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La crise énergétique booste les investissements d’Encevo


Jean-Luc Santinelli, Claude Seywert et Marco Hoffman peuvent avoir le sourire : le chiffre d’affaires 2022 du groupe Encevo se monte à plus de 3 milliards d’euros.  (Photo : julien garroy

Encevo a engrangé en 2022 des bénéfices en hausse de 28 millions d’euros. Mais les investissements dans les énergies renouvelables et les réseaux électriques sont massifs.

La guerre que se livrent l’Ukraine et la Russie depuis février 2022 a entraîné une crise énergétique à laquelle le Luxembourg s’est retrouvé confronté du jour au lendemain. Le spectre de factures exorbitantes et de coupures de gaz et d’électricité a surgi. Plans gouvernementaux, campagnes pour apprendre à économiser l’énergie et aides financières, issues des tripartites successives, ont rythmé 2022. Une année sur laquelle est revenu, hier, le plus grand fournisseur d’énergie du pays, Encevo, présent par ailleurs aux Pays-Bas et dans la Grande Région. La maison mère de Creos et Enovos, qui présentait son bilan à la presse, s’est attardée sur ses investissements passés et futurs.

Le groupe de 2 521 employés a réalisé un bénéfice net de 107 millions d’euros, soit 28 millions de plus qu’en 2021 et un chiffre d’affaires qui augmente d’un peu moins d’un milliard (0,9 milliard) pour un total de 3,4 milliards d’euros. Malgré ces résultats, Encevo, par la voix de trois membres de son comité exécutif, n’a pas fait preuve de triomphalisme, mais a expliqué que l’année dernière lui avait posé plusieurs défis. Jamais sur le marché de gros les prix n’avaient atteint de telles envolées et s’étaient montrés si volatils – surtout en été. Rappelez-vous : le prix du MWh de gaz naturel avait été multiplié par 10, passant de 20-30 euros à 200-300 euros.

Et pour la première fois depuis longtemps se posait aussi la question de la sécurité de l’approvisionnement. Tandis que le gouvernement luxembourgeois prenait en charge les coûts des réseaux et plafonnait les prix, Enovos s’adaptait à la situation : «Nous avons révisé ou revisité les plans d’urgence, car les versions précédentes étaient surtout conçues pour des pannes d’infrastructures ou des incidents sur une période de temps limitée.» Désormais, a encore précisé le groupe, les crises futures devraient être mieux appréhendées.

Des investissements record

Anticiper semble être le maître-mot du groupe qui, pour ce faire, a investi tous azimuts : le record de 268 millions d’euros 2021 a été dépassé l’année dernière, puisque ce sont 272 millions d’euros qui ont été investis. Au total, 185 millions d’euros ont été placés dans les réseaux énergétiques, en particulier dans les réseaux électriques et 55 millions dans les énergies renouvelables (+58 %). Car même si la production du parc éolien est en léger recul – d’anciennes éoliennes sont en train d’être remplacées par des installations plus récentes et plus puissantes –, la production d’énergie photovoltaïque et ses 178 GWh représentent désormais plus d’un quart de la production d’énergie renouvelable du groupe.

En 2023, ce sont plus de 335 millions d’euros d’investissements qui sont prévus, dont 225 dans les réseaux et 70 en énergies renouvelables. Sur les trois ans à venir, le groupe a prévu d’investir plus d’un milliard d’euros. Des investissements d’autant plus nécessaires que le contexte géopolitique est source d’incertitudes. D’ailleurs, les actionnaires – les deux principaux sont l’État à 28 % et une entreprise publique chinoise à 24,92 % – se sont mis d’accord pour ne percevoir aucun dividende cette année, afin de préserver les réserves de liquidité de l’entreprise et faire face aux risques, y compris sur le plan financier.

«Personne ne sait quand la guerre en Ukraine va s’achever», regrette Claude Seywert, CEO d’Encevo. Mais ce conflit n’est pas la seule incertitude, le contexte économique aussi car «l’économie joue beaucoup sur la consommation de gaz, en particulier depuis qu’on n’a plus de gaz russe. Nous sommes tributaires de la quantité de gaz qu’utilisent, par exemple, les Asiatiques», poursuit-il. Autre grande inconnue, les températures de l’hiver prochain ; peut-être ne seront-elles pas aussi clémentes qu’en 2022. Enfin, a expliqué encore Claude Seywert, «on utilise toujours du gaz pour produire de l’électricité»… d’où l’intérêt d’accélérer la transition énergétique.

«L'attaque nous a paralysés»

Le bilan de l’année écoulé a été l’occasion pour Encevo de revenir sur la cyberattaque dont il avait été victime dans la nuit du 22 au 23 juillet 2022. Claude Seywert, dans le rapport annuel, explique que cette attaque était tombée au pire moment, car les clients avaient de nombreuses questions à poser en pleine crise énergétique et tout le système était bloqué. «Nous avons remis nos systèmes en marche relativement rapidement grâce à nos équipes internes, sans avoir à répondre à aucune demande, détaille-t-il. Néanmoins, l’attaque nous a paralysés pendant un certain temps (…) Je tiens également à souligner qu’aucun de nos systèmes critiques n’a été touché à aucun moment et qu’aucune donnée essentielle n’a été perdue». Depuis, le système informatique a été renforcé, ont assuré les membres du directoire, hier.