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Le Monde après nous : apocalypse numérique 


Le réalisateur regarde comme un anthropologue les humains s’agiter, lâches, racistes et terriblement ordinaires. (Photo Netflix)

Après le surprenant Don’t Look Up, Netflix poursuit ses mises en garde sur l’effondrement prochain de l’humanité avec Le Monde après nous réalisé par Sam Esmail et produit par le couple Obama.

En 1943, René Barjavel publiait Ravage, ouvrage dans lequel il imaginait un monde où l’énergie aurait soudainement disparu, provoquant la fin d’une civilisation d’apparence solide, mais en fin de compte fragile, car trop dépendante de l’électricité. Une lente décomposition reprise par un autre romancier, l‘Américain Rumaan Alam qui, dans Leave the World Behind (2020), s’amuse avec un outil plus contemporain : le numérique, qu’il fait lui aussi disparaître d’un claquement de doigts. Plus de téléphone, d’internet, de GPS, de télévision, de radio… Un cauchemar moderne que met librement à l’écran Sam Esmail, jusque-là connu comme créateur de séries (Mr. Robot et Homecoming).

Sa caméra embarque dans la voiture des Sandford, couple petit bourgeois qui, avec enfants, décide de s’offrir le temps d’un week-end une parenthèse dorée, loin de l’agitation de Brooklyn. En route vers Long Island pour profiter d’une «belle maison au bord de mer» louée sur Airbnb, chacun est accroché à un écran, ensemble, mais finalement bien seuls.

Sur place, rien ne se passe comme prévu : le wifi ne marche pas, et plus aucun appareil ne répond. La raison ? Une probable cyberattaque, ce qui met Amanda (Julia Roberts) et Clay (Ethan Hawke) dans tous leurs états. Leur méfiance, égocentrisme, paranoïa et misanthropie vont être mis à l’épreuve avec l’arrivée en pleine nuit d’un père (Mahershala Ali) et sa fille, se présentant comme les propriétaires des lieux. L’annonce de la location promettait «de laisser le monde derrière soi». Ils vont être servis!

Heureusement qu’il y a Netflix : la fin du monde sera au moins divertissante

Après le surprenant Don’t Look Up, Netflix poursuit ses mises en garde sur l’effondrement prochain de l’humanité, même si ici, celle-ci semble déjà bien entamée, selon le réalisateur qui souligne un terrible paradoxe : derrière l’hyperconnexion, on est en réalité tous éloignés les uns des autres. Ce qui pose un problème quand il faut s’entraider devant un monde qui chavire. Que faire alors? Se mettre en mode survivaliste comme le personnage de Kevin Bacon dans le film? Privilégier la collaboration quitte à devoir composer avec ses failles et ses bassesses? Ou alors plonger la tête dans le sable en attendant que tout redevienne comme avant? Sauf qu’un jour, un «retour à la normal» sera tout bonnement impossible.

Des interrogations auxquelles Sam Esmail répond avec subtilité et force, alternant les humeurs et les bonnes idées dans une œuvre qui oscille entre dystopie à la Black Mirror et angoisse façon Get Out de Jordan Peele. Ainsi, dans la forme, il joue la carte du huis clos tout en suspense (ou presque), qu’il contrebalance d’effets de manche bien sentis et d’effets spéciaux : la présence prophétique d’animaux (annonciateurs du basculement à venir), les voitures Tesla, pilotées à distance, qui se foncent dedans et s’empilent sur l’autoroute, les bateaux qui s’échouent et les avions qui s’écrasent, privés de système de navigation.

Barack Obama au scénario

Techniquement, à travers des mouvements de caméra audacieux, et sur une musique contemporaine qui hérisse les poils, le réalisateur regarde comme un anthropologue les humains s’agiter, lâches, racistes et terriblement ordinaires. À l’instar de la jeune fille des Sandford qui, au milieu de la panique généralisée, ne pense qu’à terminer le dernier épisode de Friends… Mais la fiction prend une drôle de tournure, dramatiquement réaliste, quand on apprend qui est derrière la production du Monde après nous : Barack et Michelle Obama eux-mêmes !  L’ancien président américain a même apporté son aide au scénario pour évoquer des sujets qu’il connait bien, du hacking à l’éco-anxiété.

Alors oui, quand dans le film, le personnage de Mahershala Ali, par l’une de ses connaissances haut-placées, raconte que «personne n’est aux commandes et ne tire les ficelles» à la tête des États, qu’en cas d’apocalypse, les plus influents seront juste prévenus avant pour se tailler rapidement et se mettre à l’abri, et qu’il existe de réels risques d’attaques terroristes visant à isoler, générer (et synchroniser) le chaos, et ainsi favoriser les guerres civiles à moindres frais, il y a de quoi s’inquiéter. Heureusement qu’il y a Netflix : la fin du monde sera au moins divertissante.

Le Monde après nous de Sam Esmail avec Julia Roberts, Ethan Hawke, Mahershala Ali… Genre Thriller. Durée 2 h 18. Netflix

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