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Chambre des députés : le devoir de vigilance capote


Voilà déjà six ans qu’est née la plateforme qui plaide en faveur d’une législation pour un devoir de vigilance des entreprises.   (Photo : archives lq/hervé montaigu)

Les députés attendaient un accord à Bruxelles qui n’est pas venu. Ils ont débattu du devoir de vigilance des entreprises qui pourrait faire l’objet d’une loi nationale. Luc Frieden n’a rien contre.

Une bonne vingtaine de membres de l’Initiative pour un devoir de vigilance, qui compte 17 organisations membres issues de la société civile, ont brandi leurs pancartes devant la chambre des députés, hier à l’ouverture de la séance plénière. Elle milite depuis de longues années en faveur d’une législation qui obligera les grandes entreprises à mettre fin à l’impact de leurs activités sur les droits humains et l’environnement.

Le débat demandé à ce sujet par le parti déi gréng s’est déroulé en même temps que le vote des ambassadeurs à Bruxelles sur un accord en faveur d’une directive européenne pour un devoir de vigilance des entreprises. Aucune majorité n’a pu être atteinte, si bien que le compromis doit être renégocié. «Il comporte trop d’insécurités juridiques à ce stade», a commenté hier le Premier ministre Luc Frieden, à propos du texte que le Luxembourg s’est abstenu de voter. La Suède a même voté contre. «Pensez-vous que les pays scandinaves soient opposés aux droits de l’homme?», questionne-t-il, à l’adresse de ceux qui exigent la signature de la directive.

Le Luxembourg s’est abstenu parce que le texte est imparfait et met en danger la compétitivité des entreprises européennes et notamment les plus petites d’entre elles. Si tous les députés dans la salle s’entendent sur le respect absolument nécessaire des droits de l’homme et de la protection de l’environnement qui incombe aux entreprises, ils n’empruntent pas tous le même chemin pour l’imposer.

L’objectif est clair pour tous, d’autant qu’un récent sondage d’Ilres, indique que 87 % des habitants du Luxembourg veulent que le gouvernement respecte les engagements internationaux pris en matière de droits humains, du climat et de l’environnement, et que neuf personnes interrogées sur dix estiment que le gouvernement doit faire preuve de transparence quant à ses positions lors des négociations au niveau de l’UE.

Le Luxembourg, qui s’était engagé en faveur des normes internationales, a demandé une exclusion des fonds d’investissement de la liste des entreprises soumises à un devoir de vigilance. C’est valable pour les Soparfi (Sociétés de participations financières).

Une loi nationale

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si le Luxembourg est prêt à adopter une législation nationale en la matière sans attendre une directive européenne. Les verts, initiateurs du débat d’hier, déposent une motion en ce sens pour laquelle Luc Frieden dit avoir «de la sympathie». En modifiant quelques considérants, il peut l’accepter.

C’est ainsi que la motion a été adoptée par la majorité des voix, sans celles de l’ADR qui attend de voir de quoi sera fait le projet de loi relatif au devoir de vigilance.

Et si personne ne sait encore ce qui constituera le nouveau compromis, le Premier ministre réitère sa volonté d’adopter la directive européenne qu’il continue à soutenir à condition de clarifier certains aspects du texte.

Jusqu’ici, le Luxembourg n’a pas adopté de loi nationale en attendant une législation européenne; il se pourrait que la situation change. Mais le principe du business first, qui guide les décisions à Bruxelles, va inévitablement s’appliquer au Luxembourg aussi.

La France, l’Allemagne, la Norvège et la Suisse ont déjà adopté des législations en la matière, mais le Luxembourg fait face à la levée de boucliers du patronat qui préfère un cadre légal européen.

Le porte-parole de l’Initiative pour un devoir de vigilance, Jean-Louis Zeyen, n’est pas du même  avis. «Nous défendons cette loi européenne, nous aussi, mais elle n’empêche en rien de prendre des mesures au niveau national, et toutes les bases existent pour le faire. À Bruxelles, le processus pourrait prendre une décennie, or, les victimes ne peuvent pas attendre. C’est maintenant qu’il faut agir», déclarait-il au Quotidien il y a un an déjà.

Sa déception face au résultat obtenu à hier à Bruxelles était grande. Il a eu au moins l’assurance que le gouvernement s’engage en faveur d’un texte législatif, européen ou national. C’est la question des délais qui reste inquiétante.