Pour sa 45e édition, le festival du Film italien de Villerupt bouscule ses habitudes mais propose une affiche toujours copieuse, avec l’accent mis sur les femmes cinéastes et un programme lié à Esch 2022.
Un léger vent de changement va-t-il souffler sur Villerupt? C’est en tout cas l’impression que veut donner la 45e édition du festival du Film italien, qui se déroulera du 28 octobre au 13 novembre. De l’arrivée d’une nouvelle infrastructure (l’Arche) à une thématique qui sonne comme un manifeste (les femmes réalisatrices), en passant par des habitudes de festivaliers doucement modifiées, l’iconique rendez-vous cinéphile du Pays-Haut s’apprête à vivre une édition pas tout à fait comme les autres. Avec comme constante, la taille du rendez-vous : 63 films en tout! Peut-être pas autant que certaines années récentes, où l’on frôlait les 80 films, mais si le programme n’était pas copieux, Villerupt ne serait pas Villerupt…
« Du comique, du drame, du pur cinéma d’auteur… »
Dans le gros morceau qu’est la compétition officielle (19 films), remarque le délégué artistique, Oreste Sacchelli, «il y a un peu de tout : du comique, du drame, du pur cinéma d’auteur…» De quoi plaire à tous les goûts, d’autant plus que toutes les œuvres en compétition sont éligibles au prix du public, récompense qui finit de consacrer le festival comme un grand évènement populaire.
Mais son aspiration vise plus loin encore, avec cette compétition principalement composée de premiers et seconds films : «Nous souhaitons montrer toutes les facettes de la jeune production actuelle italienne», souligne Oreste Sacchelli, avant d’ajouter, non sans une certaine fierté, que des cinéastes tels que Paolo Sorrentino ou, plus loin encore, Nanni Moretti, étaient venus accompagner leurs premières œuvres au festival de Villerupt. Comme une preuve qu’en plus d’être un grand évènement populaire, il est un formidable dénicheur de talents…
Une «Nuit de l’horreur» à la Kulturfabrik
Ainsi, on pourra découvrir en compétition l’une des sensations du dernier festival d’Annecy, Interdit aux chiens et aux Italiens, d’Alain Ughetto, soit la recréation, en animation et en pâte à modeler, de la traversée des Alpes par les grands-parents du réalisateur, immigrés italiens venus s’installer en France au début du XXe siècle. Ou encore la fable libre Le otto montagne, prix du jury au dernier festival de Cannes. Voire, côté documentaire, In viaggio, de Gianfranco Rosi, sur les voyages du pape François, ou Gigi la legge, d’Alessandro Comodin, qui, derrière ses allures d’un long épisode de Strip-tease, promet un objet curieux…
D’autres surprises se cachent ailleurs dans la sélection, notamment du côté du «Panorama» : le 31 octobre, une «Nuit de l’horreur» se tiendra à la Kulturfabrik d’Esch-sur-Alzette, avec deux chefs-d’œuvre de Dario Argento, Profondo rosso (1975) et Tenebre (1982). Un premier pas vers une ouverture à d’autres publics, alors que le cinéma de genre italien, en dépit de sa richesse presque intarissable, est toujours resté sous-représenté à Villerupt.
La femme cinéaste à l’honneur
C’est la femme cinéaste qui sera à l’honneur dans le thème de cette 45e édition. Ou plutôt «la femme à la caméra», selon le jeu de mots sur le film de Dziga Vertov, avec «onze films récents, tous des premiers longs métrages», précise Bernard Reiss, autre figure de proue du festival. De Valeria Golino à Alice Rohrwacher, en passant par Susanna Nicchiarelli et Laura Samani, c’est toute une génération émergente de réalisatrices qui sera représentée. Pour l’occasion, la journaliste Véronique Le Bris, fondatrice du prix Alice-Guy et présidente du jury de la critique, animera une conférence autour de l’histoire des réalisatrices italiennes.
