Face à la pandémie, l’archevêché de Luxembourg et les fidèles catholiques ont dû, malgré eux, s’adapter aux consignes sanitaires. Le point avec Mgr Wagener, bras droit de l’archevêque Jean-Claude Hollerich.
C’est un fait : les fidèles catholiques se retrouvent, depuis le début du confinement, dans une situation qu’ils n’auraient probablement jamais imaginée. En effet, la pandémie liée au Covid a impliqué de nombreuses restrictions sanitaires qui ont notamment eu un effet gênant mais certes prévisible : les fidèles d’un certain âge délaissent les messes.
Mais outre les offices religieux, qui sont régulièrement tenus, à savoir les messes qui ont lieu dans les édifices catholiques du Grand-Duché, la crise sanitaire impacte également toutes les autres cérémonies religieuses : baptêmes, mariages ou encore funérailles. Le vicaire général, et de surcroît évêque auxiliaire pour l’archidiocèse de Luxembourg, Mgr Leo Wagener, éclaire et montre la voie aux lecteurs concernés du Quotidien, au sujet des dispositions mises en place.
Règles générales pour les fidèles catholiques
Concernant les règles sanitaires, valables pour tous les offices, qu’il s’agisse de baptême, messe, mariage ou de funérailles, «il faut surtout observer le port du masque de manière obligatoire, si toutefois la distanciation sociale de deux mètres ne peut pas être respectée. Il n’y a donc pas de limitation légale quant à l’assistance. Cela étant, il faut que les gens soient assis et qu’ils respectent les chaises ou bancs condamnés», rappelle Mgr Wagener.
Baptêmes presque tous annulés et reportés
Pour ce qui relève des réglementations relatives aux baptêmes, Mgr Wagener indique que «concrètement, les baptêmes se déroulent normalement, à condition que les papas et que les mamans, ainsi que l’assistance familiale présente, portent le masque. D’ordinaire, le prêtre le porte également, bien qu’il n’y soit pas obligé.»
Ceci dit, l’homme de Dieu explicite en profondeur la situation actuelle : «En règle générale, les gens ont presque tous annulé les baptêmes. J’ai moi-même célébré un baptême et je peux dire que les annulations sont surtout dues au fait qu’on ne puisse inviter et donc rassembler plus de 10 personnes à son domicile privé. Cela pose un problème évident, par exemple dans le cadre de la prise de l’apéritif. Beaucoup de gens reportent les baptêmes, entre autres pour cette raison, mais la situation est similaire pour les mariages. C’est la règle, mais je tiens à préciser que la plupart des baptêmes ont été reportés et non annulés. Les personnes concernées choisissent en effet des dates ultérieures, lesquelles s’étalent jusqu’à l’année prochaine (2021).»
Mgr Wagener a célébré un baptême : témoignage
Au plus proche des fidèles catholiques, Mgr Wagener a lui-même célébré un baptême durant la période de pandémie. Il se remémore : «Il s’agissait d’une famille vraiment très ‘motivée’, sinon elle aurait remis cette cérémonie. Mais je dois dire qu’elle l’avait bien préparée : tous les membres de cette famille, ainsi que leurs proches, ont parfaitement respecté les consignes sanitaires. En fait, tout le monde portait bien son masque ce qui, finalement, était le seul des inconvénients. Cela dit, je connaissais déjà la famille, car il s’agissait du baptême de leur troisième enfant. Et je ne peux certainement pas dire que la célébration était triste, malgré les restrictions sanitaires ! Plus généralement, je dirais que l’on fait du mieux possible, en fonction de cette situation actuelle compliquée.»
Quid des fonts baptismaux pendant un baptême ?
Si les bénitiers des églises du pays ont été vidés de leur eau bénite, les fonts baptismaux sont «autorisés», étant donné que chaque enfant est baptisé individuellement. Néanmoins, une précaution particulière est à respecter : «C’est ce qu’on appelle ‘le saint chrême’, qui est un mélange d’huile d’olive et de parfum, c’est-à-dire l’onction. Évidemment, le prêtre se désinfecte les mains avec une solution appropriée, avant et après cet acte, à savoir lorsqu’il y a un contact direct avec l’enfant nouveau-né.»
Mariages reportés, notamment à cause des restaurants
Pour ce qui est de la célébration des mariages, presque tous ont été reportés. Et pour nombre d’entre eux, la date de report n’a même pas été fixée. «Sauf dans quelques cas, où les dates de mariage ont été refixées à une date précise, pour l’année prochaine, tout en sachant que les familles concernées espèrent que les conditions sanitaires se seront, entretemps, améliorées. La principale cause de ces reports est à trouver du côté des restaurants car personne n’a la certitude d’y pouvoir faire la fête après un baptême. En clair, les gens reportent surtout leurs mariages à cause de la fête d’après-célébration, hors de l’église, car au sein des églises une telle célébration est possible, mais toujours sous la condition du port du masque de protection. En fait, les deux choses sont étroitement liées», dixit l’évêque auxiliaire.
