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Imprimerie Saint-Paul : imbroglio dans le nettoyage


Mardi matin, une délégation de l'OGBL est venue donner de la voix devant les bureaux de l'imprimerie Saint-Paul à Luxembourg (Photo : Fabrizio Pizzolante).

Le changement du prestataire de services pour le nettoyage des bureaux de l’imprimerie Saint-Paul de Luxembourg a mis 15 salariés dans une situation plus que précaire.

L’imprimerie Saint-Paul a décidé de changer de prestataire de services pour assurer l’entretien de ses bureaux. Ainsi, la société Express Services SARL a perdu le contrat au profit de la société 1A Clean SARL (filiale de 1A Services SARL), et ce, depuis le 1er septembre. Rien de particulier à signaler jusqu’ici, à un détail près : la reprise des effectifs. Comme l’indique la convention collective du secteur, lorsqu’il y a un transfert de contrat, il y a aussi transfert des salariés. En récupérant le contrat de prestation avec Saint-Paul, la société 1A Clean SARL aurait également dû récupérer les 15 agents de nettoyage déjà en place. C’est ce que l’on appelle un «transfert» d’effectif. Une pratique courante dans le secteur. «Ce que 1A Clean SARL fait est tout simplement inacceptable», peste Estelle Winter, secrétaire centrale du syndicat Services privés de nettoyage, d’hygiène et d’environnement de l’OGBL avant de poursuivre : « Si cela passe, il faudra se demander à quoi servent les conventions collectives!»

En effet, la société 1A Clean SARL conteste le fait de devoir reprendre le personnel déjà en place, c’est-à-dire 15 personnes. Elle se base sur des décisions de justice, notamment européennes, dans des affaires similaires et conteste l’existence d’un transfert et donc refuse d’appliquer la convention collective du secteur. «Il y a eu des décisions de justice similaires tout comme il y a aussi eu des décisions de justice dans l’autre sens. Mais il y a surtout une convention collective qui est d’application surtout si elle est en faveur des salariés», se défend Estelle Winter. «Nous sommes dans notre bon droit. Il n’y a pas d’obligation légale de reprendre le personnel. Ce n’est pas l’OGBL qui fait les lois à ma connaissance», lance un membre de la direction de la société 1A Clean SARL contacté par nos soins.
La position de la direction est assez claire et se base sur la loi nationale et non sur la convention collective. En ce qui concerne les salariés pris dans cette affaire, 1A Clean SARL considère qu’ils «sont toujours sous contrat avec Express Services».

Des salariés dans l’impasse

Car le vrai problème est bien là. Outre les divergences d’opinions entre les différentes sociétés, la situation a de lourdes conséquences sur les 15 salariés qui se trouvent au cœur de cet imbroglio de texte.
«Express Services SARL a désaffilié les 15 salariés, qui se retrouvent sans rien. Ils ne peuvent pas prétendre au chômage, ne peuvent plus avoir les allocations familiales et ne sont plus couverts par la CNS. Ils n’ont pas été licenciés et ils n’ont pas été repris par 1A Clean SARL», explique Estelle Winter.

La situation est donc presque ubuesque pour des salariés qui n’ont finalement rien fait de mal et se retrouvent bien malgré eux dans une situation plus que précaire. «On est clairement dans la merde», s’emporte d’ailleurs Lina, une des 15 salariés concernés par cette situation qu’elle a du mal à comprendre. «Je travaille ici depuis 1999 et nous avons connu quatre transferts sans aucun problème. Ce que l’on demande, c’est une solution. À la limite, que l’on nous licencie pour pouvoir faire valoir nos droits et que l’on puisse avancer», s’insurge Lina avant de continuer : «On est entre deux chaises. 1A Clean refuse de nous reprendre. On est à la rue, on ne peut pas s’inscrire au chômage, on ne peut pas rechercher ni postuler à un autre emploi. À partir d’octobre, on n’aura pas de salaire. On a des familles, des factures. On ne comprend pas.»
Face à cette situation difficile, l’OGBL a décidé d’agir. Mardi matin, une petite délégation du syndicat a organisé un piquet de protestation devant les bureaux de Saint-Paul. «Nous voulons que Saint-Paul réagisse, car c’est le client, il a aussi son mot à dire et peut faire pression sur la société 1A Clean SARL», explique Estelle Winter. Mais dans la petite foule présente rue Christophe-Plantin, personne n’est dupe et tous déplorent l’inaction de Saint-Paul dans ce dossier.

Pour trouver une solution rapide et surtout redonner un statut légal aux 15 salariés en question afin qu’ils bénéficient des bases sociales ordinaires – comme l’accès au chômage, aux allocations familiales, à la couverture médicale –, l’OGBL a demandé en urgence une réunion à la Fédération des entreprises de nettoyage. En parallèle, le syndicat a alerté l’Inspection du travail et des mines afin de faire respecter la convention collective. L’OGBL a également commencé à introduire le dossier en justice. «Les salariés concernés se retrouvent dans une impasse», se désole Estelle Winter. Elle dénonce une situation «sauvage et inacceptable».

Jeremy Zabatta