Comme un prolongement, l’habituelle rétrospective sera par ailleurs dédiée à Lina Wertmüller, grande auteure satirique et première femme cinéaste à être nommée à l’Oscar du meilleur réalisateur, en 1977. «Les idées du thème et de la rétrospective Lina Wertmüller remontent toutes deux à 2020», fait savoir Bernard Reiss.
Plus de projections au Paradiso
Mais les organisateurs ont préféré attendre une période plus sûre pour mettre en avant ces thématiques; avec un triste écho à l’actualité récente, puisque la réalisatrice de Pasqualino Settebellezze – qui avait visité Villerupt en 1980 – est décédée en décembre dernier, à l’âge de 93 ans. Mais face à une telle volonté de mettre en avant les femmes, on note toutefois que seules quatre réalisatrices (dont une coréalisatrice) se cachent parmi les 19 films de la compétition. «Il aurait été mieux d’en avoir davantage», lâche sans plus de commentaires Oreste Sacchelli, signe aussi que, malgré une prise de conscience et l’arrivée d’une jeune génération, elles restent rares.
Au-delà des projections, le festival de Villerupt va connaître quelques changements significatifs : deux nouvelles salles à l’Arche et, comme conséquence directe, l’arrêt des projections au Paradiso, la salle de la chapelle d’Audun-le-Tiche, et la quasi-disparition du camion Cinémobile, qui se dédiera presque entièrement aux séances décentralisées dans les 20 communes participantes.
Nous souhaitons montrer toutes les facettes de la jeune production actuelle italienne
Oreste Sacchelli développe cette nouvelle page de l’histoire du festival : «Pendant des années, on s’est beaucoup plaint. Quand une ministre que l’on connaît bien nous avait rendu visite (NDLR : Aurélie Filippetti, née à Villerupt, ministre française de la Culture de 2012 à 2014), on a pu avoir des discussions qui ont fait avancer le projet d’une infrastructure qui profite au festival, mais qui puisse aussi fonctionner toute l’année.» Et de lancer : «Longue vie à l’Arche!»
C’est dans ce nouveau lieu – dont le parvis accueillera le retour, après tant d’années, d’un chapiteau pour la restauration avec 150 places assises – que se dérouleront les principaux évènements du festival. Avec, en l’ouverture, un concert l’Orchestre philharmonique du Luxembourg, l’un des projets du festival soutenus par Esch 2022. Sur le thème de l’année culturelle, la manifestation proposera aussi un «remix» de son histoire, soit une série de films – de la production maison L’Anniversaire de Thomas (Jean-Paul Menichetti, 1982) au récent L’Arrivée de la jeunesse (Fabio Bottani, 2022) – autour de l’immigration italienne en Lorraine et au Luxembourg, et de l’histoire du festival de Villerupt. Enfin, une vingtaine de teasers basés sur des images d’archives – réalisés en partenariat avec l’INA – retracent le passé du territoire et du festival. De quoi donner encore un peu plus d’ampleur à un bel évènement.
Du 28 octobre au 13 novembre. Plus d’informations sur : festival-villerupt.com
Les films en compétition
Acqua e anice, de Corrado Ceron
Amanda, de Carolina Cavalli
Calcinculo, de Chiara Bellosi
Delta, de Michele Vannucci
Gigi la legge, d’Alessandro Comodin
Giulia, de Ciro de Caro
In viaggio, de Gianfranco Rosi
Interdit aux chiens et aux Italiens, d’Alain Ughetto
Io e Spotty, de Cosimo Gomez
La cena perfetta, de Davide Minnella
Le otto montagne, de Felix Von Groeningen et Charlotte Vandermeersch
Margini, de Niccolò Falsetti
Notte fantasma, de Fulvio Risuleo
Piano piano, de Nicola Prosatore
Quanno chiove, de Mino Capuano
Settembre, de Giulia Steigerwalt
Tempi supplementari, de Corrado Ardone
Tu choisiras la vie, de Stéphane Freiss
Una femmina, de Francesco Costabile