Le 27 octobre 2012, Jean-Marie Vesque (domaine Cep d’Or) inaugurait la première page de la série «Vignes et vignerons». C’est avec lui que nous poursuivons la série anniversaire entamée au début du mois.
Les dix dernières années
Jean-Marie Vesque : «Avant de me rendre à notre rendez-vous, je me disais que mon métier avait beaucoup plus évolué entre 2012 et 2022 qu’entre 2002 et 2012. Quand on y pense, il y a nettement plus de différences à tous les niveaux : l’encépagement s’est diversifié (NDLR : il a notamment planté du chardonnay, des cépages interspécifiques résistant aux maladies comme le cabernet blanc, le pinotin ou le cabaret noir), les rendements ont largement diminué (NDLR : ce qui induit une baisse du nombre de bouteilles produites, mais une hausse de la qualité), les méthodes de culture aussi puisque l’on n’utilise plus aucun herbicide ni insecticide, le matériel que l’on utilise dans la vigne s’est modernisé, avec des coûts d’achat et d’entretien bien plus onéreux…. En dix ans, quand on fait le bilan, il s’est vraiment passé beaucoup de choses!
Ce qui m’interpelle, aussi, c’est que la situation était plus heureuse qu’aujourd’hui. Nous sortions de la crise de 2008 et l’enthousiasme était revenu. Maintenant, entre le covid et la guerre en Ukraine, on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait et il n’y a malheureusement pas beaucoup de raisons d’être très optimiste… »
Les remembrements
«Une grande partie de mes vignes ont été remembrées ces dernières années. Cela a commencé en 2006/2007 par le Fels et le Primerberg, puis il y a eu le Goldberg entre 2016 et 2021. J’y planterai les dernières vignes dans les prochains mois. Pour un domaine, c’est un défi, puisque si les remembrements permettent de bien préparer l’avenir, ils nous coûtent aussi plusieurs années sans récolte et donc sans revenu sur les parcelles concernées pendant trois ou quatre ans, alors qu’elles demandent au moins autant de travail que les autres.»
Un marché bouleversé
«Même si les tendances ont commencé encore avant, la consommation – et avec elle le marché – a aussi changé lors de ces dix dernières années. L’époque où les consommateurs vouaient une fidélité sans faille à un vigneron est complètement révolue. Ils achètent à droite et à gauche, selon leurs envies. Les lieux de vente ne sont plus du tout les mêmes. Auparavant, on pouvait vendre jusqu’à 20 000 bouteilles pendant la foire de Printemps. Maintenant, si on atteint les 3 000, c’est déjà un succès. Il faut davantage de présence et de travail pour vendre le vin.
Surtout que la concurrence a augmenté de manière assez incroyable. Voyez le nombre de grandes surfaces qui ont ouvert récemment, c’est fou. Et les bouteilles de vin qu’elles vendent n’ont plus rien à voir. Dans le temps, on n’y trouvait que des petits vins, alors qu’aujourd’hui, on se croirait parfois presque chez un caviste.»
Les dix prochaines années
«Mon domaine compte environ 15 hectares de vignes et cela nous suffit, à Lisa (NDLR : sa fille, qui travaille avec lui depuis 2016) et moi. Je me sens encore jeune et dynamique et je ne veux pas partir à la retraite! Être à deux, c’est une chance. On peut passer plus de temps dans les vignes et nous pouvons participer à davantage de salons et de foires internationales.
En février dernier, nous étions à Wine Paris et nous avons été surpris par le nombre de personnes qui ne connaissaient pas les vins luxembourgeois, mais qui étaient enthousiasmés, notamment par nos crémants et nos auxerrois. Nous avons même gagné deux revendeurs en France, dont un qui travaille avec les États-Unis.
Plus de bio? Le gros problème, c’est de trouver le personnel
Nos vins sont des produits de niche et il y a des marchés pour ça. Cela fait plusieurs années que nous sommes vendus dans des épiceries fines à Prague par exemple, et cela marche bien.
De toute façon, nos marchés historiques à l’export n’existent pratiquement plus. La Belgique et les Pays-Bas ne sont plus intéressés, alors que beaucoup de vins partaient là-bas. Malheureusement, notre image est devenue mauvaise parce qu’autres producteurs n’y envoient pas leurs meilleures bouteilles. Il n’y a plus de vins luxembourgeois sur la côte belge, par exemple, c’est dommage.»
