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«La France a pris un sacré retard»


Le ministre français Nicolas Hulot a choisi le Luxembourgeois Claude Turmes pour intégrer un comité sur la transition écologique dans l'Hexagone. Un défi que l'eurodéputé compte bien relever sans langue de bois. (Photo : archives editpress)

Voilà une mission pas banale pour l’écologiste luxembourgeois, invité par la France à rejoindre le comité «Accélérateur de la transition écologique (AcTE)». Une mission que l’eurodéputé prend à cœur: il ne manquera pas d’avoir un «regard critique», prévient-il.

On peut se poser la question : que vient faire l’eurodéputé luxembourgeois dans ce comité?

Lancé fin mars afin d’accélérer la transition écologique française, il est en effet composé majoritairement de grands noms de l’industrie et de l’économie. Présidé par le PDG de Michelin, on y trouve des hauts responsables de Saint-Gobain, Danone, BNP Paribas…

Claude Turmes n’a pourtant pas été choisi au hasard par le ministre français de la Transition écologique. Les deux se connaissent bien : « On s’est d’ailleurs revu récemment car je suis rapporteur au Parlement européen sur une législation en matière de climat et d’énergie», répond-il au Quotidien.

Turmes est aussi un fin connaisseur des rouages bruxellois. Et surtout, « Nicolas Hulot l’a dit très clairement, il veut des gens du terrain, que ce soit des industriels, des ONG ou autres, pour avoir un regard critique sur les initiatives qu’il va prendre. » Le comité AcTE va se réunir tous les deux mois, « et on a eu la garantie qu’on aura notre mot à dire sur tous les dossiers qui touchent de près ou de loin à cette transition écologique ».

La feuille de route est d’ores et déjà ambitieuse : réduire la consommation d’énergie, développer les énergies renouvelables, l’économie circulaire… « J’ai l’impression qu’il a compris que la France a pris un sacré retard sur les énergies renouvelables »… Notamment à cause du dossier brûlant du nucléaire, qui sera inévitable, prévient Turmes (lire par ailleurs) .

En choisissant Claude Turmes, Nicolas Hulot sait que certains sujets sensibles comme le nucléaire seront inévitablement abordés. (photo AFP)

En choisissant Claude Turmes, Nicolas Hulot sait que certains sujets sensibles comme le nucléaire seront inévitablement abordés. (photo AFP)

L’écologiste veut aussi promouvoir sur les nouvelles technologies et la formation, notamment dans le domaine de la construction : « Vous imaginez bien que construire une maison passive demande plus de compétences qu’une maison traditionnelle. La France a un gros progrès de formation à faire. D’ailleurs, il pourrait s’inspirer de ce que l’on fait au Luxembourg. » Il est vrai que le Grand-Duché a pris de l’avance dans ce secteur : toute nouvelle construction doit désormais répondre à des standards énergétiques très élevés.

Sur l’économie circulaire, « ce qu’il faut travailler, c’est le lien avec le changement climatique , poursuit-il. Si je réfléchis en amont sur comment construire une maison, une voiture, un mobilier, avec des produits utilisant moins d’énergie et que je peux recycler, cela aura un effet positif sur l’économie circulaire, qui peut être très créatrice d’emplois », explique-t-il citant l’exemple suédois.

Stop à l’obsolescence programmée!

Reste à savoir si ses camarades du comité (AcTE) partageront ses idées. Sur ce sujet, il est plutôt rassurant : les grosses entreprises ne sont pas toutes restées coincées au
XX e siècle. Il cite par exemple Saint-Gobain, qui « a compris que la transition énergétique était bénéfique, et qui l’exploite pour produire des verres high-tech à forte valeur ajoutée ». Ou encore Michelin, « un des acteurs en tête sur l’économie circulaire. Michelin fait du leasing de pneus, fait du rechapage pour prolonger leur durée de vie… » Des pneus Michelin qui sont aujourd’hui concurrencés par des produits chinois qui sont vendus sur le marché européen à des prix «dumping» : « On pourrait donc favoriser la qualité, pour s’assurer que ceux qui vendent des pneus de moindre qualité, avec une obsolescence programmée, ne soient pas les gagnants. »

Un sujet d’actualité, vu la guerre commerciale qui fait rage! « Oui, il faut canaliser ce débat Europe/Chine/États-Unis, sur des critères de qualité. La référence de demain, cela doit être un produit qui a une longue durée de vie, qui est réparable, et qui a un bilan carbone proche de zéro. »

Rien de moins qu’une révolution donc, au regard du modèle économique actuel.

Romain Van Dyck

Nucléaire : le «boulet» français

Le nucléaire (ici, la centrale de Cattenom), sera un des «points chauds» que le luxembourgeois ne manquera pas d'évoquer. (Photo : archives editpress)

Le nucléaire (ici, la centrale de Cattenom), sera un des «points chauds» que le luxembourgeois ne manquera pas d’évoquer. (Photo : archives editpress)

Pour Claude Turmes, l’histoire du divorce Areva-Siemens résume bien la fausse route française.

Pendant que la première, une multinationale française du nucléaire, accumule une montagne de dettes, la seconde « a misé sur l’éolien, et est devenue un leader de ce secteur dynamique ».

La France, « par son obstination nucléaire, a souvent raté le coche. Sur l’éolien, elle aurait pu être un des grands leaders, sachant qu’elle dispose en plus d’un littoral idéal pour l’éolien en mer ». Nicolas Hulot a donc « la volonté de ne pas rater cette dimension industrielle de la transition énergétique », témoigne-t-il.

C’est pourtant le même Hulot qui a reculé sur l’objectif de réduire de 75 % à 50 % la part de l’électricité nucléaire à l’horizon 2025! « C’est bien sûr un des points chauds », admet Claude Turmes. « Mais Nicolas Hulot a annoncé qu’il ne ferait pas l’impasse sur ce sujet. On rentre dans une année décisive, la France va devoir décider quelle part elle donnera au renouvelable et au nucléaire d’ici la prochaine décennie. »

Et de citer un scénario présenté par RTE, le gestionnaire des réseaux de transport d’électricité en France, qui « propose d’arrêter toutes les centrales nucléaires après 40 ans. Un scénario qui mettrait la France plutôt en harmonie avec une bonne partie de l’Europe ». Pourtant, du côté de la centrale de Cattenom, située à un jet de pierre du Luxembourg, on mise toujours sur une durée de vie de 60 ans! « En effet, donc il faudra montrer que cette exception française est plutôt un boulet qu’un progrès, car c’est un frein à la transition énergétique.»

Un commentaire

  1. De grâce, ne suivez pas l’exemple du Luxembourg en matière de construction « écologique » des maisons ! Ici on ne sait plus comment combattre la moisissure