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L’alphabétisation en français adoptée à la Chambre, mais sous condition


Toutes les études démontrent l’obstacle que représente l’allemand dans le parcours des deux tiers des écoliers.  (photo archives lq)

Le multilinguisme luxembourgeois va-t-il péricliter ? C’est la crainte de nombreux défenseurs du modèle. Le choix de l’alphabétisation en français est devenu réalité, mercredi.

La possibilité offerte aux écoliers d’une alphabétisation en français représente une petite révolution dans le système éducatif luxembourgeois, unique au monde par son trilinguisme, mais la réalité a eu raison des traditions.

Mercredi, les députés qui ont défendu le projet du ministre Claude Meisch (DP) ont pu pour la majorité d’entre eux témoigner de leur propre parcours, en tant qu’enfants issus de l’immigration.

Ce fut le cas de la rapporteuse, Barbara Agostino, qui a décrit la solitude qu’elle a ressentie au cours de ses années à l’école primaire.

L’alphabétisation en allemand a été une véritable barrière pour elle, même si elle est devenue une cheffe d’entreprise accomplie, elle aurait peut-être poursuivi des études longues si elle avait eu l’opportunité d’être alphabétisée en français.

Le témoignage de Ricardo Marques (CSV), a été tout aussi éloquent. Il était seul chez lui pour faire ses devoirs, sans aide, ses parents d’origine portugaise ne parlant pas allemand.

«Nous n’étions que deux élèves lusophones à être parvenus au lycée classique», dira-t-il. Pour sa part, David Wagner (déi Lénk), dont la mère est francophone, s’est souvenu que la quasi-majorité des élèves de sa classe issus de l’immigration ont atterri au secondaire technique.

«C’est à ce niveau que se situe la division, la séparation», adresse-t-il en direction de l’ADR, opposé au projet Alpha, par crainte de voir un système éclaté entre francophones et germanophones et une intégration «à l’envers», comme le souligne Fred Keup.

Personne, à part l’ADR, ne dit le contraire

Le représentant de l’ADR a dit tout le mal qu’il pensait du projet, fustigeant une francophonisation de la vie publique au Luxembourg où les trois langues ne sont plus exigées dans de nombreux secteurs étatiques. «Ça commence dès la crèche où le français a pris le pas sur le luxembourgeois», blâme-t-il.

Le député réussit à agacer ses pairs quand il soulève l’argument d’une perte d’identité du pays, alors que les autres partis parlent d’une chance pour tous les élèves qui ne s’en sortent pas avec l’alphabétisation en allemand, lequel, au demeurant, continuera de rester une option pour ceux qui la choisissent.

Toutes les études, depuis des décennies, démontrent l’obstacle que représente l’allemand dans le parcours des enfants qui ne parlent pas luxembourgeois à la maison, soit les deux tiers des élèves.

Le projet Alpha représente une chance pour eux, et c’est bien ce que le ministre a déclaré. Personne, à part l’ADR, ne dit le contraire.

Les socialistes, par la voix de Francine Closener, ont menacé de s’abstenir si certaines conditions n’étaient pas remplies. Une motion a été votée préalablement réclamant des garanties concernant le nombre d’enseignants nécessaires à la mise en œuvre de cette réforme et leur formation, mais aussi des garanties concernant le maintien des cours d’appui et le nombre de salles de classe. La majorité a donné son accord et les socialistes ont voté ensuite en faveur du projet.

Pas encore évalué

Si le projet Alpha a été soutenu par les Verts également, Meris Sehovic ne s’est pas privé de tancer le ministre Meisch sur sa façon de mener sa politique. «S’il y a tant d’hésitation de la part des personnels enseignants, c’est à cause de vos manières brutales d’opérer votre politique, sans dialogue», reproche-t-il au ministre.

Mercredi encore, le syndicat SEW-OGBL a souligné dans un communiqué que le projet pilote n’était pas encore achevé et n’avait donc pas encore fait l’objet d’une évaluation complète.

D’autres députés ont également formulé ce reproche pour indiquer au ministre qu’il allait trop vite en besogne et que le corps enseignant n’arrivait plus à suivre les réformes qui se multipliaient dans le domaine de l’éducation nationale.

« Il est raisonnable de penser que l’enseignement de la lecture et de l’écriture en français aura des conséquences importantes sur l’enseignement des langues au collège et au lycée », écrit le syndicat, qui se dit également préoccupé par le projet pilote récemment introduit d’une section germanophone au sein de l’enseignement secondaire traditionnel.

«Bien qu’il soit présenté comme un enrichissement du programme scolaire, il renforce la tendance actuelle à la séparation des parcours d’apprentissage linguistique et à l’affaiblissement des compétences linguistiques » et « contrevient à un système scolaire inclusif et multilingue qui rassemble tous les enfants au sein de structures partagées », ajoute le SEW-OGBL.

Le projet Alpha a recueilli néanmoins 52 votes favorables. L’ADR a voté contre et les pirates se sont abstenus. Jusqu’en 2032, la chambre des députés sera informée chaque année des exigences organisationnelles et des répercussions du projet, et une analyse d’impact sera présentée chaque année, notamment sur la réussite scolaire. D’autres conditions liées à l’évaluation du projet ont été décidées.

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