« Nervosité » et « pression »: les commissaires européens de la nouvelle équipe d’Ursula von der Leyen démarrent à partir de ce lundi 4 novembre à Bruxelles leurs auditions couperet devant le Parlement européen, avant un vote final attendu le 27 novembre.
C’est l’une des rares opportunités pour les parlementaires d’affirmer leur autorité face à une Commission dont l’ordinaire omnipotence agace les députés.
Les « grands oraux » des commissaires vont s’enchaîner jusqu’au 12 novembre, la journée la plus importante rythmée par les auditions des six vice-présidents du futur exécutif européen, dont le Français Stéphane Séjourné et l’Italien Raffaele Fitto, qui suscite la controverse en raison de son appartenance au parti d’extrême droite Fratelli d’Italia.
Lundi, quatre premiers prétendants passent sur le gril du Parlement, notamment le Luxembourgeois Christophe Hansen, à l’Agriculture.
Chaque commissaire – un par État membre – va subir pendant trois heures un feu roulant de questions, puis verra sa candidature validée ou récusée par les eurodéputés. En 2019, trois candidats avaient été rejetés dont la centriste française Sylvie Goulard, un camouflet pour Emmanuel Macron.
Un vote final global sur la nouvelle équipe est ensuite prévu le mercredi 27 novembre à 12 h lors d’une session plénière du Parlement à Strasbourg. Et l’exécutif européen devrait prendre ses fonctions début décembre, jusqu’en 2029.
L’exercice du grand oral est un subtil équilibre des pouvoirs entre institutions européennes, États membres et forces politiques représentées au Parlement. Si la droite, première force parlementaire, parvient à faire trébucher un candidat social-démocrate, la gauche voudra lui rendre la monnaie de sa pièce…
Les commissaires putatifs ont préparé pendant plusieurs semaines ce rendez-vous, en enchaînant les rencontres avec les députés et en potassant le « briefing book », un imposant document préparé par l’administration sur leurs portefeuilles et les ambitions de la Commission.
Des oraux « blancs »
« Mon commissaire est hyper concentré. C’est comme un examen ». Pour s’entraîner, « il a fait des auditions blanches » – des oraux avec des experts chargés de « le pousser dans ses retranchements », raconte une proche d’un des candidats, sous couvert d’anonymat.
Commissaire sortant à l’Environnement, élu eurodéputé écologiste en juin, le Lituanien Virginijus Sinkevicius se souvient de son audition il y a cinq ans, dans un « mélange de nervosité et d’adrénaline. Le plus dur a été de gérer la pression tout en restant fidèle à ce en quoi je croyais ».
De l’autre côté de la barrière désormais, il prévient les futurs commissaires: « tout dépend de la façon dont vous entrez dans la pièce, de ce que vous ressentez ce jour-là et de votre capacité à communiquer votre vision ».
Les rumeurs vont bon train sur les commissaires susceptibles d’être secoués pendant les auditions.
Nombre d’eurodéputés pensent au grand oral mercredi soir du Hongrois Olivér Várhelyi, qui avait taxé des parlementaires d’idiots en oubliant de fermer son micro durant le précédent mandat, et dont la proximité avec Viktor Orban fait grincer.
Mais Olivér Várhelyi a hérité d’un portefeuille plutôt modeste sur la santé et le bien-être animal et le récuser laisserait les mains libres au nationaliste Orban pour réclamer mieux ou laisser traîner les choses, met en garde une source diplomatique.
L’Italien Raffaele Fitto, choisi pour une vice-présidence de la Commission, sur la « cohésion » des territoires, a de son côté pris les devants, pour tenter de calmer la polémique sur son appartenance au parti de Giorgia Meloni, à l’extrême droite.
Avant Fratelli d’Italia, « j’ai commencé ma carrière politique dans le parti dont je partageais les valeurs, notamment sa vocation européenne : la Démocratie chrétienne », souligne-t-il dans des réponses écrites envoyées aux eurodéputés en vue de son audition du 12 novembre.
« J’ai toujours été un fervent partisan du projet européen, ainsi que des principes fondamentaux de l’État de droit », assure-t-il.
La droite et l’extrême droite ont pour leur part dans le viseur la socialiste espagnole Teresa Ribera, en charge d’un vaste portefeuille sur la Transition écologique, et le Danois Dan Jorgensen (Energie), à qui ils reprochent, entre autres, leurs positions contre l’énergie nucléaire.
Des considérations locales pourraient aussi peser dans la balance, par exemple au Luxembourg, où les sociaux-démocrates dénoncent le fait que leur candidat et commissaire sortant Nicolas Schmit n’ait pas été reconduit dans la nouvelle équipe, au profit d’un membre de la droite, Christophe Hansen.