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La France suspend les vols avec le Brésil, face au variant qui s’emballe


Alors que le Brésil étouffe, le monde entier retient son souffle. (illustration AFP)

Le variant « brésilien » du coronavirus, à ce jour très minoritaire en France, inquiète néanmoins les médecins comme le gouvernement, qui vient de suspendre « jusqu’à nouvel ordre » tous les vols avec le Brésil.

Plus contagieux, plus sévère, ce variant qui a émergé en décembre dans la région de Manaus (en Amazonie), connu sous le nom de « P1 », préoccupe surtout en raison de sa résistance aux vaccins contre le Covid-19.

Les scientifiques parlent d’ « échappement immunitaire » : « Alors qu’on sait que la vaccination marche très bien sur le mutant anglais, on voit une perte de protection avec les variants brésilien et sud-africain », explique le virologue Bruno Lina, membre du conseil scientifique. Ces deux souches sont porteuses d’une même mutation, E484K, suspectée d’amoindrir l’immunité acquise par une infection passée (avec donc une possibilité accrue de réinfection) ou par les vaccins.

Peu de données sont encore disponibles sur le variant brésilien, mais plusieurs études in vitro sur le sud-africain démontrent ce risque. C’est ce qui a poussé la Haute autorité de santé à recommander « l’utilisation exclusive des vaccins à ARN messager » (Pfizer/BioNTech et Moderna), jugés plus efficaces, en Guyane (département français en Amérique du Sud), à Mayotte et à La Réunion dans l’océan Indien, où ces variants représentaient 85%, 83% et 65% des nouveaux cas la semaine dernière, selon Santé publique France.

Une menace qui plane

Mais une première étude « en vie réelle » menée en Israël, publiée samedi mais pas encore évaluée par des pairs, montre que le variant sud-africain est également capable de « franchir » les défenses du vaccin Pfizer/BioNTech.

En France métropolitaine, ces variants « sont là à bas bruit, mais ne deviennent pas dominants », explique  l’épidémiologiste Dominique Costagliola. Le variant sud-africain (B.1.351) y était responsable de 6,1% des nouvelles contaminations, et le brésilien (P1) d’à peine 0,5%, contre 82,6% pour le variant britannique (B.1.1.7), selon la dernière enquête de séquençage, conduite le 16 mars sur 3.000 prélèvements positifs.

Selon les données issues du criblage de tous les tests PCR, qui ne différencient pas variant sud-africain et brésilien, 4,2% des cas positifs correspondaient à une suspicion d’un de ces deux variants entre le 29 mars et le 4 avril. L’expérience du département de la Moselle, où le variant sud-africain était responsable de la moitié des contaminations fin février avant de régresser à un quart (27%) la semaine dernière, « laisse entendre que pour l’instant, c’est le variant anglais qui prend le dessus », ajoute-t-elle.

Cet équilibre peut toutefois se renverser, avertissent des médecins. « Chaque fois qu’on laisse l’épidémie prendre de l’ampleur, on étend les capacités du virus à se répliquer », ce qui favorise l’émergence de nouveaux variants.

Face à cette situation, des médecins et plusieurs voix de l’opposition réclamaient depuis ce week-end une fermeture des liaisons aériennes avec le Brésil ou un durcissement des contrôles aux frontières. La décision a été annoncée mardi par le Premier ministre Jean Castex, alors que la France subit une troisième vague, avec près de 6 000 malades Covid-19 soignés en services de réanimation et un total de plus de 99 000 morts depuis le début de la pandémie. « Nous constatons que la situation s’aggrave et nous avons donc décidé de suspendre jusqu’à nouvel ordre tous les vols entre le Brésil et la France », a déclaré le chef du gouvernement devant l’Assemblée nationale.

Dès fin janvier, la Commission européenne a recommandé aux Vingt-Sept « des mesures plus strictes » visant les passagers venant des régions atteintes par les nouveaux variants, « y compris par des quarantaines obligatoires et des tests plus drastiques », a rappelé mardi un porte-parole. Les autres pays européens ayant des liaisons directes avec le Brésil ont pour la plupart restreint ces vols, avec des exceptions (résidents, raisons familiales ou certaines professions) à condition de respecter une quarantaine, comme en Italie, en Espagne et aux Pays-Bas. Plus strict, le Portugal a suspendu les vols en provenance du Brésil depuis la fin janvier et organisé ponctuellement des vols de rapatriement pour les ressortissants brésiliens.

Des espoirs qui s’envolent ?

Le rythme de la vaccination en France n’autorise pas un relâchement des efforts. Seulement une personne majeure sur cinq (21%) a reçu une première dose de vaccin, et un peu plus de 7% a été vacciné avec deux doses. « Pour qu’une population soit protégée », c’est « 80 à 85% de vaccinés dont elle a besoin », rappelle le virologue Bruno Lina, membre du Conseil scientifique.

La méfiance persistante envers le vaccin d’AstraZeneca, à la suite de cas exceptionnels de caillots sanguins, pourrait s’étendre à celui de Johnson & Johnson, attendu en France la semaine prochaine. Le régulateur américain vient de décider une pause dans son utilisation pour enquêter sur l’apparition de cas graves de caillots sanguins chez plusieurs personnes.

Ce contexte laisse planer l’incertitude sur les conditions dans lesquelles le pays pourrait relâcher les contraintes sanitaires à la mi-mai, l’échéance fixée par Emmanuel Macron pour une réouverture progressive et sous contrôle des terrasses de cafés et restaurants et de certains lieux culturels.

LQ/AFP

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