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Le cocon post-thérapeutique de la Stëmm à Schoenfels


Pour Éric, employé depuis cinq ans, le centre post-thérapeutique de Schoenfels est comme une famille. (Photo : julien garroy)

À Schoenfels, la Stëmm dispose du seul centre post-thérapeutique du pays afin de loger et employer d’anciens addicts. Un fonctionnement rare qui permet, majoritairement, d’éviter une rechute.

«C’était la croix et la bannière pour s’installer ici, on en a bavé», raconte Alexandra Oxacelay, directrice de la Stëmm vun der Strooss, en se dirigeant vers le potager du centre post-thérapeutique de Schoenfels. À l’annonce de la création du centre, fondé en 2014 au pied du château de la commune, certains habitants ont protesté en raison du public attendu : anciens dépendants à l’alcool, aux drogues, aux médicaments ou encore au jeu.

«Ils ne voulaient pas accueillir de toxicomanes chez eux, ils avaient peur de retrouver des seringues dans la rue ou que leur maison perd de la valeur», soupire Pitt, éducateur au centre. Sur place, force est de constater que les seules choses laissées au sol sont les salades, choux et potirons du potager, certifiés bios, de la structure.

Contrairement aux idées reçues, la venue d’anciens addicts en post-thérapie a insufflé un souffle nouveau au lieu. Financé à hauteur de 2,4 millions d’euros par l’État, le centre a permis de remettre sur pied un bâtiment délabré, en y installant la Stëmm mais aussi une antenne de l’administration de la Nature et des Forêts (ANF) ainsi qu’un atelier de menuiserie. «Et on a réussi à mettre un arrêt bus à Schoenfels, qui n’en avait pas et que les habitants réclamaient. Ça nous a permis d’être mieux vus», glisse la directrice.

Encadrer et valoriser

Au sein du centre, deux types de bénéficiaires cohabitent. D’une part, l’ASBL héberge temporairement des personnes en post-thérapie, sans moyens pour se loger ou à la stabilité fragile. Quinze lits sont à disposition, pour une durée maximum de deux ans. Sur un tableau à l’entrée, les résidents signalent leur présence ou sortie à l’aide de vignettes. Ce jour-là, tous sont partis travailler ou faire une activité extérieure.

Mais la «maison» dispose de ses règles. «En semaine, il faut être rentré à 23 h dernier délai, le week-end on est un peu plus cools tant qu’on est prévenus», explique Pitt. Cadrés mais pas enfermés, les résidents peuvent dormir chez leurs proches le week-end. Ce court séjour à l’extérieur peut leur offrir un bol d’air et une sphère plus intime car les chambres, au mobilier réduit à l’essentiel, sont partagées à deux. «Cela pose parfois problème, mais la plupart viennent de chambres d’hôpital donc ils ont l’habitude.»

En dessous des chambres, au rez-de-chaussée, se trouve la cuisine qui fait partie du deuxième volet du centre : les ateliers de travail. Pas obligatoirement logées sur place, une trentaine de personnes travaillent en cuisine, sur les espaces verts et dans le potager. Via des candidatures adressées par les conseillers sociaux, les motivés intègrent l’atelier de leur choix. Cela peut dépendre de l’expérience, à l’image d’Irineu : «J’étais dans les jardins pendant huit ans au Cap-Vert, ici je travaillais même le week-end mais on me l’a interdit», rigole-t-il.

Sans contrainte de production, cela leur offre un travail adapté à la thérapie. «C’est convivial, c’est une famille et on travaille mieux», sourit Éric qui, alors qu’il avait trouvé un autre emploi, est revenu au centre il y a un an et y entame sa cinquième année. Cependant, le cadre unique ne permet que très peu de réinsertions. «Ce sont souvent des gens affaiblis physiquement ou mentalement qui ne réussiraient pas sur le marché du travail privé, ici c’est plutôt une valorisation», précise Pitt. «Certains sont très doués, mais ils ont des jours de bas où tu comprends pourquoi dehors ce n’est pas possible.»

«S’ils consomment, c’est fini»

Malgré le calme et le sérieux qui règnent, le centre accueille des personnes potentiellement fragiles et imprévisibles face à une rechute. Parmi eux, «la minorité est à leur première thérapie, souvent c’est entre trois et huit». Alors, des dépistages-surprise sont réalisés environ deux fois par semaine. À la moindre rechute, plus de logement ni de travail. «S’ils consomment, c’est fini, ils partent et il faut recommencer l’encadrement à zéro, depuis la case thérapie», assure la directrice. En cas de renvoi, les résidents ont tout de même un délai d’un mois avant de trouver une alternative et de quitter les lieux. Une tolérance zéro qui pousse certains à partir avant même le test, du jour au lendemain, sans prévenir.

Pour Pitt comme les autres éducateurs, le quotidien n’est pas toujours facile. Entre le découragement face à une personne qui cumule, sans progrès, 23 thérapies et la peur, face à une menace de suicide en cas de renvoi. Ces cas restent malgré tout très minoritaires et le travail du centre porte ses fruits, selon Alexandra Oxacelay. «L’encadrement est qualitatif, c’est pratiquement du travail un par un», se félicite-t-elle, malgré l’absence de suivi officiel. Par rapport aux autres structures d’accueil ou de travail de l’ASBL, «c’est un cocon, c’est le luxe». Entouré d’arbres, du château et au creux de la vallée de la Mamer, le centre offre un cadre idyllique mais aussi loin de la ville et ses tentations. «Lors de ma première thérapie, je finissais la journée puis j’allais au café d’à côté, c’était une catastrophe», confie Irineu. «Ici c’est bien, on n’est pas tentés de reprendre.»

Suivi insuffisant de l’État ?

Assurée des bons résultats obtenus par le centre via ses éducateurs et les témoignages d’anciens travailleurs ou résidents, Alexandra Oxacelay regrette tout de même le manque de suivi de l’État. «Il n’y a pas d’évaluation dans le secteur social, on n’évalue pas comment on travaille, si on a des résultats ou non. On ne sait pas ce qu’il se passe derrière les murs.»

La Stëmm estime ainsi que 30 % des résidents sortent avant la fin pour cause de rechute mais rien d’officiel. Bien qu’après le centre certains confient encore aux éducateurs leur gestion financière ou leur dose de médicaments, la situation professionnelle ou sociale de la majorité reste méconnue. «On pourrait juste remplir les lits pour remplir les statistiques et on n’en aurait rien à faire de ce qui se passe derrière», résume Pitt. L’appel est lancé.

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