Brendan Lee a commis «un acte crapuleux» en abandonnant un homme endormi dans un incendie qu’il aurait pu éteindre. Le prévenu, contrit, se mure dans le silence.
La version du prévenu sur le départ de feu ne tient pas la route, selon un expert en bâtiment entendu mercredi par la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Cependant, les éléments matériels – comme un accélérant ou plusieurs foyers différents – permettant de conclure à une action volontaire manquent. L’expert a relevé des incohérences dans le récit des faits livrés par le prévenu, notamment sur sa prétendue tentative avortée d’éteindre le feu avant de se sauver sans se retourner. «Comme les vêtements qui ont pris feu étaient au sol, la phase d’ignition a été longue», a estimé l’expert. Le prévenu aurait largement eu le temps de réagir. «Il aurait pu éteindre le départ de feu simplement en l’arrosant» et éviter un sinistre d’ampleur.
Il quitte les lieux «comme si de rien n’était»
Le 26 décembre 2019, vers 4 heures du matin, un voisin prévient les secours après avoir entendu une explosion dans un immeuble à appartements de la rue du Golf, à Senningerberg. Les pompiers découvrent un homme de 60 ans couché inanimé près de la porte d’entrée. Il décèdera le lendemain des suites d’une intoxication au monoxyde de carbone. Brendan Lee, l’incendiaire présumé, avait quitté les lieux «comme si de rien n’était», selon la présidente de la chambre criminelle. Le déroulement concret des faits reste complexe à déterminer : était-ce un accident, le geste était-il prémédité ou le prévenu a-t-il agi sur une impulsion?
L’expert a conclu à un développement lent de l’incendie qui se serait accéléré environ une vingtaine de minutes avant l’intervention des secours en raison d’un courant d’air. Il fixe le départ de feu après 1 heure du matin, soit près de 3 heures avant l’arrivée des secours. Le drame aurait sans aucun doute pu être évité si le prévenu «avait fait preuve d’une réaction raisonnée», selon l’expert.
«C’est de votre faute si un homme est mort»
Le jeune homme avait rencontré sa victime présumée deux semaines plus tôt. Il avait passé les fêtes de Noël à son domicile avec une jeune femme toxicomane et sans abri, comme lui. «On a mangé, regardé la télévision… Elle est partie vers 20 heures, mais je ne peux plus vous dire avec certitude ce qui s’est passé le reste de la soirée», indiquait Brendan Lee à la barre hier. «Je ne vous crois pas quand vous me dites que vous ne vous souvenez plus de rien», lance la présidente. «Je fais usage de mon droit au silence», répond le prévenu.
La présidente pose des questions dans le vide. «Pourquoi ne pas avoir allumé la lumière plutôt que d’allumer des bougies?», demande-t-elle. «Je deviens sensible à la lumière quand j’ai consommé de la drogue», indique le prévenu. «Cela aurait été moins dangereux que de courir entre les bougies pour éviter les seringues usagées au sol», rétorque la présidente. «J’avais mis les bougies sur la commode.» Brendan Lee se tient à une autre de ses versions. Dans la salle de bains où il dit avoir consommé de la drogue pendant que le feu couvait, il n’avait pourtant pas allumé de bougies, note le procureur.
La piste d’un incendie involontaire suivie par le ministère public
«C’est de votre faute si un homme est mort. En lui volant son téléphone, vous avez ôté toute possibilité à la victime de prévenir les secours. Une attitude plus crapuleuse est rare. Si ce que vous avez dit à l’expert psychiatre est vrai, vous avez avoué un meurtre.» La présidente tente en vain de faire réagir Brendan Lee.
Rien ne colle et tous les éléments semblent contre le jeune homme de 26 ans. Pourtant, le représentant du ministère public décide de suivre la thèse de l’incendie involontaire. Il s’appuie pour cela notamment sur l’analyse de l’expert psychiatre qui avait estimé la veille que le prévenu était incapable d’agir avec préméditation et d’élaborer un plan pour tuer. Il retient cependant la non-assistance à personne en danger et requiert une peine de 6 ans de réclusion criminelle à l’encontre de Brendan Lee.
«Je crois qu’il ne sait pas lui-même ce qui s’est passé»
Un choix qui arrange Me Lynn Frank, l’avocate du prévenu. Le jeune homme au profil psychologique complexe aurait paniqué, estime-t-elle. «Je crois qu’il ne sait pas lui-même ce qui s’est passé», avance-t-elle avant de prier la chambre criminelle de ne pas se baser sur les indices de culpabilité tirés des différentes versions livrées par le prévenu pour délibérer. Le jeune homme n’aurait pas voulu tuer, argumente-t-elle entre autres circonstances atténuantes, cherchant à obtenir l’acquittement de son client ou, au moins, une peine de prison assortie du plus large sursis probatoire possible pour lui permettre de se soigner. Elle a également demandé une nouvelle expertise psychologique pour déterminer si le fait que le jeune homme ait pu agir sous le coup d’une impulsion peut être considéré comme une altération de son discernement.
Le prononcé est fixé au 15 juillet prochain.