Alberto n’a pas cherché à mettre de l’huile sur le feu, vendredi. Il s’est contenté de nier sobrement. Son avocat a plaidé l’acquittement et la prescription des faits.
Quand les victimes de crimes sexuels sont trop calmes à la barre, c’est qu’elles ont inventé l’agression qu’elles disent avoir subi. Quand elles montrent trop d’émotions, c’est qu’elles font du théâtre», a pondéré le procureur vendredi après que Me Pim Knaff, l’avocat de la défense, a reproché à la victime présumée d’avoir raconté les viols dont il avance «comme s’il résumait un film porno».
Son témoignage ne reflète pas suffisamment «la violence de l’acte» et le traumatisme vécu pour être crédible, selon l’avocat qui dénonce une «absence totale de preuves», une «enquête à charge» et des «accusations mensongères» de la part de la victime présumée. Michael, 29 ans, accuse son cousin Alberto, 43 ans, de l’avoir violé par pénétration anale entre ses 11 et ses 15 ans, d’août 2004 à août 2006.
Michael a attendu juillet 2018 pour dénoncer les faits. Depuis trois jours, la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et la défense d’Alberto s’interrogent sur les raisons de ce long silence. «C’était un gamin en situation illégale qui ne maîtrisait pas bien la langue. Il savait qu’il allait briser l’équilibre familial. Dans ces conditions, ce n’est pas étonnant qu’un enfant ne porte pas plainte», a justifié le procureur.
«Il ne s’est rien passé. C’est pour cette raison que rien n’a pu être dénoncé plus tôt», tonne Me Knaff, arguant que dans cette affaire, «c’est la parole de l’un contre la parole de l’autre» et de demander l’acquittement de son client après avoir plaidé la prescription des faits. «Il s’agit de viols commis sous l’ancien régime, argumente-t-il. Le délai de prescription était de dix ans après les faits. La prescription a été acquise en 2016.»
Les faits ne sont pas prescrits
Parquet et chambre du conseil ne sont pas de cet avis : les faits ne sont pas prescrits. Ils se basent pour l’affirmer sur une loi de 2012 portant le délai de prescription à dix ans après la majorité de la victime mineure présumée. Michael avait 25 ans quand il a dénoncé les agressions qu’il dit avoir subies de la part de son cousin.
Cousin qui continue de nier. «Vous pouvez me poser toutes les questions que vous voulez, mais je n’ai rien fait», prévient-il la présidente de la 13e chambre criminelle. Cela ne s’est pas passé comme il le raconte.» L’homme au physique andin maintient la thèse de la vengeance par jalousie appuyée la veille par sa mère et une de ses tantes.
Une thèse balayée par le procureur qui accrédite la version de Michael en se basant sur le récit «cohérent» livré par le jeune homme malgré les années écoulées et son jeune âge à l’époque des faits. Il l’oppose, selon lui, à la «version confuse» et «relativement abracadabrantesque» livrée par la mère et la tante d’Alberto.
Le fait que Nancy, une des sœurs d’Alberto, ait reconnu que Michael lui avait parlé au moment des faits de ce que le prévenu lui faisait subir, démontre, selon les magistrats que les viols n’ont pas été inventés en 2018 pour nuire à Alberto et à sa famille ou pour tenter de leur soutirer de l’argent.
Pour le procureur, Michael a bien été victime à plusieurs reprises entre ses 11 et ses 15 ans des assauts d’Alberto avec les circonstances aggravantes qu’il est son cousin et qu’ils vivaient sous le même toit. «Alberto se servait de Michael à discrétion comme d’un objet sexuel», assure-t-il à l’avocat de la défense. Les indices à charge sont suffisants pour établir son implication.»
Le casier judiciaire du prévenu étant vierge et les faits étant anciens, le représentant du parquet a estimé qu’il pouvait bénéficier de circonstances atténuantes et a requis une peine de dix ans d’emprisonnement à son encontre. Il ne s’est pas opposé à un sursis partiel, mais a exclu la possibilité d’un sursis intégral étant donné la gravité des faits. De même qu’à une éventuelle expertise psychiatrique de la victime présumée si la chambre criminelle la jugeait nécessaire pour établir son jugement.
Le prononcé est fixé au 11 mai.
Délai de prescription : une réforme en vue
Le délai de prescription va être allongé de 10 à 30 ans après les faits dans certains cas d’abus sexuels comme l’atteinte à l’intégrité sexuelle sur mineur de nature criminelle ou l’atteinte à l’intégrité sexuelle incestueuse sur mineur, entre autres.
Un projet de loi prévoyant de renforcer les moyens de lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des mineurs et portant modification du code pénal et du code de procédure pénale a été présenté en janvier dernier par la ministre de la Justice, Sam Tanson.
Cet allongement risque, regrettent les magistrats qui ont instruit l’affaire opposant les deux cousins, de compliquer la recherche de preuves ou la vérification de détails pour le parquet et la défense.
Notamment en raison des mesures de protection des données qui empêchent l’accès à certaines informations sur les parties prenantes des affaires après un certain laps de temps.