Les Chemins de fer luxembourgeois saturent et certains salariés aussi. Le Syprolux, qui défend leurs intérêts, en a plus que jamais conscience à quelques mois des élections syndicales.
Présentés comme alternative à la voiture et aux bouchons, les chemins de fer saturent, victimes de leur succès, selon Mylène Bianchy, la présidente du syndicat Syprolux. Ce succès se répercute de manière pas toujours positive sur les salariés que le syndicat défend. Horaires de travail décalés, critiques des usagers en raison des retards accumulés et menaces pour certaines catégories de salariés de disparaître si le prochain gouvernement mettait ses plans à exécution.
Fini le métier de contrôleur ?
La possibilité de la gratuité des transports publics a filtré des accords de coalition. Une perspective qui ne réjouit pas Mylène Bianchy : «Syprolux est contre. Cela entraînera une dévaluation des métiers du rail. Il n’y aura plus de vente ni de contrôle des billets, des métiers comme celui de contrôleur ou de guichetier vont être mis sous pression ou disparaître.» Sans personnel de bord ni présence dans les gares, Mylène Bianchy craint une dégradation de l’image des transports publics. Elle redoute l’apparition de dégradations du matériel et d’un sentiment d’insécurité de la part des usagers laissés seuls et sans informations, puisqu’il n’y aurait plus personne pour leur en donner. Ce qui est déjà le cas dans la plupart des gares.
Mylène Bianchy est d’avis «que si on veut un service, il faut payer pour. Même si la somme à payer est minime, elle représente une reconnaissance du travail effectué par les cheminots. Ce qui ne coûte rien n’est pas respecté.»
Des travaux et un réseau saturé
Tout a un prix et les salariés de certains services des CFL payeraient celui des grands travaux d’infrastructures en cours sur le réseau de chemins de fer luxembourgeois et de ceux à venir. Les bras manqueraient et l’organisation ne serait pas optimale. «En ce moment, en moyenne, un employé du service de maintenance des infrastructures cumule environ 43 jours de récupération qui n’ont pas été pris.» La présidente plaide en faveur d’un recrutement pour ce service et d’une meilleure organisation : «Ces gens travaillent en pauses au moment des coupures pendant les vacances et les week-ends, mais leurs plans de travail ont été établis à une époque où il n’était question que de travailler en journée, du lundi au vendredi. Il faut donc impérativement passer à un système de pauses.»
« Que la politique reconnaisse que ce rythme ne peut être maintenu »
Des pauses mises en place pour déranger le moins possible les usagers et ne pas perturber davantage le trafic ferroviaire déjà saturé. «À un moment donné, il faudra que la politique reconnaisse que ce rythme ne peut être maintenu tel quel en raison des nombreux chantiers, affirme Mylène Bianchy. Malgré les chantiers, la circulation des trains doit être garantie, d’où des travaux qui semblent s’éterniser. Les chemins de fer n’ont pas d’axes secondaires comme c’est le cas sur les autoroutes. Les retards s’accumulent et le personnel est en première ligne pour faire face aux mécontents.»
La présidente du Syprolux plaide en faveur «d’une réduction des cadences de circulation, que l’on n’atteint de toute façon plus, pour revenir à un train toutes les 20 minutes et mettre l’accent sur la fiabilité. Mais nous n’avons pas trouvé d’écoute auprès des responsables politiques, du moins pas avant les élections. Tant que la gare de Luxembourg sera en travaux, il y aura une saturation et donc des répercussions sur les conditions de travail des salariés. Nous ne pouvons tout de même pas rouler avec des trains à trois étages!»
Victimes de notre propre succès
La faute à des capacités insuffisantes induites par des trains trop courts, adaptés à la longueur actuelle des quais qui vont être rallongés dans la plupart des gares. Un mauvais moment à passer pour tous, mais Mylène Bianchy est tout de même heureuse des changements positifs : «Nous sommes heureux de constater toutes les évolutions qu’ont connues les chemins de fer au Luxembourg, du temps où le trafic individuel était encouragé. Mais les lignes de chemin de fer supprimées à l’époque manquent aujourd’hui à la renaissance actuelle. Nous sommes devenus des victimes de notre propre succès.» Et de la croissance du pays.
Soixante-quatre candidats se présentent aux élections sociales, dont plus de 60 % pour la première fois, afin de représenter les intérêts de leurs collègues. «Cela montre que le syndicat évolue et intègre les nouvelles générations», souligne Mylène Bianchy.
Sophie Kieffer