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[Le portrait] Carlo de Borger : le vieux lion connaît Airdrop


Carlo de Borger, l’un des responsables du matériel des Roud Léiwen, pèse de bien plus de poids qu’il n’y paraît.

Le chauffeur de bus des sorties scolaires, il n’y a pas de souvenirs d’enfance beaucoup plus vivaces que celui-là. Le chauffeur bougon, qui s’inquiète de l’état de ses sièges une fois que les sauvageons seront passés par là, qui ne veut pas que son engin ressemble à une poubelle, qui exige le silence quand il conduit.

Carlo de Borger, 30 ans à faire le conducteur pour les CFL entre la capitale et Remich ou Echternach, était tout le contraire : «Les gamins, je leur passais du AC/DC ou de la musique de stade. Il ne faut pas déjà leur casser les bonbons dès le matin. En fait, je suis pire que les jeunes quand il s’agit de foutre le bordel! Mais au moins, ils étaient de bonne humeur».

Carlo ne raconte pas le succès que sa discographie avait sur les pèlerins de l’Octave qu’il allait chercher dans les petits patelins reculés du pays, mais de toute façon, ce n’était pas sa cible. Le Walferdangeois ne s’épanouit visiblement que dans le bruit et la fureur de l’enfance et c’est à croire que toute sa vie sera liée à cela.

On peut l’avouer sans peine : cela a fait bizarre de le voir débarquer avec la sélection A en tant que chargé du matériel. L’occupation, à vrai dire, semblait presque trop sérieuse et calme pour lui, dix-sept ans après avoir fait irruption, masqué, dans le grand récit footballistique et international du pays…

Gerson? Il m’a juste dit merci

Le 3 juin 2006, le Luxembourg accueille en effet Cristiano Ronaldo, Simao, Figo, Deco et toute la clique lusitanienne à Metz, en amical (0-3). Sur la pelouse, ce soir-là, il y a un vingt-troisième joueur. Pour la première fois, le «Lion rouge», mascotte qui vit toujours, est là pour mettre l’ambiance et devant son poste de télévision, Fernand Braun, un pote coach, comme lui, le «grille sur RTL» et annonce à sa femme :

«Avec cette démarche-là, c’est sûr que c’est Carlo, le lion». L’histoire de cette naissance a déjà été racontée. Comment Erny Decker, longtemps homme à tout faire de la fédération, débarque dans la cabine de presse de l’Avenir Beggen stressé et agacé. Il est en visite et vient d’apprendre que le supporter du M-Block qui s’était engagé à se glisser dans le costume a fait marche arrière devant la perspective de remuer du croupion devant 25 000 spectateurs au stade Saint-Symphorien.

Mais la FLF a déjà fait l’annonce d’une «surprise» pour l’occasion. Hubert Rickal, alors au micro, glisse le nom de Carlo de Borger à Erny Decker : «Tu devrais le prendre. Pour les clowneries, il est toujours partant!».

«C’est comme ça qu’on a lâché le fauve dans la nature», rigole Carlo de Borger. Le premier soir, il perd sept kilos dans son costume de lion. En moyenne, au long de ses «34 sélections», il aura transpiré 3 à 4 litres de flotte par match. C’est à se demander comment il a pu rester quelque chose de lui, autre que ses trophées, dont il adore parler.

«J’en ai eu des signatures! Presque toute l’équipe des Pays-Bas, mais aussi Hitzfeld, Vogts… Franck Ribéry m’a signé le maillot du Luxembourg dès la sortie du terrain. J’ai juste eu à ouvrir le costume du lion. Ah, et j’ai aussi eu celle de Michel Platini sur le livre du centenaire de la fédération. J’avais quand même demandé à Paul Philipp, avant, si je pouvais oser.»

