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Le cinéma luxembourgeois fait ses classes


La plateforme Films4Schools s’emploie à une autre tactique de valorisation du patrimoine. (photo Adobe Stock)

Projet porté par la Filmakademie, avec le soutien des ministères de l’Éducation nationale et de la Culture, la plateforme Films4Schools entend valoriser la valeur pédagogique du cinéma luxembourgeois en faisant entrer les films dans les écoles.

À la question «le cinéma luxembourgeois a-t-il une valeur éducative ?», les ministères de la Culture et de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse n’ont pas répondu par les mots, mais par les actes. Et ont lancé, fin octobre, la plateforme de streaming Films4Schools. Son but : mettre à la disposition des enseignants du pays des œuvres de la (co)production nationale ayant un intérêt pédagogique ou culturel afin de les étudier avec leurs élèves.

Si la plateforme est gratuite, «tout le monde ne peut pas y avoir accès», souligne d’emblée Yann Tonnar, le président de la Filmakademie, ASBL dont le but est d’encourager et de promouvoir la création cinématographique luxembourgeoise, à l’origine du projet Films4Schools. En effet, les 24 films déjà disponibles, chacun accompagné de son dossier pédagogique, ont vocation à être vus, analysés et discutés par les enseignants des classes fondamentales et secondaires et leurs élèves.

« Potentiel pédagogique » de nombreux films luxembourgeois

«C’est bien sûr aux enseignants de voir ce qu’ils souhaitent faire de cet outil», poursuit Yann Tonnar, précisant qu’ils peuvent y avoir accès simplement grâce à leur code IAM. Car, outre les films qui ont un lien avec les sujets étudiés dans le programme scolaire, la plateforme propose aussi des œuvres qui font écho à des questions de société, abordées à l’école mais rarement en profondeur, comme la migration (thème du documentaire Mos Stellarium (2015), de Karolina Markiewicz et Pascal Piron), l’émancipation des femmes (Histoire(s) de femme(s) (2018), d’Anne Schroeder) ou le racisme et le colonialisme (Schwaarze Mann (2017), de Fränz Häusemer, et Ma vie au Congo (2001), de Paul Kieffer et Marc Thiel).

Autant de films qui font le portrait historique et social du Luxembourg, en même temps qu’ils se posent comme des œuvres représentatives du cinéma national. Pour le président de la Filmakademie, «la production luxembourgeoise est en lien avec de nombreux sujets d’actualité, de société et historiques, et il faut le faire valoir».

Le projet Films4Schools «mijote depuis trois ou quatre ans, avec un retard dû à la pandémie», explique encore Yann Tonnar. Et a trouvé son origine «au détour d’une discussion entre la productrice (de Samsa) Anne Schroeder et le directeur du Zentrum fir politesch Bildung (ZpB)», Marc Schoentgen. «Il y a de nombreux films luxembourgeois qui ont un potentiel pédagogique et, donc, un intérêt à être montrés dans les salles de classe. Quant aux dossiers pédagogiques, beaucoup de films en ont, mais, étant donné que cela n’a jamais été coordonné par une même entité, c’est un peu confus. L’idée est donc née comme ça, entre la Filmakademie et le ZpB, pour faire quelque chose dans ce sens, puis le Centre national de l’audiovisuel (CNA) s’est joint à nous et, enfin, le Service de coordination, de la recherche et de l’innovation pédagogiques et technologiques (Script) du ministère de l’Éducation nationale, qui était très emballé par l’idée.»

«Éducation à l’image»

En plus des œuvres déjà citées, la plateforme propose un panorama du cinéma luxembourgeois qui va de Kirikou et la sorcière (Michel Ocelot, 1999) à La Supplication (Pol Cruchten, 2016), en passant par Réfractaire (Nicolas Steil, 2008). On y croise Andy Bausch, Christophe Wagner et Govinda Van Maele. «Dans ces 24 premiers films, assure Yann Tonnar, on a tenté de varier les sujets, mais nous avons aussi essayé de représenter l’étendue du paysage cinématographique luxembourgeois et sa richesse.» Par la suite, la plateforme s’enrichira de plusieurs films par an, toujours sélectionnés par «un comité de gouvernance composé des représentants des quatre partenaires» déterminant la qualité de l’œuvre et de sa «plus-value pédagogique». Dans les cas où le film ne possède pas encore de dossier d’accompagnement pédagogique, sa réalisation incombe au CNA et au ZpB, qui «peuvent réaliser quatre à cinq dossiers par an».

Les objectifs de Films4Schools sont multiples et la plateforme ne s’adresse pas uniquement aux élèves qui se destinent à une école de cinéma. Au contraire, les films proposés peuvent apporter un bénéfice tant aux cours d’histoire ou de géographie que de littérature. Mais «le premier principe de ce projet, c’est l’éducation à l’image», dit Yann Tonnar, mettant l’accent sur l’importance de «former le regard critique» des élèves du pays, autrement dit, que leur éducation ne soit pas passive, mais participative. «Ces films, c’est leur propre culture, et là, je ne parle pas seulement de leur valeur culturelle, mais aussi des sujets qu’ils abordent, qui ont à voir avec la société et l’histoire de notre pays.» La plupart des films étant tournés ou doublés en luxembourgeois, vient s’ajouter une autre dimension éducative, celle de l’apprentissage de la langue.

Déjà plus de 750 visionnages

Lancée à un moment où le cinéma luxembourgeois confirme son rayonnement international, la plateforme Films4Schools s’emploie à une autre tactique de valorisation du patrimoine. Yann Tonnar : «À l’étranger, on a une belle image grâce à nos coproductions qui gagnent des prix à Cannes, Venise, San Sebastian… Mais ce sont nos coproductions qui sont reconnues. Films4Schools propose des coproductions, mais elle a plutôt vocation à mettre l’accent sur les productions nationales. Ce ne sont pas forcément des films qui ont fait de gros festivals, mais ils se rapportent à une culture luxembourgeoise, que l’on contribue à créer. Il ne faut pas toujours être dans la gloire des prix. Au Luxembourg, je crois qu’il est important que l’on se confronte à notre culture, à notre identité.»

La plateforme a été présentée le 21 octobre en présence, notamment, du ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, et de la ministre de la Culture, Sam Tanson, entourés des représentants des institutions partenaires de Films4Schools. Le président de la Filmakademie salue, lui, le caractère «unique» de cette plateforme qui n’en est encore qu’à ses débuts, et qui n’a pas à rougir des projets d’envergure d’éducation à l’image qui sont menés en Allemagne, mais aussi en France et en Belgique.

Tout en fouillant dans ses papiers, Yann Tonnar explique qu’il est encore difficile d’avoir des données précises concernant la fréquentation et l’utilisation de la plateforme, avant de sortir un chiffre : 753, soit le nombre de visionnages effectués en tout sur Films4Schools, dix jours après sa mise en ligne. «Ça fait beaucoup», commente-t-il avec une pointe de fierté. «J’ai hâte de savoir, quand nos données seront plus complètes, quels films rencontrent du succès, quels sujets intéressent, quelles tendances se dégagent.» En attendant, l’heure est – déjà – à la prochaine réunion du comité de gouvernance, prévue avant la fin de l’année, où seront choisis les huit prochains films qui figureront sur la plateforme.

www.films4schools.com