Le sommelier Grégory Mio (Le Place d’Armes) a défendu les couleurs du Grand-Duché lors du concours du Meilleur sommelier du monde, le mois dernier à Paris. Il revient sur cette expérience qui va en appeler d’autres.
Il y a trois semaines, vous participiez à votre premier concours de Meilleur sommelier du monde. Vous n’êtes pas parvenu au stade des demi-finales, votre objectif. Est-ce une déception ?
Grégory Mio : Le niveau était incroyablement élevé, donc je ne peux pas dire que ce soit une déception. Je m’étais beaucoup préparé pour le concours du Meilleur sommelier du Luxembourg (NDLR : en décembre), mais, évidemment, ça n’avait rien à voir. Lorsque j’ai vu les 100 questions du questionnaire, je me suis dit que ce serait très compliqué d’aller au-delà. C’était tout de même un super challenge qui me donne envie de retenter ma chance la prochaine fois… pour aller encore plus haut!
Que retirez-vous de votre participation?
C’était une superbe expérience, des journées privilégiées où j’ai pu faire de belles rencontres avec des professionnels de nombreux pays. Échanger avec ces personnes qui ont des visions différentes, qui viennent d’autres continents était une grande chance. Cela ouvre l’esprit. Et les masters class proposées par les organisateurs étaient passionnantes.
Quel thème vous a particulièrement plu?
Les sakés. Nous avions la possibilité d’en déguster beaucoup, de différents types, et il y avait des choses magnifiques. On ne les connaît pas encore beaucoup au Luxembourg, mais à Londres ou à Paris, ils sont très à la mode. Ici, au verre, ils seront difficiles à vendre, mais je compte réfléchir avec le chef pour créer des plats qui s’accorderaient parfaitement et les servir à l’aveugle.
Amener de nouvelles propositions, c’est l’essence de votre métier…
Bien sûr, j’y trouve plus de plaisir que de servir les vins français que l’on trouve partout! Je pense que l’on peut développer quelque chose autour des sakés pour la clientèle luxembourgeoise. Pourquoi pas à la Villa Pétrusse (NDLR : l’hôtel-restaurant de luxe qui est en cours d’aménagement, près du pont Adolphe, et qui sera dirigé par le groupe Place d’Armes)?
Ces concours donnent de la visibilité
Pour que les clients se laissent guider, il faut qu’ils soient en confiance. Vous êtes arrivés depuis un an tout juste au Luxembourg, sentez-vous que les regards changent?
Je l’ai vu depuis le concours de Meilleur sommelier du Luxembourg. Certains clients m’en parlent, ça m’a surpris! Ces concours sont aussi intéressants pour ça : ils donnent de la visibilité.
Justement, revenons au concours. Vous parliez du niveau des questions. À quel point vous a-t-il surpris?
Elles nécessitent des connaissances de base extrêmement solides, elles étaient très poussées. Je me doutais bien que ce serait dur, mais pas qu’elles iraient à ce point dans le détail. En fait, il n’y en avait aucune de facile. Rien pour vous mettre en confiance! J’étais quand même assez à l’aise sur celles qui portaient sur la France et Bordeaux (NDLR : il est originaire de Saint-Émilion).
En plus de la difficulté, il y avait le problème du temps. Nous n’avions que 90 minutes pour répondre aux 100 questions. Moins d’une minute par question, alors que certaines demandaient de la réflexion, ce n’est pas beaucoup.
A posteriori, je me rends compte que j’ai perdu du temps sur des questions complexes. La prochaine, j’irai plus vite pour déjà répondre à toutes celles dont je connais la réponse et je me creuserai la tête plus tard sur les autres.
Une des clés est de savoir gérer le stress
Vous avez aussi été jugé sur une épreuve de service. Que vous a-t-on demandé?
Il fallait gérer une table avec des clients mécontents en 3 minutes. Ils attendaient depuis longtemps, mais le vin qu’ils avaient demandé n’était pas à température, bien trop chaud. J’ai fait goûter le vin à la personne qui l’avait choisi, je l’ai mis au frais et j’ai proposé une coupe de champagne à chacun en attendant. Ça me semblait logique, mais je ne sais pas si c’est ce qu’attendaient les juges…
Qu’en était-il de la dégustation à l’aveugle?
