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Le plastique, l’encombrant invité du Tour de France


Casquettes, bobs, stylos, porte-clefs... En tout près de 15 millions d'objets promotionnels sont distribués sur le passage du Tour de France. (Photo illustration AFP)

Traditionnelles casquettes et autres gadgets promotionnels éphémères et en prime cette année l’arrivée d’un géant de la pétrochimie dans le peloton: le Tour de France est accusé de faire la part belle au plastique, même si ses organisateurs assurent faire des efforts.

Parmi les nouveaux venus du Tour 2019, Ineos, groupe de pétrochimie britannique, un des leaders mondiaux de la production de plastique et très controversé au Royaume-Uni pour ses importations de gaz de schiste et ses investissements dans ce secteur.

Encore peu identifiée en France, l’entreprise va vite se faire connaître grâce à son sponsoring de l’équipe favorite du Tour de France, anciennement Sky, qui compte parmi ses coureurs Geraint Thomas et Egan Bernal. Un engagement que le groupe britannique justifie par les vertus sociales du sport et par les enjeux technologiques liés au cyclisme de haut niveau.

« Ineos fait du greenwashing avec le Tour de France et il ne faudrait pas qu’ils soient connus uniquement pour avoir remporté cette course », alerte, auprès de l’AFP, Laura Châtel, responsable du plaidoyer à l’association Zero Waste France.

Un plastique qui carbure au gaz de schiste

L’ONG rebondit sur l’arrivée d’Ineos pour lancer une campagne d’information sur les conséquences environnementales de la fracturation hydraulique, processus d’extraction de gaz de schiste répandu en Amérique du Nord. « On veut rendre visible les liens entre fracturation hydraulique et explosion de la production de plastique », poursuit Laura Châtel. « Le gaz de schiste est une matière première peu coûteuse pour la production de plastique à bas coût et c’est ce qui permet la distribution d’objets promotionnels à volonté. »

« Nous pensons que la société doit minimiser l’utilisation de plastique à usage unique », répond un porte-parole d’Ineos. « C’est une ressource qui a encore plus de valeur si elle est recyclée ».

15 millions d’objets promotionnels distribués

Durant les trois semaines de la Grande Boucle, 15 millions d’objets promotionnels seront distribués aux 10 à 12 millions de spectateurs, selon son directeur Christian Prudhomme, soit 3 millions de moins qu’en 2017.

C’est encore trop pour le député François-Michel Lambert (groupe Libertés des territoires), signataire d’une tribune, avec 34 députés et six ONG, dénonçant les « pitoyables breloques en plastiques », « gadgets qui ne servent à rien », « semés chaque année sur les routes de France » par la caravane publicitaire. « Du plastique comme s’il en pleuvait ! »

« Depuis maintenant cinq ans, nous avons entamé, avec nos partenaires, une politique de réduction du plastique dans les cadeaux que les marques offrent au public », avance Christian Prudhomme, qui évoque également la fin des emballages plastique supplémentaires.

Côté pollution des espaces naturels, organisateurs et collectivités assurent que les spectateurs se jettent sur les cadeaux de la caravane et les ramènent chez eux, n’en laissant pas sur le bord de la route.

43 m3 de déchets pour 150 km de course

Le département de Haute-Savoie a collecté plus de 43 m3 de déchets autour des 150 km de route empruntés par le Tour 2018. Dans les sacs poubelle, la collectivité territoriale a retrouvé « principalement des déchets ménagers et très peu de « goodies » du Tour de France ». Idem pour le maire d’Huez dans l’Isère et pour la communauté de communes des Pyrénées Haut-Garonnaises.

Du côté des marques, on privilégie les cadeaux à garder aux porte-clefs à jeter. « Bic distribue deux types de stylos sur le Tour de France, ce sont des produits attendus, utiles et durables. Le but n’a jamais été de distribuer des objets inutiles », assure la marque de papeterie.

Pour Vittel, impossible d’échapper à la bouteille en plastique en raison d’une contrainte sanitaire : l’eau minérale doit être embouteillée à la source. « Nos caravaniers ne jettent pas nos bouteilles, c’est de la main à la main et nous faisons un travail de sensibilisation au recyclage », précise Françoise Bresson, directrice RSE et événements de Nestlé Waters, maison mère de Vittel.

Reste que les bobs, tee-shirts et autres finiront bien un jour parmi les déchets, parfois un peu trop rapidement. « Que les gens ramènent les « goodies » chez eux c’est bien mais ce n’est pas ce qu’on cible », souligne François Lambert, président de l’ONG Expédition 7e continent, signataire de la tribune. « Le problème vient de cette démarche de distribution, une pratique culturelle et fainéante que l’on pourrait changer. »

LQ/AFP