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Henri aurait « fait cadeau » de sa fortune à sa dame de compagnie accusée d’abus de faiblesse


À la mort d’Henri en juin 2015, sa famille a découvert les faits.

Deux êtres dans le besoin se sont croisés et ont choisi de se soutenir mutuellement. C’est la théorie de la défense. La famille et les proches d’Henri accusent Eva d’abus de faiblesse.

Henri m’a fait cadeau des bons de caisse», affirme Eva. «Je me retrouve ici parce que j’ai eu de la compassion et que j’ai aidé une personne âgée qui était seule.» Cette aide a été rémunérée par sept bons de caisse d’une valeur totale d’environ 2,8 millions d’euros, dont une partie a servi à la prévenue à acquérir une maison pour elle et ses enfants.

Eva est accusée d’abus de faiblesse sur Henri, un vieil homme de cinquante ans son aîné. L’audience, qui avait débuté au mois de juillet dernier avant les vacances judiciaires, a repris hier matin face à la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. En juin 2015, au décès de l’octogénaire connu pour sa radinerie maladive, sa famille a trouvé des comptes en banque vides et découvert qu’Eva héritait d’une partie de ses biens. Aujourd’hui, la justice et la famille d’Henri se demandent si la prévenue a plumé le vieil homme, si ce dernier a agi sciemment ou si son jugement a pu être altéré par une maladie.

Les avis s’opposent sur ce point en fonction des intérêts des différentes parties impliquées. La prévenue, elle, est formelle : Henri avait toute sa tête et savait ce qu’il faisait. Le vieillard et sa dame de compagnie auraient pris soin l’un de l’autre. «Sa famille devrait avoir honte. Chez moi, en Afrique, on n’abandonne pas notre famille. Aujourd’hui, on me traite de voleuse parce que je l’ai aidé», poursuit la jeune femme à la barre. «Pourquoi avoir accepté l’argent qu’il vous donnait ? Vous ne vous êtes jamais dit que c’était peut-être un peu trop ?», l’interroge le président de la chambre correctionnelle. «Ne vous êtes-vous jamais demandé si une telle somme était justifiée ?» «C’était la volonté d’Henri. Je me suis dit que c’était mon destin», rétorque la jeune femme, persuadée qu’Henri «a vu en moi la famille qu’il n’avait pas».

La prévenue ne cesse de reprocher au frère du défunt et à ses nièces de ne pas s’être souciés de lui et de sa santé. L’homme est décrit comme quelqu’un de solitaire et d’isolé à la santé vacillante par différents témoins. Un psychiatre cité par la défense a notamment argumenté qu’il pouvait «présenter un profil de dépendance étant donné son état physique (…) qui pouvait amener un phénomène d’emprise» et une certaine vulnérabilité. Eva rejette les accusations d’emprise avec véhémence. Jusqu’au bout, elle n’aurait pas lâché Henri. Elle aurait même refusé de vivre dans la maison qu’il lui avait offerte pour rester à ses côtés à son domicile.

«J’étais là», répond-elle quand le juge lui reproche d’avoir abandonné Henri après qu’il a été placé en curatelle et en maison de soins. «Il s’est pourtant plaint à son frère que vous ne veniez plus lui rendre visite. Il était triste», lui rétorque le juge, ajoutant : «Vous avez disparu, et avec vous les bons de caisse.» «J’étais en Italie pour voir mes enfants. Henri le savait. Je lui ai téléphoné à plusieurs reprises», se défend Eva. Mais le juge repart à la charge : «Vous saviez qu’il y avait une succession et, malgré cela, vous avez encaissé les deux derniers bons de caisse après le décès d’Henri. Vous avez pris près de 2,8 millions d’euros sans vous soucier de rien.»

Pour les parties civiles, si la jeune femme était si présente dans la vie du vieillard, c’était pour mieux l’isoler et prendre le contrôle de son quotidien et de ses finances. Point de compassion dans tout cela. D’ailleurs, des examens médicaux en attestent, l’état de santé déjà fragile de l’octogénaire se serait aggravé depuis leur rencontre.

Pour l’avocate de ses deux nièces et de son frère, Henri était bien sous emprise et ceux qui ont dit le contraire auraient un intérêt personnel et professionnel à le laisser entendre. «Henri a vécu une lente et pénible agonie depuis sa rencontre avec Eva», note l’avocate. «Eva a abandonné Henri au moment de sa mise sous curatelle.» Les trois parties civiles ont notamment engagé une procédure d’annulation du testament de leur proche. Hier, elles ont chacune réclamé 23 000 euros de dommages et intérêt en réparation, notamment, du dommage moral et pour avoir été privées de montants qui leur revenaient de droit.

Le frère cadet d’Henri ne comprend pas sa soudaine attitude dépensière. «Cela ne correspond pas au frère que j’ai connu pendant 77 ans», témoigne-t-il. «Déjà enfant, il était économe. Cela a empiré avec le temps. Il ne vivait que pour travailler et pour ses bons de caisse. Je ne comprends pas qu’il ait donné toute sa fortune à une inconnue.» Paul, 85 ans, pense que la prévenue a su trouver les mots pour parvenir à ses fins. «Je me faisais du souci, mais c’était sa vie et je le respectais», ajoute-t-il. «Je pensais qu’elle était une dame de compagnie, pas une potentielle héritière», avait quant à lui assuré un de ses neveux en juillet dernier.

La prévenue est-elle la prédatrice décrite par les témoins ou est-elle de bonne foi ? Ses avocats tenteront de la défendre ce matin après le réquisitoire du parquet.

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