Nous devions trouver le pays, la région, le cépage et le millésime de quatre vins rouges. Une fois que l’on avait donné nos réponses, on nous a dit que ces vins avaient tous reçu une vinification similaire. Il fallait trouver laquelle. Je suis parti sur une macération carbonique, mais à la réflexion, je crois qu’il s’agissait plutôt d’une vinification par grappes entières.
Il y avait également une 5e boisson à analyser, en accentuant notre démonstration sur le type d’évolution du vin. Là, je sais que j’ai bien répondu : il s’agissait d’un Xérès, un vin oxydatif.
Toutes ces épreuves se sont déroulées en une seule journée. Le stress doit être assez important?
Oui, une des clés est de savoir le gérer. Je travaille dessus depuis pas mal de temps. Les finalistes, par exemple, ont réalisé leurs épreuves dans la Paris La Défense Arena, avec 4 000 personnes en train de les regarder. Ça ne devait pas être évident pour eux!
Nous avons défini une nouvelle vision pour mon entraînement
Vous les avez regardés avec envie?
Oui! J’ai décidé que je participerai au concours du Meilleur sommelier européen qui aura lieu dans un an et demi en Serbie, à Belgrade. En 2026, je vais aussi retenter ma chance au concours du Meilleur sommelier du monde, qui aura lieu à Lisbonne. Je me préparerai encore mieux, l’expérience de cette première participation sera utile.
On a vu que les sommeliers qui sont allés le plus loin avaient tous une solide équipe autour d’eux, pour les aider à mieux se préparer. Venir du Luxembourg, où la profession n’est pas pléthorique, n’est certainement pas un avantage…
Vous avez raison, il faut une équipe pour être performant. J’ai des collègues ici, qui sont prêts à m’aider, et d’autres sommeliers ayant représenté le Luxembourg avant moi me soutiennent. La semaine suivant le concours, je suis allé voir ma famille dans le Bordelais, où habite aussi un de mes coachs. Nous avons défini une nouvelle vision pour mon entraînement, en balayant tous les champs où il faut que j’approfondisse mes compétences.
Avec d’autres sommeliers, dont certains que j’ai rencontrés à Paris, nous avons fait un groupe WhatsApp pour nous aider à avancer mutuellement. La motivation ne manque pas!
Il défend les vins luxembourgeois
Ces dernières années, souvent, les sommeliers du Grand-Duché (souvent français) avaient tendance à délaisser les vins luxembourgeois, considérés comme pas assez chics. Ils préféraient mettre en avant des références archiconnues, souvent françaises, plus faciles à vendre.
Grégory Mio voit les choses complètement différemment. «Je suis au Luxembourg, je veux des vins luxembourgeois!», affirme-t-il. Beaucoup de vignerons ont eu le plaisir de le voir passer chez eux, parfois à l’improviste, pour venir les écouter et déguster.
Pas forcément habitués à de telles visites, l’intérêt sincère du sommelier fait plaisir aux Mosellans. La carte des vins des restaurants de la galaxie Place d’Armes (La Cristallerie, Le Plëss, le Café de Paris) s’en ressent : les références locales n’ont jamais été aussi nombreuses (y compris au verre).
Grégory Mio fait même de la réclame à l’étranger. Il vient de consacrer une rubrique à ses pépites dans le magazine français en ligne Top-Vins (disponible sur la plateforme Cafeyn ou par abonnement à redaction@toplemag.fr).
Il y décrit le cabernet blanc et le saint-laurent du Domaine L&R Kox (Remich), le pinot noir Ma Tâche d’Henri Ruppert (Schengen) et le régent des Caves Ries (Niederdonven). Voilà un sommelier engagé!
Braco à . Mio pour avoir tenter ce concours apparemment très difficile.
Cependant, je ne vois pas pourquoi il dénigre les vins de son pays, qui sont les meilleurs au monde (Romanée Conti, Montrachet), pour ne citer que ces deux illustrissimes Bourgogne.