Cette partie de sa vie lui manque. Il le referait bien, mais c’est désormais hors de question parce qu’il a trouvé un nouvel amour. La sélection A. «Et Luc Holtz m’a un peu pris pour l’ambiance, aussi.» C’est une mission qu’il ne prend pas plus à la légère que celle de la mise à disposition du matériel. Pas du tout même. D’autant qu’elle déborde largement sur les rassemblements. «Non, on entretient aussi la flamme avant et après. On est une famille ! Moi, dès qu’un joueur signe une grosse performance en club, je lui envoie un message, un petit cœur…»

De Borger comme ciment du groupe des Roud Léiwen? À vrai dire, c’est aussi un peu ce qui a motivé ce portrait. Ce geste impulsif d’un Gerson Rodrigues paraissant isolé dans le groupe lors de son retour aux affaires en Islande (1-1) et qui s’est jeté dans les bras du père Carlo après son but égalisateur. «Il m’a juste dit merci et j’avoue que ça m’a ému, susurre Carlo de Borger. Un joueur qui revient, comme ça, il doit se réadapter. Et moi, dès le début, je lui ai fait comprendre qu’il était le bienvenu, qu’il était chez lui. Il m’a offert son maillot à la fin du match.»

J’ai fait jouer Bohnert à 4 ans et demi

Ces joueurs, Carlo l’avoue, il les aime tous. Mais il a aussi ses petits crushs personnels. Maxime Chanot par exemple, dont il apprécie la reconnaissance pour le travail accompli et qui l’a invité à New York cet été. «Il nous avait dégoté des billets pour un de ses matches à ma femme Sonia et à moi, mais malheureusement, il ne l’a pas joué puisqu’il était en train de négocier son départ à Ajaccio.»

Il y a aussi Florian Bohnert, qu’il a accepté à ses entraînements chez les bambins de l’Avenir Beggen alors que le futur international n’avait que 4 ans et demi et pleurait en bord de terrain parce qu’il n’avait pas le droit de jouer. «On en reparle souvent, rigole Carlo de Borger. Je lui avais dit : « Allez, viens mon ami! Chez moi, tu peux jouer, même aussi jeune ». Récemment, il m’a avoué qu’il ne sait pas s’il aurait joué au foot si je n’avais pas été là.»

Carlo, qui a commencé à faire le coach dès 19 ans, était aussi là pour la naissance d’autres internationaux puisqu’il a vu passer Jérôme Bigard et Tom Schnell chez les poussins de l’Union. Pas mal, comme tableau de chasse : il aura finalement bossé très en amont pour Luc Holtz…

Et il continue d’ailleurs de le faire avec toutes les catégories jeunes, «puisque, au-delà de leur formation de footballeur, on leur apprend aussi certaines valeurs comme le respect». Ce qui ne l’empêche pas, à 62 ans, de continuer à se faire accepter en adoptant les codes des ados sans plus chercher à leur imposer des groupes rock des années 70-80.

«Aujourd’hui, les U13 ou U15 de la FLF écoutent du rap français. Alors le vieux pépé que je suis s’y met… Mais j’apprends beaucoup à leur contact. La dernière fois, en Bulgarie, ils me demandaient des photos que j’avais prises avec mon téléphone, après le match. Je leur réponds que je dois attendre d’avoir le wifi de l’hôtel pour leur envoyer. Ils me regardent bizarrement et commencent à me parler d’Airdrop. Je leur demande ce que le rugby a à voir là-dedans. Et ils ont commencé à tripoter mon téléphone pour me montrer. Voilà, on apprend tout le temps. Surtout des enfants.»

Aujourd’hui, c’est Lee, son petit-fils de 9 ans, qui le harcèle de questions sur la sélection. Fan absolu au point d’engueuler les supporters adverses qui célèbrent les buts de leur équipe, il n’en finit plus de chercher les réponses auprès de papy.

Fasciné par Gerson, soucieux de savoir si «Chanot est aussi gentil qu’il en a l’air», fou de joie d’avoir pu prendre des selfies lors d’un entraînement à Bissen, désireux d’obtenir la carte dédicacée de Leandro Barreiro… C’est à se demander s’il s’intéresse au Lion rouge qui s’agite en bord de pelouse et qui n’a plus la démarche de son papy…

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