec les Etats-Unis et l’Inde, avec laquelle la Chine partage une longue frontière au tracé contesté.
Pékin s’irrite également de l’appartenance de l’Inde au Quad, un partenariat de sécurité avec l’Australie, le Japon et les Etats-Unis que la Chine considère comme un effort pour contrer son influence.
La Chine n’a pas expliqué pourquoi M. Xi snobera le sommet des 9 et 10 septembre. Elle s’est contentée de confirmer que le Premier ministre Li Qiang se joindra aux dirigeants du G20, dont les pays représentent environ 85% de l’économie mondiale et des émissions de gaz à effet de serre. L’absence du président chinois devrait peser sur les efforts déployés par Washington pour que le G20 reste le principal forum de coopération économique mondiale.
L’ombre de la guerre
« Sans la participation de la Chine, des questions risquent de ne pas voir le jour ou de ne pas aboutir à une conclusion logique », estime Happymon Jacob, professeur de sciences politiques à l’université indienne Jawaharlal Nehru. Autre ombre sur le sommet: la guerre en Ukraine. Le président russe Vladimir Poutine sera lui aussi absent, remplacé par son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.
M. Poutine est sous le coup depuis mars d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, qui l’accuse de crimes de guerre pour la déportation illégale d’enfants ukrainiens. Le Kremlin a qualifié ces accusations de « nulles et non avenues ».
« Tant que la Russie ne mettra pas fin à cette guerre, ce ne pourra jamais être +business as usual+ », a estimé le porte-parole du gouvernement allemand, Wolfgang Buechner. Les crises mondiales auxquelles le G20 est confronté sont « bien plus difficiles, plus compliquées et plus inquiétantes qu’elles ne l’ont été depuis longtemps », a souligné pour sa part le ministre indien des Affaires étrangères, S. Jaishankar.
« Sud Global »
L’Inde, qui vient d’affirmer son statut de puissance spatiale en posant un engin sur la Lune en août, voit dans sa présidence du G20 un moment charnière qui fera définitivement d’elle un acteur mondial de premier ordre.
Le Premier ministre Narendra Modi présente l’Inde comme le leader autoproclamé du « Sud global », qui se veut un pont entre les pays développés et les pays en développement, et fait pression pour que le bloc s’élargisse au « G21 » en accueillant l’Union africaine. M. Modi tente d’utiliser le G20 pour réformer les institutions multilatérales, telles que l’ONU, et y donner plus de poids aux pays en développement.
« L’émergence de l’Inde en tant qu’économie à la croissance la plus rapide au monde et son approche inclusive sont de bonnes nouvelles pour les pays du Sud », juge l’ancien diplomate indien Sujan Chinoy, directeur de l’Institut Manohar Parrikar pour les études et les analyses de défense.
Mais les efforts du dirigeant indien pour pousser ses homologues du G20 à surmonter leurs désaccords et à s’attaquer aux problèmes mondiaux cruciaux ont été vains lors des réunions ministérielles qui ont précédé le sommet.
En juillet, les ministres de l’Energie du G20 n’ont ainsi pas réussi à se mettre d’accord sur une feuille de route visant à réduire l’utilisation des énergies fossiles. Ils n’ont même pas mentionné le charbon, un combustible sale qui reste une source d’énergie essentielle pour l’Inde et la Chine.
Ces deux pays comptent parmi les plus grands pollueurs de la planète. Mais ils affirment que les pays occidentaux, qui ont commencé à polluer pendant leur Révolution industrielle il y a deux siècles, doivent assumer une responsabilité historique beaucoup plus grande dans la crise climatique. Tout espoir de consensus au G20 sur l’énergie et le climat se heurte aussi à la résistance de pays comme l’Arabie saoudite et la Russie, qui craignent qu’une transition vers l’abandon des combustibles fossiles ne sape leurs économies.