Mobilité, transition énergétique et digitale, baisse de la charge fiscale, logement, éducation, santé, sécurité, solidarité avec les plus vulnérables, agriculture et défense – dont l’aide à l’Ukraine – sont les grandes priorités du nouveau gouvernement CSV-DP pour la période de mai à décembre 2024. Ce mercredi matin, le ministre chrétien-social des Finances, Gilles Roth, a dévoilé à la Chambre les contours de son tout premier budget de l’État.
Il s’agit d’une année budgétaire particulière, rabotée à huit mois, en raison des élections législatives d’octobre dernier. Afin de donner le temps au gouvernement issu de ce scrutin, la Chambre avait voté, en décembre, un budget provisoire couvrant la période de janvier à avril 2024, destiné en priorité à assurer le fonctionnement de l’État.
Depuis ce mercredi matin, on est fixé davantage sur les priorités financières du nouvel exécutif. Gilles Roth, le ministre des Finances, a souligné, devant la Chambre des députés, que le budget de l’État pour 2024 est «en partie, un budget de transition, établi par un gouvernement au pouvoir depuis 110 jours à peine». «Mais, il s’agit aussi d’un budget qui pose des premiers accents d’une nouvelle politique. Un budget qui apportera un nouvel élan à notre pays», clame le successeur de Yuriko Backes (DP).
Un des objectifs serait de «préparer le pays à la relance de demain», qui doit, selon Gilles Roth, être provoquée par une politique «proactive». Le gouvernement se serait donné une boussole afin de préparer et renforcer le Luxembourg et ses habitants à l’avenir».
Le déficit limité à 1,9 milliard d’euros
Pour y parvenir, l’État compte investir d’ici à la fin décembre 29,4 milliards d’euros, soit 2 milliards d’euros de plus (+7,6 %) par rapport au dernier budget du gouvernement sortant, formé par le DP, le LSAP et déi gréng.
Les recettes évoluent «dans une direction positive», avec 27,5 milliards d’euros qui sont budgétisés pour cette année 2024, soit un surplus de 1,8 milliards d’euros par rapport à 2023 (+7,1 %).
Il en résulte un solde négatif de 1,9 milliard d’euros, déjà bien plus bas que les 3,6 milliards d’euros que le Statec avait mis en perspective à politique inchangée, au début des négociations de coalition en octobre 2023.
«Un nouveau départ»
«La sortie des crises multiples que nous subissons ne sera pas rapide. Ce budget constitue un premier pas, mais il est central. Il s’agit d’un changement de direction, d’un nouveau départ, qui met en perspective des temps meilleurs, en misant sur le courage et la confiance, et non pas sur la peur et la frustration», résume le ministre des Finances.
«Personne ne sera laissé pour compte», ni les citoyens, ni les entreprises. Les soulagements fiscaux sont confirmés, les paquets de relance dans le domaine du logement ou de l’agriculture le sont également. La même chose vaut pour les transferts sociaux, représentant toujours 47 % des dépenses pour cette année 2024. Sans oublier les importants investissements dans les infrastructures et la double transition énergétique et digitale (lire ci-dessous).
Le tout, sans laisser exploser la dette publique, qui «pourrait, demain, se transformer en hausse d’impôts».
Une dette publique moins importante
La dette publique augmentera d’ici à la fin de l’année à 22,2 milliards d’euros, soit 26,5 % du PIB national. À partir de 2026, l’endettement de l’État est censé «s’aplatir». «Nous sommes confiants sur le fait de pouvoir rester tout au long de la nouvelle législature en dessous du seuil des 30 % du PIB, sauf imprévus», affirme le ministre des Finances. En 2027, la dette devrait se limiter à 27,3 % du PIB.
«Le gouvernement défend donc une politique financière et budgétaire responsable, sans se montrer trop prudent ou craintif, mais en misant sur un investissement solide et anticyclique. En 2024, 4,4 % du produit intérieur brut seront investis dans l’investissement. Pour l’avenir de notre pays, pour créer de la valeur ajoutée pour nos citoyens et pour assurer la cohésion sociale», insiste Gilles Roth.
Vote obligatoire avant la fin avril
En résumé, les premiers accents financiers du nouveau gouvernement devraient donner naissance à un budget durable, misant sur «l’allègement fiscal et administratif», la «solidarité», «l’investissement» et «l’efficience».
La Chambre des députés dispose désormais de six semaines pour se pencher en détail sur le projet de budget. Il en va de même pour les Chambres professionnelles et le Conseil d’État. Des modifications ne sont pas à exclure, mais peu probables.
Le vote en plénière doit avoir lieu avant la fin avril, date limite du budget provisoire, couvrant les quatre premiers mois de cette année 2024.
