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« Juge et amant » : prison requise contre l’ex-juge des tutelles


"Vous avez compris ce qu'on vous reproche ?" «Non !» Voilà la réponse du prévenu à la question du président de la 7e chambre correctionnelle, lundi après-midi. (illustration Fabienne Armborst)

Mis à la retraite en janvier 2017, l’ancien magistrat devait s’expliquer lundi après-midi pour prise illégale d’intérêts devant le tribunal correctionnel. Le parquet ne s’oppose pas à ce que la peine soit assortie d’un sursis. Par ailleurs, il a requis une amende.

« Vous avez compris ce qu’on vous reproche ? » «Non !» Voilà la réponse du prévenu à la question du président de la 7e chambre correctionnelle, lundi après-midi. Poursuivi pour prise illégale d’intérêts, l’ancien juge des tutelles de Luxembourg, âgé aujourd’hui de 47 ans, a fermement contesté avoir voulu satisfaire ses intérêts privés par sa position.

Le 13 mars 2013, le magistrat avait ordonné la mainlevée de la curatelle simple d’une femme alors qu’il entretenait une relation intime avec elle. Retour sur le début de cette relation qui remonte à juin 2012. Ce sont les parents, plus particulièrement son père, qui avaient saisi le juge des tutelles. Leur but : éviter que leur fille confrontée notamment à des problèmes d’alcool dilapide son patrimoine.

«Devant moi se trouvait une jeune femme élégamment vêtue qui articulait. Elle n’appartenait pas à la catégorie de personnes à qui j’avais affaire normalement», affirme le quadragénaire en se rappelant le premier entretien qu’il avait eu avec elle. «Je la trouvais sympathique. La distance entre elle et moi est devenue toujours plus petite, car j’avais affaire à une personne normale, qui buvait des fois trop», explique-t-il. Il confirme avoir eu son numéro de portable privé au moment de fixer une audition pour organiser la mesure de protection judiciaire.

«Pourquoi n’avez-vous pas remis le dossier à un autre juge pour qu’il n’y ait pas de problème ?», l’interroge le président. «Du premier au dernier moment, j’étais convaincu d’avoir agi avec objectivité. La relation privée n’a eu aucune influence sur mon travail.»

Après avoir dans un premier temps soulevé le libellé obscur de l’ordonnance de renvoi, l’avocat à la défense de l’ancien magistrat s’est attaqué à l’article 245 du code pénal. «Je suis d’avis que la prise illégale d’intérêts ne s’applique pas à sa qualité de juge des tutelles. Je demande que les poursuites pénales soient déclarées irrecevables», a plaidé Me Rosario Grasso, demandant par là l’acquittement. Pour l’avocat, le juge a bien fait une erreur au niveau déontologique. Mais au niveau pénal, il ne serait pas sanctionnable.

«Il était juge et amant»

Mais du côté du parquet, c’est un autre son de cloche. «Est-ce que le juge a droit à une relation privée et intime avec un justiciable? Oui, ce n’est pas un problème», estime le procureur d’État, Jean-Paul Frising. «A-t-il le droit de commencer un dossier et de le poursuivre ?, poursuit-il. La réponse est clairement non !»

«Le conflit d’intérêts est constitué par le fait qu’il n’y avait pas seulement des relations professionnelles entre le juge et la personne concernée par la procédure.Il était juge et amant. C’est cela l’objet des poursuites.» Le procureur d’État a parlé de faits empreints d’une gravité particulière. «La sanction pénale doit être exemplaire», a-t-il martelé. Il requiert une amende appropriée, de la prison ainsi que l’interdiction du droit de remplir des fonctions, des emplois ou offices publics. «Comme il a un casier vierge, il peut profiter d’un sursis», a-t-il ajouté avant de parler d’une affaire sans précédent : «Ce ne m’est pas connu qu’un magistrat ait été condamné pour un tel délit.»

L’avocat de la partie civile, quant à lui, réclame 100 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral. «L’affaire s’est terminée dans un cercueil», considère Me François Moyse, qui représente les parents de la victime décédée dans un accident de voiture le 17 juillet 2014. «Le juge censé protéger leur fille a profité d’elle à travers des relations sexuelles», a-t-il récapitulé. «Le décès tragique aurait pu être évité si le juge avait pris ses responsabilités», ajoute-t-il en notant que c’est aussi le magistrat qui avait donné son accord pour qu’elle puisse s’acheter une voiture.

Le tribunal correctionnel rendra son jugement le 13 juillet.

Fabienne Armborst

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