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[Le portrait] Coach Jempy, l’entraîneur bienveillant


Jempy Drucker apprécie sa nouvelle vie d’entraîneur national.

Après une riche carrière professionnelle, il est entraîneur national depuis le mois d’août 2022. Jempy Drucker vit pleinement sa mission.

Chaque matin ou presque, il met en laisse Elvis, son bouledogue de dix ans déjà, lequel était l’attraction du peloton lorsque Lynn, son épouse, lui rendait visite aux départs ou arrivées des courses.

Une fois la petite promenade terminée, Jempy Drucker quitte son pavillon de Foetz pour se rendre à Strassen au siège de la fédération luxembourgeoise de cyclisme, dont le président, Camille Dahm, en poste depuis 2016 déjà, vient d’être réélu pour quatre nouvelles années.

Ainsi va la vie de Jempy Drucker, 35 ans, nommé entraîneur national en août 2022. Faute de contrat, au début de cette année 2022, il avait mis un terme à onze années de professionnalisme ponctuées par deux succès retentissants. Sur la Ride London 2015 qui figurait alors en World Tour. Et l’année suivante, lors de la 16e étape du Tour d’Espagne.

Là, il revient tout juste des Pays-Bas où, de mercredi à dimanche, il a dirigé l’équipe nationale espoirs sur les routes plates, mais piégeuses, de l’Olympia’s Tour. Mais comme la saison des classiques de pavés – qui sont restées son domaine de prédilection – bat son plein, il ne se lasse pas d’apprécier chaque rendez-vous, comme s’il était un peu dans ce peloton à part des gros bras de celui-ci.

S’il n’avait jamais eu le bonheur de performer sur les monuments pavés (hormis une 19e place sur le Tour des Flandres 2016 et une 20e place dans Paris-Roubaix 2014), sa quatrième place à Waregem dans À Travers la Flandre 2014, comme au Grand Prix de Francfort 2017, ses deux sixième rang dans le Het Nieuwsblad (2014 et 2019), et sa neuvième position dans le Grand Prix E3 (2016) restent autant de faits d’armes.

Mais ne révèlent en rien la nature de l’engagement qui fut alors le sien. Ni le prix du danger. Hier, avec la classique À Travers la Flandre, l’un et l’autre ont refait surface. «C’est à Waregem que je suis passé au plus près de mon rêve, monter sur le podium d’une classique, puisque j’ai fini quatrième. Et c’est à Waregem que je suis passé tout près d’un drame, puisque je suis passé près d’une paralysie, pour ne pas dire plus», raconte-t-il au sujet de sa chute spectaculaire à l’arrivée de l’édition 2019.

Une chute qui l’a forcément longtemps laissé sur le flanc et aurait pu stopper net sa carrière. Longtemps après, il souffrit des suites de sa fracture vertébrale. Alors en ce qui concerne ses trois factures de la clavicule gauche espacées au fil de sa carrière…

De cette carrière faite «de hauts et de bas», Jempy Drucker, qui a bel et bien tourné la page pour endosser les habits d’entraîneur, retiendra surtout sa période BMC (2015 à 2018). «Dans l’équipe, on avait quelqu’un, avec Greg Van Avermaet, qui était un grand leader. On roulait bien ensemble, on formait une belle équipe, bien réglée et dans une bonne ambiance de copains», se souvient-il.

Nous, on se rappelle qu’à peine assis sur sa chaise en conférence de presse afin de commenter son succès dans Paris-Roubaix 2017, l’ancien champion olympique flamand eut cette phrase sentencieuse : «Sans Jempy Drucker, jamais je ne me serais imposé…»

Le Luxembourgeois avait en effet «remorqué» son leader flamand, victime d’un incident mécanique avant la Trouée d’Arenberg, pour lui permettre de revenir sur le devant de la scène une quinzaine de kilomètres plus loin.

Je partais un peu dans l’inconnu au début et c’est aussi une chance pour moi de pouvoir aider les jeunes coureurs luxembourgeois. C’est chouette de partager mon expérience

C’est de toutes ces expériences qu’il tire profit aujourd’hui dans son nouvel habit. Car c’est bien de transmission dont il s’agit. Ce frais retraité, que Frank Schleck, en tant que coordinateur national, se plut à guider, patiemment, mais sûrement vers ce poste d’entraîneur national, est très apprécié par ses anciens pairs. «Lorsque j’étais jeune coureur professionnel, il me donnait déjà des conseils alors que nous ne figurions pas dans la même équipe», glissait Kevin Geniets au moment de sa nomination.

Et les plus jeunes, unanimes également, louent sa patience, comme son expérience. Surtout sa bienveillance. Ce qui ne veut pas dire non plus qu’il soit dénué d’exigence.

«Je partais un peu dans l’inconnu au début et c’est aussi une chance pour moi de pouvoir aider les jeunes coureurs luxembourgeois. C’est chouette de partager mon expérience», juge-t-il aujourd’hui.

S’il semble ne pas avoir pris un gramme de trop depuis son retrait des pelotons, sa pratique s’est pourtant largement réduite. «En hiver, je peux encore accompagner les jeunes lors des entraînements de cross, mais pas question de m’aventurer sur route avec les espoirs», jure-t-il.

Dans tous les cas, il peut aujourd’hui pleinement profiter de sa famille, avec Lynn son épouse, Lenny son fils de trois ans, et Emma, sa fille de six ans, après la vie trépidante de coureur professionnel qui «vous tient éloigné de chez vous plus de deux cents jours par an». Il goûte chaque moment avec intensité.

Comme un vieux combattant, plutôt un ancien compagnon de route, il revoit les anciennes connaissances avec plaisir. Comme pas plus tard que la semaine dernière aux Pays-Bas, l’Anglais Peter Kennaugh, actuellement directeur sportif de l’équipe Trinity, avec qui il a couru chez Bora-hansgrohe. Les conversations d’anciens pros ramènent vite au présent. Car aujourd’hui, c’est de Coach Jempy et uniquement que de ça dont il s’agit!