Tout miser sur une croissance quantitative, c’est un modèle très luxembourgeois, mais très risqué. Taina Bofferding trouve le gouvernement trop ambitieux et souvent incohérent.
Les socialistes ne s’y retrouvent pas, même si ce budget de transition reprend «beaucoup de mesures de l’ancien gouvernement». Taina Bofferding, cheffe de file du LSAP à la Chambre, y voit les premiers accents politiques du nouveau gouvernement, qui mise tout sur la croissance. C’est bien ce qui effraie la députée et ancienne ministre qui passe en revue les dépenses, sans y trouver de compensations en recettes.
«La croissance quantitative, c’est le modèle luxembourgeois par excellence», relève Taina Bofferding, sauf que cette fois, le contexte international fragilise ce schéma économique bien rodé. Parier sur une augmentation des recettes fiscales de 3 % quand la croissance du taux d’emploi se limitera à 1,3 point, c’est très optimiste, selon elle. Et elle insiste : «C’est même assez surestimé.»
Le Statec table sur une inflation de 2,2 % cette année et le gouvernement a annoncé la poursuite des aides aux ménages les plus précaires. «C’est tant mieux, le gouvernement bénéficie des finances saines que nous avons laissées», se réjouit la députée, mais le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne prédisent une croissance moins forte que celle retenue pour ce budget, et cela risque de creuser le déficit. «Nous doutons fortement de la résilience de nos finances publiques, surtout si on doit faire face à un choc, comme nous l’avons vécu avec la pandémie», reconnaît-elle.
Les défis sont nombreux et les ambitions du gouvernement louables qui, pourtant, composent «la quadrature du cercle», pour Taina Bofferding, qui affirme «qu’avec des projections aussi exagérées, on aura des problèmes». Une croissance limitée à 0,5 % chaque année ferait doubler le déficit et la députée socialiste, dans ce genre de situation, appelle à la mise en place d’un plan B. «On ignore si c’est de l’optimisme aveugle et s’il y a une stratégie derrière tout cela», dit-elle encore.
La députée socialiste pointe les incohérences dans la politique fiscale, notamment par rapport au Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC). Jusqu’à 2030, les émissions de CO2 doivent diminuer de 50 % et le PNEC prévoit des mesures dans six domaines, dont le transport, un des secteurs les plus pollueurs. D’ici 2030, 49 % des véhicules devront être électriques, et le gouvernement n’a pas remis en question ces objectifs. «Si on voit les projections des recettes provenant des accises, surtout pour la vente de diesel, le gouvernement table sur une baisse de 3,5 % par an, à la place de 10 %.» «On se demande cette fois où est la cohérence avec le PNEC», interroge Taina Bofferding.
Manque d’équité sociale
Comme la Cour des comptes l’avait déjà souligné, il manque à ce budget un catalogue de mesures indiquant plus précisément où l’État doit réaliser des économies. «Il y a de nouveaux recrutements prévus pour cette année», rappelle Taina Bofferding, en faisant référence à l’effort annoncé par Léon Gloden, qui porte sur 1 500 fonctionnaires devant entrer en fonction principalement dans la police, l’éducation et l’armée.
«Notre pays va encore se développer démographiquement et nous avons besoin d’un service public fort», insiste la députée socialiste. Le budget ne dit pas où réduire les dépenses. Au contraire, il faudra encore penser à recruter au sein du Corps grand-ducal d’incendie et de secours (CGDIS), «si l’on veut une intervention dans les 15 minutes», complète-t-elle.
En matière de logement, la députée invite à ne pas confondre crise du secteur de la construction et crise du logement. Elle regrette que le gouvernement ne parle pas de lutte contre la spéculation, «alors que le logement est un droit». Elle pense aux locataires qui viennent d’apprendre que le gouvernement a décidé de renoncer à la réforme du plafond des loyers. Dans la foulée, elle dépose, au nom des socialistes, une motion réclamant un nouveau calcul pour plafonner les loyers et une mention sur le contrat de bail indiquant le capital investi.
En matière de politique familiale, le budget affiche «une bonne continuité» de la politique engagée ces dernières années. En revanche, il n’apporte pas d’amélioration dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, regrette Taina Bofferding.
«D’une façon générale, nous avons des problèmes avec ce budget», conclut-elle. L’ensemble manque de cohérence entre les politiques annoncées et les prévisions budgétaires, analyse Taina Bofferding. «Pour nous, il manque la dimension sociale et l’approche de l’équité. L’équité sociale est une valeur que l’on défend et dont on a besoin», déplore-t-elle.
Après la présidente du groupe socialiste, son camarade Franz Fayot défendra «une approche humaine de l’économie».