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Le tatouage n’est plus l’apanage des mauvais garçons


Sandrine et son mandala balinais. (photo Laurence Brandt)

Les tatouages ont souffert d’une mauvaise réputation qui les a poursuivis à travers les siècles. La mode, des passionnés et quelques artistes de l’aiguille leur ont rendu leurs lettres de noblesse.

Longtemps réservé aux marginaux et aux condamnés, le tatouage s’est popularisé. Signe d’infamie puis apanage des rebelles, il est aujourd’hui à la mode. Les tatoueurs sont désormais des artistes à part entière. Des salons lui sont régulièrement consacrés. Même des concours de beauté. En janvier, la première élection de Miss et Mister Tattoo Luxembourg couronnait les plus beaux exemplaires.

Un quart des résidents seraient tatoués

Il ne faut plus être un homme, un dur, pour être tatoué. Près d’un quart des résidents luxembourgeois auraient un tatouage, selon un sondage TNS Ilres de 2016. C’est le cas de Sandrine, Catia, Lynn et Marc, les Miss et Mister Tattoo Luxembourg 2019. Passionnés, ils portent leur journal intime sur leur corps. Il faut y regarder à deux fois avant d’apercevoir un trait d’encre dépasser d’une manche ou d’un col de chemise.

Fiers de l’histoire que leurs tatouages racontent, les quatre lauréats du premier concours Miss et Mister Tattoo Luxembourg restent très discrets quant aux motifs qui recouvrent leur corps. «Au bureau, personne n’aurait su que je suis tatouée si je n’avais pas participé à l’élection», raconte Sandrine, Miss Tattoo Senior Luxembourg.

Cette réserve de leur part n’est pas due aux préjugés négatifs que la société pourrait avoir. Ils n’en ont d’ailleurs jamais souffert. «Quand on tombe la veste et que nos tatouages apparaissent, l’attitude des gens à notre égard change complètement», poursuit la Miss. «Les gens sont tout de suite plus détendus avec nous», assure Catia, Miss Tattoo Luxembourg. Lynn, première dauphine de Miss Tattoo et favorite du public, n’est pas aussi enthousiaste que ses camarades : «Des parents ont éloigné leurs enfants de moi. Ils ont dû croire que j’étais une criminelle!»

À partir du Moyen Âge, les criminels, les condamnés, les voleurs et les prostituées étaient tatoués de lettres représentant leurs crimes ou leur châtiment. Ce qui explique la mauvaise réputation du tatouage et des tatoués. «J’ai eu des commentaires négatifs sur ma page Facebook dédiée à l’élection. Je ne les ai pas effacés parce que chacun a le droit d’avoir son opinion», indique Catia.

«Le support que j’ai choisi»

«Le corps est un support artistique et il faut voir le tatouage comme une pièce artistique», rebondit Sandrine. «Quand on me dit que je détruis mon corps, je réponds que j’ai écrit mon livre sur le support que j’ai choisi.» Un livre dans lequel les ratures ne sont que rarement permises. Le tatouage est, par nature, définitif. «Cela ne pose pas de problème si l’idée même est assumée et que tu es complètement abouti sur ce que tu veux faire et ce pourquoi tu veux le faire», explique Sandrine. «Le tatouage partira avec moi.» Reste la possibilité, dans certains cas, de faire recouvrir un tatouage par un autre ou de le faire effacer au laser.

Les tatouages de Sandrine partiront avec elle et vieilliront avec elle. «Aujourd’hui, j’ai un phénix dans le dos, un jour j’aurai une galinette cendrée!», dit-elle avec beaucoup d’humour, pour couper court aux réflexions des béotiens quant à l’aspect des tatouages sur les peaux âgées. «Les récits que nos tatouages représentent vieillissent avec nous. Si je tombe enceinte et que le tatouage sur mon ventre est déformé, il racontera un nouveau passage de ma vie», précise Catia.

Entre 1200 et 1600 euros pour un bras entier

Le tatouage s’est démocratisé. Les studios ont poussé comme des champignons. Alors qu’il n’y en avait qu’une vingtaine en France dans les années 1980, il y en aurait entre 3500 et 4000 actuellement. Certains tatoueurs, comme Tin-Tin, sont aussi connus que les stars qu’ils ont tatouées. «Il serait grand temps que tatoueur devienne un métier à part entière», estime Sandrine. «Pour l’instant, ils sont indépendants. C’est de l’art, mais ce n’est pas un métier. On est en droit de se demander si le législateur va suivre la tendance.»

Ce qui explique les tarifs pratiqués, entre 100 et 150 euros de l’heure. Une raison de plus pour être bien sûr de soi avant de se faire graver la peau. Au Luxembourg, le prix pour un bras entier se situe entre 1200 et 1600 euros.

Sophie Kieffer