Toujours investir
«Notre cave est récente et bien équipée, mais il faut sans cesse rechercher la qualité et suivre les innovations techniques. J’imagine deux investissements à réaliser dans les prochaines années. Nous pourrions acheter une table de tri. À l’arrivée des raisins, nous perfectionnerions encore la sélection des meilleures grappes effectuée à la vigne.
Peut-être que nous installerons aussi une chambre froide pour éviter de presser des raisins trop chauds. Jusqu’à présent, nous utilisions de la neige carbonique pour les refroidir, mais elle est devenue tellement chère que j’ai décidé de m’en passer cette année. Le réchauffement climatique est intéressant pour nous, puisque les raisins arrivent à maturité à chaque millésime, mais il pose aussi des problèmes.
Lorsqu’il fait chaud, les raisins peuvent lancer leur fermentation sans contrôle, avant même d’être pressés, ce qui amène toujours des défauts. Mais pour cela, il faudra que nous équipions le toit de la cave en panneaux photovoltaïques pour que nous puissions produire notre électricité nous-mêmes.»
Aller vers le bio?
«Nous pourrions produire davantage bio, nous en faisons déjà quelques cuvées. Mais le gros problème, c’est trouver le personnel. Convertir tout le domaine demanderait plus de main-d’œuvre et elle est vraiment difficile à trouver. Dans la Moselle allemande, entre Trèves et Coblence, il existe des prestataires qui permettent d’avoir recours à des ouvriers viticoles qualifiés en cas de besoin. Ce serait vraiment pratique d’avoir ce service ici, mais nous sommes sans doute trop petits…»
2022 : une très bonne année
La première page de la série «Vignes et vignerons» relatait la fin des vendanges au domaine Cep d’Or. Nous étions le 27 octobre 2012. Jean-Marie Vesque expliquait qu’il avait lancé la récole le 1er octobre. Cette année, les vendangeurs ont débuté le 12 septembre, trois semaines plus tôt. Et encore, le domaine a été l’un des derniers à démarrer. «Avant, je trouvais les raisins trop tanniques, ils ne me plaisaient pas, la peau était trop amère et j’ai préféré attendre», relève-t-il.
Néanmoins, le vigneron juge l’année très bonne. «Bien sûr, j’ai de petits volumes, puisque l’année était sèche et que beaucoup de mes vignes sont jeunes (NDLR : à cause des remembrements), mais la qualité est plus qu’intéressante, juge-t-il. Les rieslings sont superbes, on n’en a pas d’aussi beaux tous les ans! Mais le grand gagnant, pour moi, est le pinot noir. Après une année dernière tellement compliquée où nous n’en avons presque pas produit, j’ai pu remplir des cuves avec des jus excellents.»
Henri Jayer, Romanée-Conti, Pétrus, Haut-Brion…
Une nouvelle vente aux enchères de vins parmi les plus recherchés aura ce dimanche, à Stadtbredimus, dans la salle des ventes de Lux-Auction mais aussi sur le site internet de l’hôtel Drouot. Ces bouteilles proviennent de caves privées luxembourgeoises, françaises et belges.
Le commissaire-priseur Adrien Denoyelle assure qu’elles ont été conservées dans les meilleures conditions possibles. En tout, plus de 1 100 bouteilles seront en vente dans 385 lots. L’impressionnant catalogue complet est disponible en ligne.
Du côté de la Bourgogne, on trouvera par exemple des rarissimes bouteilles d’Échezeau d’Henri Jayer (1973), vigneron vénéré entre tous. Les estimations tablent autour de 1 000 à 1 500 euros la bouteille.
À côté, on verra plusieurs flacons de la Romanée-Conti, dont une Romanée-Conti 1980 (8 000/10 000 euros), une Romanée-Saint-Vivant 1985 (2 500-3 800 euros), une La Tâche 1985 (3 000-5 000 euros).
Dans le Bordelais, pratiquement toutes les meilleures maisons seront présentes : Mouton-Rotschild, Lafitte-Rotschild, Haut-Brion, Angélus, Pétrus, Cos d’Estournel, Yquem, Cheval Blanc, Ponter-Canet, L’Évangile, La Fleur Pétrus…
Dimanche, 13 h 30, à la salle de ventes de Lux-Auction (6, rue Pierre-Risch à Stadtbredimus).
www.lux-auction.com