Le secteur de la restauration recrute toujours, mais peine à trouver des employés formés. L’Horesca aimerait mettre en place des formations.
Une foule hétéroclite converge ce lundi matin vers la salle Europe du Parc Hôtel Alvisse à Luxembourg. Curriculum vitæ en main, tous franchissent l’entrée petit à petit. Comme une promesse, le slogan «un jour, un job, une nouvelle aventure» affiché par Sodexo les accueille. L’entreprise, qui propose des services de restauration aux collectivités, fait partie de la quarantaine d’établissements ou groupes de l’Horeca participant à ce jobday organisé par l’Adem et spécialement dédié à ce secteur.
Les demandeurs d’emploi prennent place dans l’une des files d’attente qui, espèrent-ils, les mènera vers un nouveau poste. Plus de 2 500 personnes sont attendues. Un chiffre étonnant, puisque les restaurateurs font état régulièrement de leurs difficultés à recruter, depuis la période du covid. Au Luxembourg, mais plus généralement en Europe, le personnel avait alors démissionné en masse «pour changer de carrière professionnelle, ce qui est dans un sens compréhensible à cause des contraintes», rappelle Patrice Haas, conseiller employeur de l’Adem.
Le secrétaire général de la fédération Horesca, Steve Martellini, rencontré dans les travées du jobday, résume le problème : les postes de cuisiniers, serveurs et plongeurs restent vacants parce qu’il manque des employés qualifiés. «On est en train de voir avec le ministère de l’Éducation nationale, pour créer des formations certifiantes, dit-il. Le patron pourrait ainsi envoyer des personnes pendant deux-trois semaines à l’école pour qu’elles reçoivent au moins les bases. Ce n’est pas encore très clair, mais on suit des pistes.»
«La situation est un peu plus stable maintenant»
Depuis la fin de la pandémie, les restaurateurs ont tenté d’attirer et de conserver leur personnel en supprimant, par exemple, les coupures. Mais ce n’est pas le seul levier à actionner. Chez nous, «l’amplitude de travail sur la journée est énorme. Vous partez le matin, vous commencez à 10 h, vous finissez à 22 h», reconnaît le directeur des ressources humaines du groupe Aura, Nicolas Richard. «Et malgré ça, on n’a pas eu de gros soucis de recrutement. Chacun a un week-end libre par mois et on essaie de donner deux jours de repos d’affilée. Mais on a d’autres avantages», explique-t-il, l’air malicieux.
Quand il parle des «avantages», il parle évidemment argent. «On a des gérants depuis 15 ans et leurs salaires valent ceux d’un salarié dans une banque. Ils sont confortablement payés et c’est un métier d’avenir», indique-t-il. Le groupe redistribue une partie des bénéfices aux employés et paie les heures supplémentaires, «là où on fait des économies, c’est sur la gestion et les négociations avec les fournisseurs».
Selon les dernières données du Statec, depuis le pic de la mi-2022, le taux d’emplois vacants de l’Adem est ainsi passé de 3,3 % à 1,4 % en 2024. Cependant, les faillites ont encore «connu une légère augmentation de 4,72 % avec 111 cas en 2024 contre 106 en 2023». «La situation est un peu plus stable maintenant, admet Steve Martellini, mais c’est toujours difficile», surtout, explique-t-il, que nul ne sait quelles seront les conséquences de la hausse des prix de l’énergie couplée à la baisse des aides.
Ce qui semble encore l’inquiéter, c’est la situation des bars. «Chaque année, on a moins de bistrots, moins de cafés», soupire-t-il. Le Retail Report 2025 rédigé par l’Observatoire national des PME, qui a examiné la période de 2019 à 2024, lui donne raison : 33 cafés et bars ont fermé. «J’ai fait un calcul, reprend-il, il y a un an, sur une bière, le cafetier gagnait 18 centimes. C’est très dur de gagner sa vie… On leur suggère de proposer des repas pour augmenter un peu le chiffre d’affaires, et on est en contact avec les communes pour regarder du côté des loyers…». D’ailleurs, des cafés, il n’y en avait pas, lundi au jobday, «c’est souvent le mari et la femme qui travaillent très souvent avec deux, trois personnes au maximum. Ils n’engagent pas beaucoup de personnel», conclut Steve Martellini.
Un essai dans cinq jours
Semblant un peu perdue, Aline* observe les lieux. Elle cherche un emploi comme réceptionniste. Mais jusqu’à présent, en vain. «Ils disent toujours qu’ils cherchent, mais on envoie des lettres de motivation et on n’a aucune réponse», glisse-t-elle les larmes aux yeux, espérant beaucoup de ce jobday. Un peu plus loin, Mayani, qui a été plongeur pendant douze ans, parle de ce métier indispensable au bon fonctionnement d’un restaurant, avec un entrain non feint. Son expérience sera sans aucun doute un plus et peut-être ressortira-t-il aussi ravi que Pinky. Après avoir donné son CV et parlé quelques minutes avec un responsable, la jeune trentenaire a obtenu le droit de faire un essai comme femme de chambre dès samedi. Elle espère être embauchée ensuite, elle qui recherche du travail depuis moins de deux mois.
* Prénom modifié.