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Jeunes forains, ils reprennent le flambeau : «C’est mon père qui m’a tout appris»


À 22 ans, Max Clement est l’un des plus jeunes forains de la Schueberfouer. (Photos : julien garroy)

Ils ont grandi à la Schueberfouer et dirigent aujourd’hui leurs propres stands : Max et Shirley Clement perpétuent l’héritage de quatre générations de forains. Une histoire de famille qu’ils ont accepté de partager.

Tous les Clement sont mobilisés en cette fin de matinée autour du restaurant familial, le Ponderosa, un grill tout en bois, ambiance ranch américain. Dans quelques minutes, le nouveau stand recevra la bénédiction de l’aumônier des forains. Steve, son propriétaire, se souvient de son tout premier métier, acheté il y a 24 ans, avec toutes ses économies : «C’était un petit manège à avions, c’est comme ça que j’ai démarré», raconte ce grand gaillard, qui a de qui tenir. «Ma grand-mère avait déjà un stand de gaufres à la Schueberfouer dans les années 1950, puis ma mère en a ouvert un à son tour, tandis que mon père gérait un carrousel.»

Sur la terrasse, Shirley et Max ont les yeux qui brillent. Désormais, ce sont eux qui portent le flambeau et représentent la quatrième génération de Clement sur le champ de foire. Avec un papa protecteur qui n’est jamais très loin : «La transmission, c’est important», confie-t-il. «Développer la firme a demandé énormément de travail et de sacrifices. En les voyant, je sais que je n’ai pas fait tout ça pour rien», sourit-il.

Pour Max, la question ne s’est jamais vraiment posée : il serait forain, lui aussi, c’était une évidence. «C’est une vie difficile à décrire tellement elle sort de l’ordinaire. Enfants, on aidait nos parents à la fête foraine après l’école, on allait sur les manèges avec mes sœurs. J’ai grandi en faisant le tour du pays, et les 20 jours de la Schueberfouer étaient les plus beaux de l’année», se rappelle le jeune homme de 22 ans. «On amène du bonheur aux gens, on travaille en famille, entre amis, c’est précieux.»

On fait beaucoup d’heures. Il y a aussi du boulot avant l’ouverture et après

Il décrit le rythme intense qu’il faut pouvoir tenir, surtout maintenant qu’il est à la tête de son propre métier : un jeu de tir à la carabine qui porte son nom. «On fait beaucoup d’heures, et il y a aussi du boulot avant l’ouverture et après. Je dois gérer la marchandise, les munitions, m’assurer que les fusils marchent bien. Mon père m’aide encore pas mal, c’est lui qui m’a tout appris», glisse-t-il, admiratif et reconnaissant. «La foire, ça soude les familles.»

Shirley, elle, vole de ses propres ailes depuis un an. La jeune femme de 24 ans dirige deux stands de pêche aux canards : «J’adore le contact avec les enfants. C’est très différent des clients du grill ou du stand de tir de mon frère», commente celle qui assume de nombreuses responsabilités pour son jeune âge. «Je ressens une certaine pression, parce que j’ai une salariée, donc je dois être capable de la payer tous les mois. Il faut assurer la gestion des lots, la comptabilité, organiser les transports», liste-t-elle.

Je ressens une certaine pression parce que j’ai une salariée

Et sur ce point, cette cheffe d’entreprise tenait à être totalement indépendante : «J’ai mon permis voiture mais aussi camion-remorque, je peux travailler toute seule, sans l’aide de mon père. Bien sûr, je peux compter sur lui en cas de pépin.» Elle non plus ne compte pas ses heures. Pour les forains, pas de dimanche ou de jour férié, pas non plus de fêtes de Noël. Il faut attendre le plein hiver pour souffler un peu. «On ne connaît pas autre chose, pour nous c’est normal. On peut prendre quelques jours de vacances entre janvier et mars», note-t-elle.

Si comme Max, Shirley a toujours imaginé sa vie professionnelle dans les foires, leur grande sœur Jessica, a embrassé une tout autre carrière : la jeune femme de 35 ans travaille pour l’État, en tant que médiatrice du Service national de la jeunesse. Cependant, impossible pour elle de manquer la Schueberfouer : «Je pose quatre semaines de congé chaque année pour venir soutenir mes frère et sœur», explique-t-elle en tendant des cannes à pêche aux enfants sur le stand de Shirley. «Me retrouver ici, c’est comme un doux souvenir d’enfance… C’est le cœur qui sourit. Ce serait impossible pour moi d’être ailleurs durant ces 20 jours.»

Quant à la dernière sœur de la fratrie, Sheila, 24 ans, absente ce matin, elle est sur le point de réaliser son rêve : dans quelques jours, elle arpentera les allées de la Schueberfouer… dans un uniforme de police : «Elle a toujours voulu intégrer la police, depuis petite. Elle va effectuer une patrouille ici en tant que stagiaire. Ça va vraiment faire bizarre de la voir de l’autre côté cette fois», s’amuse Shirley.

Une nouvelle qui réjouit leur papa : «On est très fiers. On respecte les choix de nos enfants pour leur propre vie. Quoi qu’il arrive, que ce soit sur les foires ou ailleurs, ils doivent faire ce qu’ils aiment», conclut-il.

«Un très bon démarrage, on est contents»

Les visiteurs n’ont pas manqué le rendez-vous de l’ouverture de la Schueberfouer : «On a fait un très bon démarrage sur les cinq premiers jours, on est contents. Beaucoup de familles sont de retour, on revient aux années d’avant la pandémie», note Charles Hary, président de la Fédération nationale des commerçants forains. Quant au débat sur les prix, qui ressurgit chaque année, il explique : «Un grand manège comme la Wilde Maus, c’est 40 camions et jusqu’à 800 kilomètres pour aller d’une foire à l’autre. Avec l’augmentation du carburant, il n’y a pas d’autre choix que d’adapter les tarifs. Idem pour la restauration, le coût des matières premières a explosé», souligne-t-il, ajoutant que les forains font tout pour maintenir un prix qui soit raisonnable pour tout le monde. Pour les forains luxembourgeois, la Fouer est vitale : elle représente la moitié des recettes de l’année. «Notre intérêt, c’est d’attirer le plus de gens, pas de les faire fuir», sourit Charles Hary. «Les prix sont quasiment égaux partout en Europe. Je dirais même qu’on est moins cher.»

Shirley a passé son permis camion-remorque pour être 100 % indépendante.