Les députés ont débattu d’un sujet brûlant, la désinformation et les fake news, en se demandant comment désintoxiquer le débat alors que les élections approchent.
À la veille d’une année électorale chargée, la députée Diane Adehm embarque ses pairs dans un débat d’actualité d’une importance capitale : la désinformation et les fake news. Une heure d’actualité lors de laquelle le CSV souhaitait aborder les mesures pouvant aider à lutter contre la désinformation – en ligne ou non – et l’impact de la désinformation sur l’opinion publique.
«Quand on observe ce qu’il se passe à l’étranger, on s’aperçoit vite du danger que représente la désinformation pour notre démocratie si on ne fait rien pour la contrer», lance Diane Adehm, en pensant très fort aux échéances électorales de 2023.
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Elle reconnaît que le thème ne peut pas être dissocié de la liberté d’expression et d’un journalisme de qualité, à condition que l’on donne l’accès à l’information aux professionnels des médias. «C’est une vieille revendication des journalistes et cela aiderait à lutter contre la désinformation, mais une telle loi est-elle en préparation?», interroge la députée chrétienne-sociale.
Sur ce point précis, le Premier ministre lui a assuré que la circulaire Bettel serait réformée et qu’un accord serait en vue avec les organisations professionnelles. Pour Diane Adehm, cette question est d’autant plus importante au vu des chiffres peu rassurants qu’elle glane dans diverses études. Ainsi, au niveau de l’Union européenne, il appa10raît que seuls 23 % des individus âgés de 16 à 74 ans vérifient les informations qu’ils lisent sur les plateformes d’actualité ou les réseaux sociaux.
Le renforcement d’une presse sérieuse
«C’est encore pire au Luxembourg où ce chiffre atteint les 41 % d’individus, ce qui nous met à la deuxième place derrière les Pays-Bas avec 45 % et c’est effrayant», alerte la députée.
Un autre chiffre illustre ce fléau : une étude allemande révèle qu’un tiers des jeunes de ce pays tombent dans le piège des théories complotistes, selon le député pirate Sven Clement.
Tous les députés ont abondé dans le même sens, en condamnant les fake news et leurs effets néfastes, sauf peut-être le représentant de l’ADR Fernand Kartheiser. Il est aussi le seul député à être resté assis, sans applaudir, à l’arrivée dans les tribunes de la vice-présidente du parlement ukrainien, Olena Kondratiuk, qu’il a superbement ignorée.
Stéphanie Empain, pour les verts, rappelle justement les gros dégâts que peut causer «la machine à propagande russe». Si la députée écolo se presse de soutenir la liberté d’expression, elle n’a aucune peine à voir Russia Today interdite de diffusion.
La libérale Carole Hartmann n’en pense pas moins en insistant sur le renforcement d’une «presse sérieuse qui informe son lectorat, car ce sont les journalistes qu’il faut protéger pour combattre les fakes», estime-t-elle.
Francine Closener (LSAP), en tant qu’ancienne journaliste, cite les nouvelles fraîches en la matière et illustre le fléau de la désinformation avec l’actualité en Allemagne, où un groupe d’extrémistes a été appréhendé avant de commettre un attentat au parlement.
«Un groupe où l’on trouve des antivax et compagnie, des complotistes de tous bords», relève la députée qui précise dans la foulée que les populistes et les ultras de droite «ont quelques longueurs d’avance en matière de fake news». Elle cite les professionnels de la désinformation qui travaillent dans des sociétés russes dédiées aux thèses complotistes.
Danger de la censure
Isolé, le député Fernand Kartheiser regrette que la majorité dans l’enceinte participe à «un concours d’idées pour limiter la liberté d’expression». Et si tous les autres députés ont salué la création de services spéciaux dans certains grands médias pour vérifier et démentir ces fausses informations, lui estime que les journalistes qui s’occupent de cette rubrique ont eux-mêmes une opinion, donc c’est biaisé, selon lui.
Nathalie Oberweis (Déi Lénk) rappelle que des guerres ont souvent éclaté «à cause de mensonges». Si beaucoup s’inquiètent des jeunes que l’on dit vite dépassés, la députée ajoute que les adultes ne sont pas mieux préservés des fake news.
Il y a bien des initiatives qui forment aux médias et à leurs dangers dans le système éducatif, mais, d’après Nathalie Oberweis, «les enfants sont initiés trop tard au sens critique». Elle plaide pour un contrôle et une régulation des médias sociaux et avertit que la censure peut aboutir à des résultats contraires aux effets attendus.
La ministre de la Justice, Sam Tanson (déi gréng), informe que le gouvernement soutient toutes les initiatives européennes en matière de lutte contre la désinformation, dont le Digital Services Act qui vise à créer un espace numérique plus sûr. Elle félicite Diane Adehm pour ce débat, la ministre ayant souvent été elle-même victime de fake news.
Sam Tanson regrette encore qu’une étude allemande indique que 30,8 % des individus interrogés n’ont plus confiance dans les médias classiques.