Incivilités : la «fin de l’impunité» attendra

Les agents municipaux sont dotés depuis le 1er janvier de nouvelles compétences. Ils ne peuvent cependant pas encore sévir. Les communes doivent d’abord adapter leurs règlements de police.

Tout le monde connaît les «Pecherten», ces agents municipaux qui distribuent à tour de bras des prunes aux automobilistes mal garés ou qui ont omis de payer leur ticket de stationnement. Depuis ce 1^er janvier, ils sont dotés de nouvelles compétences et missions. Une loi votée en juillet dernier, au bout de près de 15 ans de tractations, vise un «renforcement de l’ordre public dans les communes en ouvrant la voie à un nouveau mode de sanction des incivilités et de la petite délinquance qui gênent la vie en commun», comme l’indique la ministre de l’Intérieur, Taina Bofferding, dans une circulaire. 

En principe, les agents municipaux 2.0 sont habilités à sanctionner sur-le-champ un catalogue de 17 incivilités mineures. Une «fin de l’impunité» pour le non-ramassage des crottes de chiens, pour toute forme de vandalisme contre du mobilier public ou l’emploi illicite d’appareils bruyants (lire ci-dessous) est le principal objectif de la nouvelle loi-cadre. En même temps, les agents doivent assurer un service de proximité et contribuer à la prévention de la petite délinquance. 

«Ainsi, la police grand-ducale sera épaulée dans certaines de ses tâches (…) et les autorités judiciaires seront déchargées de la répression de certains faits», note Taina Bofferding. Le hic majeur est que pour l’instant, les agents municipaux doivent encore ronger leur frein. «La loi est bien entrée en vigueur au 1^er janvier, mais la mise en application est différée. En effet, les communes doivent d’abord ancrer les nouvelles dispositions dans leur règlement de police», précise le ministère de l’Intérieur, contacté par nos soins. 

Le conseil communal d’Esch-sur-Alzette doit adopter le 31 mars un règlement adapté. À Luxembourg, les services compétents sont en train de «finaliser» le texte. La Ville de Differdange n’a pas encore d’échéancier précis, en attendant que ses agents aient effectué leur formation. À Dudelange, la quatrième ville du pays, le règlement de police complété doit être «présenté lors d’une des prochaines séances du conseil communal».

L’adaptation du cadre règlementaire ne constitue cependant pas le seul obstacle. «Dans le cadre de l’autonomie communale, les différentes communes ont le choix de décider quelles seront les incivilités qui seront reprises dans leur règlement. Ce sera du « à la carte »», nous précise le député-maire de Dudelange et rapporteur du projet de loi, Dan Biancalana. Il serait toutefois préférable de reprendre le catalogue dans son intégralité. «Cela offre une plus grande transparence et rend plus lisible le règlement de police. De plus, le nouveau catalogue permet une plus grande réactivité par rapport au maintien des amendes à traiter par la justice. C’est ce que les citoyens demandent. Ils veulent que soient punies les incivilités qui créent un sentiment d’insécurité», développe le député socialiste.

Le grand avantage des nouveaux pouvoirs accordés aux agents municipaux est, en effet, de pouvoir sanctionner sur le champ les incivilités retenues. Comme le précise la ministre de l’Intérieur, ils peuvent uniquement «constater (…) les faits qui ont été commis en leur présence et dont ils sont les témoins oculaires directs». Les agents n’ont ni le pouvoir de recherche ni le pouvoir d’enquête. Les «prunes» nouvelle génération se situeront dans une fourchette comprise entre 25 et 250 euros. Une autre précision est importante : les mineurs ne peuvent pas être sanctionnés. 

Dan Biancalana fait encore remarquer que «vu les circonstances, certains types d’incivilités seront certainement plus fréquemment sanctionnés que d’autres. Je pense à la règlementation sur les chiens». Le volet ayant trait au «littering», soit le jet et l’abandon de déchets sur la chaussée ou dans la nature, serait également «très intéressant». Dans ce cas, les agents pourront dresser des avertissements taxés.

Actuellement, le ministère de l’Intérieur ne peut pas avancer de chiffre sur le nombre d’agents municipaux déployés sur le terrain. La Ville de Luxembourg en compte 79, en attendant de nouveaux recrutements. Esch-sur-Alzette maintient son contingent de 30 agents. Differdange passera de 23 à 25 agents. Dudelange est doté de 14 agents qui n’attendent plus qu’à sévir.