Le géant américain de l’internet Google, visé par une enquête pour fraude fiscale, a accepté jeudi de verser près d’un milliard d’euros pour solder l’ensemble de ses contentieux avec le fisc français, un accord qualifié d' »historique » par le ministère de l’Économie.
Dans le cadre de cet accord, la multinationale a accepté d’une part de payer 500 millions d’euros d’amende pour mettre un terme à une enquête du Parquet national financier (PNF) et, d’autre part, de verser 465 millions d’euros de rattrapage fiscal pour clore les procédures de redressement engagées à son encontre. « Cet accord est historique, à la fois pour nos finances publiques et parce qu’il marque la fin d’une époque », s’est réjoui le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin dans un communiqué. « Nous restons persuadés qu’une réforme coordonnée du système fiscal international est la meilleure façon d’offrir un cadre clair aux entreprises opérant dans le monde entier », a réagi de son côté le groupe américain.
« Plaider coupable »
Google, qui était dans le collimateur du fisc français depuis plusieurs années, a déjà passé de tels accords à l’étranger, notamment au Royaume-Uni et en Italie, où il a déboursé plusieurs centaines de millions d’euros pour obtenir un abandon des poursuites. L’amende de 500 millions d’euros, acceptée par Google France et Google Irlande, a été validée dans le cadre d’une Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), qui permet à une entreprise de négocier une amende sans procès et sans passer par une procédure de « plaider coupable ». À travers cette convention, qui met fin aux poursuites pour « fraude fiscale aggravée » engagées en 2015 par le PNF, Google reconnaît que les faits lui étant reprochés peuvent correspondre au délit de fraude à l’impôt sur les sociétés. Le PNF comme les avocats de Google ont salué à l’audience le « pragmatisme judiciaire » qui a conduit à la signature de la CJIP. « Le passé sera réglé (…), c’est ce qui est essentiel pour nous », a insisté l’un des avocats de Google, Eric Dezeuze.
« La justice financière dispose dorénavant d’outils efficaces »
Pour la ministre de la Justice Nicole Belloubet, « la conclusion de cette affaire montre que la justice financière dispose dorénavant d’outils efficaces pour lutter contre la fraude fiscale ». Le PNF reprochait à Google d’avoir soustrait au fisc français plus de 189 millions d’euros entre 2011 et 2016, via un montage complexe entre ses différentes entités. L’enquête avait donné lieu à des perquisitions dans les locaux parisiens du groupe américain en mai 2016. Une centaine de policiers et d’experts en informatique avaient été mobilisés pour cette opération, baptisée « Tulipe ». Gérald Darmanin avait ouvert pour la première fois la voie à « un accord transactionnel » avec Google en 2017, en assurant que « beaucoup de grands pays européens » avaient « procédé ainsi ».
« Si Google est prêt à entrer dans une démarche sincère auprès du gouvernement français pour régulariser sa situation (…) notre porte est ouverte. Il vaut mieux un bon accord qu’un mauvais procès », avait alors déclaré le ministre. Google, au même titre que d’autres multinationales américaines comme Amazon (dont les bénéfices sont enregistrés au Luxembourg), est régulièrement accusé de minorer les revenus qu’il perçoit en France, via des montages complexes, afin de réduire ses impôts.
Le groupe américain, dont le siège européen est situé en Irlande – un des pays où l’impôt sur les bénéfices des sociétés (12,5%) est le plus faible de l’UE et du monde – a toujours assuré de son côté « respecter la législation française ». Pour mettre un terme aux pratiques fiscales des multinationales du numérique, le gouvernement français a voté fin 2018 une taxe « Gafa » (acronyme de Google, Amazon, Facebook et Apple), entrée en vigueur cette année. Paris, en conflit avec Washington sur ce sujet, s’est cependant engagé à abandonner cette taxe si un accord international est trouvé sur la fiscalité des géants du numérique.
AFP