Le dirigeant de la société Heem.lu a été placé en détention provisoire dans le cadre d’une enquête pour escroquerie et blanchiment portant sur 2,5 millions d’euros.
Il n’est pas si simple de frauder la caisse nationale de santé (CNS) pour une société qui officie dans les soins et les aides à domicile, tant les contrôles sont réguliers et sévères. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’une société assez jeune sur le marché, Heem.lu, s’est fait épingler par le service anti-fraude de la CNS qui a relevé suffisamment d’irrégularités dans la facturation du prestataire de soins pour alerter le parquet.
Le préjudice est évalué provisoirement à plus de 2,5 millions d’euros, une somme énorme pour un prestataire établi depuis 2019 et qui bénéficiait d’un agrément du ministère de la Sécurité sociale provisoire, valable jusqu’en mars prochain. À la suite d’une analyse approfondie de multiples opérations bancaires suspectes par la Cellule de renseignement financier (CRF) qui, elle aussi, a relevé des irrégularités dans les comptes, une instruction judiciaire a été ouverte par le parquet de Luxembourg, notamment des chefs de faux, usage de faux, escroquerie à subvention, infractions à l’article 451 du Code de la sécurité sociale, association de malfaiteurs, abus de confiance, abus de biens sociaux et blanchiment, liste le parquet dans un communiqué.
Une enquête «d’envergure»
Selon nos informations, il s’agirait de la société Heem.lu, domiciliée à Esch-sur-Alzette, qui a démarré ses activités en 2019 avec un agrément provisoire valable jusqu’au mois prochain. Une cinquantaine de salariés y travaillent et, hier, devant le siège de la société, quelques employés étaient réunis, plutôt dépités et en colère devant la mise en cause de leur patron.
Dans le cadre de cette instruction judiciaire, des enquêteurs du service de police judiciaire ont récemment procédé à la saisie de très nombreux documents administratifs, comptables et financiers relatifs à la gestion et la facturation des prestations de soins à domicile. Ils ont surtout procédé à l’arrestation du dirigeant du réseau, ainsi qu’à la saisie de sa maison, entre autres biens patrimoniaux. Il a été placé en détention préventive jeudi.
La sœur du dirigeant, que Le Quotidien a pu rencontrer devant le siège eschois de la société à Belval, affirme, bouleversée, que son frère n’est pas coupable et qu’il fait l’objet d’une vengeance de la part d’anciennes employées. L’enquête, que le parquet annonce «d’envergure», se poursuit.
L’association de malfaiteurs retenue par le parquet
Dans le milieu des prestataires de services à domicile, il est difficile d’imaginer une telle escroquerie. Ces derniers doivent en permanence rendre des comptes et l’organisme de contrôle compare toutes les données, et les effectifs avec les heures prestées. Il y a bien sûr les actes de soins infirmiers qui, eux, relèvent de la caisse d’assurance maladie et non de l’assurance dépendance et sont réalisés sur ordonnance médicale.
À moins d’avoir du personnel fictif, de ne faire que la moitié des prestations prescrites ou de tricher sur les contrats de travail, il faut déjà développer une sacrée énergie criminelle pour parvenir en si peu de temps à escroquer 2,5 millions d’euros, selon les premières estimations du parquet. Le dirigeant avait forcément des complices puisque le parquet a retenu l’association de malfaiteurs, circonstance aggravante à l’infraction.
Un système verrouillé
«Cette affaire ébranle la confiance des patients», témoigne un prestataire. «Nous avons les clés de milliers de personnes dépendantes chez qui se rendent nos collaborateurs et le secteur est sous le choc», poursuit-il. Il ne comprend pas comment les escrocs présumés ont pu ignorer la rigueur des contrôles et ne pas se douter qu’ils se feraient pincer assez rapidement.
Surtout, ce professionnel du secteur estime que les acteurs commerciaux n’ont pas besoin de tricher pour gagner correctement de l’argent. Ils peuvent se concentrer sur une activité et une zone géographique «profitables» et encaisser les honoraires sans en rajouter. «C’est un système verrouillé et ils se sont fait prendre la main dans le sac», conclut ce prestataire.
C’est moche pour la cinquantaine de personnels qui assurent tous les actes courants comme les prises de sang, les injections, les perfusions et même les tests Covid-19. «Nous sommes spécialisés dans le traitement des plaies chroniques, nos soignant(e)s sont continuellement formé(e)s aux soins de plaies complexes. Nous encadrons également des personnes âgées dans le contexte de l’assurance dépendance et la prise en charge complète du diabète», détaillait le dirigeant aujourd’hui en détention préventive. «Profitez d’un service complet en toute tranquillité grâce aux remboursements de la caisse nationale de santé et à l’assurance dépendance», ajoutait-il.
Le parquet tient à rappeler qu’en vertu du principe de la présomption d’innocence, toute personne qui se voit reprocher une infraction est réputée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été légalement démontrée.