Les grandes priorités et chiffres clés du budget 2024
MOBILITÉ Sur la période 2024-2027, l’État prévoit d’investir 4,3 milliards d’euros, dont 1,8 milliard d’euros pour les infrastructures routières et 2,5 milliards d’euros pour le rail.
ÉNERGIE Le Plan national Énergie-Climat (PNEC) sera doté de 2,47 milliards d’euros en 2024 et 2,68 milliards d’euros en 2025. Rien que pour cette année, une hausse de 1,5 milliard d’euros des budgets alloués au virage énergétique est prévue.
Les entreprises vont pouvoir bénéficier entre 2024 et 2024 d’aides étatiques chiffrées à 215 millions d’euros.
DIGITALISATION L’État envisage d’investir 320 millions d’euros par an dans la digitalisation de ses propres départements.
Le Centre des technologies de l’information de l’État (CTIE) va bénéficier d’une enveloppe budgétaire supplémentaire de 700 millions d’euros, répartie sur la période 2024-2027.
Le développement du 5G et de l’internet à haut débit sera subventionnée, en 2024, à hauteur de 10,8 millions d’euros.
FONCTION PUBLIQUE Le budget de personnel de l’État dépasse cette année les 7 milliards d’euros, contre 4,2 milliards d’euros en 2018. Le nouveau gouvernement compte recruter de manière plus ciblée, en priorité pour renforcer les rangs de la police et de l’armée.
FISCALITÉ Encore cette année, sera introduit un nouveau crédit d’impôt «Barème», censé aider les plus vulnérables, en attendant une adaptation supplémentaire du barème d’impositions en 2025. Si la marge financière est présente, ajoute le ministre Roth.
En 2025, un soulagement des familles monoparentales, renversées dans la classe d’imposition 1A, est aussi mise en perspective.
Les entreprises vont bénéficier, en 2025, d’une première baisse de leur imposition, limitée à 1 point de pourcentage.
LOGEMENT Le paquet de relance d’un secteur en berne va provoquer un déchet fiscal de 130 millions d’euros pour l’État.
Les aides accordées vont passer, cette année, de 48 millions d’euros à 68 millions d’euros, avant d’atteindre 105 millions d’euros en 2027.
Aux 110 millions d’euros déjà engagés pour acheter 170 logements en cours de construction, l’État va débloquer une enveloppe supplémentaire de 480 millions d’euros pour agrandir, entre 2024 et 2027, son parc de logement de location de 800 unités. À terme, ce budget doit atteindre les 600 millions d’euros.
L’aide à la pierre – plafonnée à 75 % de subvention étatique – va passer de 176 millions d’euros en 2023 à 431 millions d’euros pour cette année 2024.
SÉCURITÉ Le budget alloué à la police va augmenter cette année de 49 millions d’euros. Le CGDIS va bénéficier de 203 millions d’euros en 2024, contre 170 millions d’euros en 2023. L’État va aussi subventionner à hauteur de 4 millions d’euros l’acquisition de 2 nouveaux hélicoptères de secours de Luxembourg Air Rescue (LAR).
SOLIDARITÉ Le Fonds national de solidarité (FNS) aura un budget de 229 millions d’euros pour verser le Revis (ancien Revenu minimum garanti), 66 millions d’euros pour les Revenus de personnes gravement handicapées et 62 millions d’euros pour les Allocations de vie chère.
FAMILLES Les allocations familiales vont se chiffrer à 1,1 milliard d’euros en 2024.
CHÔMAGE L’Adem aura à verser 499 millions d’euros en indemnités de chômage. S’y ajoute un budget de formation, passant de 43 millions d’euros cette année à 48 millions d’euros en 2027.
RÉFUGIÉS L’Office national de l’accueil (ONA) sera doté de 225 millions d’euros en 2024 (+45 millions d’euros par rapport à 2023).
AGRICULTURE Le ministère de Martine Hansen voit son budget annuel augmenté à 199 millions d’euros, dont 160 millions d’euros en aides directes pour les agriculteurs, les viticulteurs et les maraîchers.
DÉFENSE L’effort de défense va augmenter à 696,3 millions d’euros en 2024, soit l’équivalent de 0,83 % du PIB. Jusqu’à 1,1 milliard d’euros seront, dans l’état actuel des choses, pour atteindre l’objectif d’investir 1 % du Revenu national brut dans la défense.
UKRAINE Aux 170 millions d’euros déjà mis à disposition de Kiev (2022/2023), va s’ajouter une nouvelle enveloppe de 69,5 millions d’euros, soit 10 % de l’effort de défense du Grand-Duché pour 2024. Ce montant inclus l’aide militaire et financière (humanitaire, reconstruction, etc.)