L’attaque à main armée du Match de Niederanven n’était pas «une action spontanée». Les auteurs étaient bien renseignés. Mais le plan de Milovan a capoté à cause d’une cagoule oubliée.
Le 9 mars 2019, peu avant 20 h, deux hommes armés et cagoulés ont fait irruption dans le supermarché Match du centre commercial Les Arcades à Niederanven. Deux minutes plus tard, ils ressortaient avec un sac à dos rempli de billets de banque. Un des deux hommes court toujours. L’un d’eux comparaissait vendredi matin face à la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Le Monténégrin de 35 ans a refusé, par peur de représailles, de dévoiler l’identité de son complice, qu’il présente comme le cerveau du braquage.
«J’avais 5 000 euros de dettes. Il m’a demandé de le rembourser ou de travailler pour lui. Un jour, il m’a dit que nous partions travailler à l’étranger», raconte Milovan à la barre. «Nous avons traversé toute l’Europe jusqu’à une maison dont je ne connais pas l’emplacement. Nous y sommes restés une dizaine de jours. J’avais interdiction d’en sortir.» Jusqu’au soir des faits. «L’autre m’a donné un pistolet factice et expliqué comment procéder.» Les deux hommes se sont introduits dans le «bureau des caisses» du supermarché où ils ont mis la main sur 15 000 euros avant de prendre la fuite à bord d’une voiture qui avait été volée à Tétange le 28 février 2019.
Retrouvé grâce à son ADN
«On nous a signalé une voiture en feu dans la forêt près du Waldhaff», explique l’enquêteur de la police judiciaire. Milovan et son complice l’avaient aspergée d’essence pour faire disparaître les traces de leur forfait. «L’autre m’a demandé de me déshabiller et de placer les vêtements et mon sac à dos dans la voiture. Il avait emporté un bidon d’essence», explique le prévenu. La berline allemande avec laquelle ils avaient fait le voyage depuis le Monténégro les attendait pour le voyage du retour. Le plan était bien pensé et Milovan aurait pu s’en tirer si, dans la précipitation, il n’avait pas perdu sa cagoule à côté de la voiture calcinée.
«C’était une manche de sweat-shirt avec des trous», précise le policier. «Grâce à son ADN, nous avons pu retrouver la trace du prévenu en Suisse, où il avait déjà été arrêté pour plusieurs vols.» Et donc retrouver son identité. Milovan a été arrêté le 3 avril 2023 et extradé au Luxembourg. Il risque entre 15 et 25 ans de prison pour vol aggravé. C’est cher payer pour un braquage qui ne lui aurait au final rapporté que 1 500 euros. L’identité du deuxième braqueur a été découverte grâce à un contrôle douanier à la frontière ukrainienne, mais l’homme a disparu dans la nature.
Un crime bien préparé
Milovan n’aurait été que le bras armé de son complice. Le président de la chambre criminelle n’y croit pas. Pour trouver l’endroit où se trouvait le coffre-fort, il fallait connaître le supermarché. «Le bureau des caisses n’est pas facile à trouver. Nos bureaux ne sont pas accessibles au public. Il faut avoir observé nos habitudes pendant un moment», confirme Pascale, occupée à compter sa caisse du soir quand les deux hommes ont fait irruption. «Ils m’ont tenue en joue avec un pistolet et m’ont demandé d’ouvrir le coffre-fort. (…) Ils sont repartis avec le fond de caisse en billets et ont laissé les rouleaux de monnaie.» Bien que son tête-à-tête avec les deux voleurs n’ait été que très bref, Pascale confie avoir eu très peur.
Le procureur retient un projet criminel en deux étapes : l’attaque à main armée et sa préparation qui inclut le vol de la voiture dans une habitation de la rue Pierre-Schiltz à Tétange. Le ou les voleurs du véhicule – aucun élément de l’enquête ne permet de déterminer si les deux complices sont impliqués dans ce vol – se sont introduits par la porte-fenêtre de la terrasse et ont pris la clé de la voiture, qui se trouvait dans la cuisine. C’était le premier acte d’un plan bien ficelé.
15 ans de prison requis
«Le braquage ne résulte pas d’une action spontanée», note le magistrat avant de requérir une peine de 15 ans de réclusion criminelle contre le prévenu pour vol aggravé, association de malfaiteurs, vol de voiture ainsi que blanchiment et détention du produit du vol. Des faits aggravés par les menaces, l’utilisation d’armes à feu même factices ainsi que l’heure tardive de leur commission à la nuit tombée.
«Mon client n’a eu connaissance d’aucun acte préalable», clame Me Says pour défendre la thèse de Milovan. Aussi, le vol de voiture et l’association de malfaiteurs ne pourraient être retenus à son encontre, selon l’avocat, qui demande au tribunal de prononcer un sursis intégral ou le plus large possible en faveur de son client qui «n’a pas d’antécédents judiciaires au Luxembourg», «est en aveux» et «souhaite pouvoir retrouver sa famille».
Le prononcé est fixé au 7 mars.