Funérailles et changement de paradigme
Au sujet de la tenue de funérailles, alors que la limitation de 20 personnes pouvant y assister a été levée par le gouvernement, il n’existe désormais plus aucune restriction de ce type. Cela étant, un changement d’habitude et a fortiori de comportement a été observé, selon Mgr Wagener : «Il est vrai que nous remarquons un certain changement par rapport aux funérailles; certaines familles se limitent en effet aux funérailles au cimetière. C’est-à-dire à l’Adieu au cimetière, et ils hésitent à demander également la tenue d’une messe après l’Adieu au cimetière. Pour rappel, au Luxembourg, la règle générale veut que l’Adieu au cimetière soit suivi du service funèbre à l’église. Or nous constatons que certaines familles se limitent aux Adieux au cimetière, car ceux-ci se déroulent en extérieur, afin que les gens puissent y assister. Il s’agit de la seule exception que le gouvernement a faite et dans ce contexte, les gens n’ont pas besoin de rester en position assise, et peuvent donc rester debout. De manière générale, nous remarquons que les gens ont tendance à hésiter à prendre part aux offices ‘d’après’ à l’intérieur de l’église. Toutefois, je tiens à informer que cela se fait quand même, mais toujours sous la condition du port du masque obligatoire et ce, pendant toute la messe, et en position assise.»
«Condoléances très douloureuses»
Alors comment se déroulent concrètement les funérailles en période Covid ? La réponse du vicaire général est sans équivoque aucune : «En règle générale, les gens se montrent très disciplinés; le bémol est qu’ils ne peuvent bien sûr pas échanger des ‘signes de condoléances’, et cela constitue une douleur pour eux.» En effet, les accolades et autres signes de compassion, ne sont pas autorisés : «On peut uniquement adresser ses condoléances d’une certaine manière, qui se fait à distance. Cela constitue un grand changement qui est parfois très douloureux. Car on ne peut pas prendre un proche dans ses bras, lui taper sur les épaules, lui donner la main. En devant respecter tous les gestes barrières, les condoléances se font plutôt par voie écrite ou par voie orale, mais à distance, et avec le masque sur le visage.»
La crémation serait-elle privilégiée en ces temps ?
La question, délicate, a le mérite d’être posée si l’on se réfère aux craintes de certaines familles, à travers le monde, de se retrouver à proximité d’une dépouille mortuaire hypothétiquement infectée au Covid. Et ce, malgré le fait que la crémation reste encore largement «taboue» dans de nombreux pays où la religion catholique prédomine, notamment en Italie.
Sur ce point, Mgr Wagener dit «avoir constaté qu’il y a, de manière générale, certainement des crémations sans célébration; c’est-à-dire que les familles concernées ne procèdent qu’à la dispersion des cendres, au crématorium de Luxembourg-Hamm.» En guise d’explication, le vicaire général explique qu’«il y a eu cet effet-là chez certaines gens. Cela dit, je ne peux pas dire qu’il s’agit d’une tendance générale qui serait en augmentation, mais il y a eu des cas où, par peur, des personnes ont préféré une incinération, suivie directement de la dispersion des cendres, sans qu’aucune grande célébration ne soit organisée.»
Messes : «Les fidèles sont très disciplinés»
Par rapport aux messes, Mgr Wagener rappelle que les conditions sanitaires générales sont d’application : «Il faut que les fidèles respectent une distance de deux mètres sur des places assignées et dans ce cas-là, le port du masque n’est pas obligatoire pendant la messe. L’alternative est que les gens, qui ne souhaitent pas tenir de manière stricte cette distanciation, peuvent se tenir de manière plus rapprochée les uns des autres, à condition dès lors de porter un masque. Et je peux affirmer que les gens préfèrent garder la distance des deux mètres; la grande majorité des fidèles porte également le masque et cela, durant toute la messe, sauf lors de la communion. Quoi qu’il en soit, la constatation générale est que les gens sont très disciplinés et qu’ils préfèrent la distanciation sociale, plutôt que de se rapprocher. Et en même temps, ils gardent le masque pendant la célébration.»
Messes : «Nous avons ‘perdu’ un tiers de fidèles»
Un autre effet collatéral de la pandémie est que nombre de fidèles ont déserté les messes, comme l’indique l’évêque auxiliaire : «Nous avons réalisé un bilan à ce sujet et je dois dire que nous avons quand même perdu pas mal de fidèles qui venaient régulièrement aux messes. Cette ‘perte’ se monte à hauteur d’un tiers, au moins, et concerne notamment les personnes âgées qui ont toujours peur de venir physiquement à la messe. Nous constatons donc que la peur persiste, surtout auprès de ces fidèles plus âgés qui préfèrent suivre les messes à la télévision ou à la radio. Selon un deuxième constat, nos chorales souffrent énormément. Beaucoup d’entre elles n’ont pas repris leur fonctionnement ‘normal’, car elles sont souvent composées de beaucoup de personnes âgées. Pour le reste, les gens reviennent aux offices, car ils sont très disciplinés, mais nous sommes encore très loin d’une situation ‘normale’. Cela étant, des phénomènes positifs se sont produits : je pense notamment à l’accueil personnalisé et au guidage des fidèles vers leur place que nous assurons. Ceci dit, la peur persiste !»
Le message de Mgr Leo Wagener aux fidèles
En guise de conclusion, et à la demande du Quotidien, Mgr Wagener a bien voulu faire passer son message d’espoir aux fidèles, confrontés à cette période difficile : «Mon expérience m’a montré qu’il ne faut pas avoir peur pour venir physiquement aux offices religieux, car on observe strictement les règles sanitaires. Tout le monde est bien discipliné et j’encourage les fidèles à faire preuve de résistance et de fidélité, afin de surmonter ces semaines et mois anormaux, car on retrouvera d’autres temps plus normaux. Je les appelle vraiment à la fidélité et à la résistance contre le virus.»
Claude Damiani