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Gare et Ville-haute : le dispositif policier renforcé est maintenu à Luxembourg


Selon le ministre Léon Gloden, les agents ont, depuis la mi-janvier, délogé «sans usage de force» des individus bloquant l'entrée de bâtiments. (Photo : hervé montaigu)

Dans un premier temps, l’importante mobilisation de policiers pour sévir, sur le territoire de la capitale, contre la mendicité organisée et le trafic de stupéfiants devait prendre fin ce 29 février. Mardi, devant la Chambre, le ministre Léon Gloden (CSV) a annoncé la prolongation de ce dispositif renforcé, en dépit d’un «bilan assez maigre» dénoncé par le député-maire de Dudelange, Dan Biancalana (LSAP).

Le conseil communal de Dudelange a été le premier, le 9 février dernier, à monter au créneau pour fustiger la décision du ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden, de retirer des agents à travers le pays pour renforcer le dispositif de police dans la capitale.

Nos confrères du Tageblatt avaient évoqué qu’un total de 176 patrouilles avait été mobilisé, censées soutenir, à tour de rôle, leurs collègues de Luxembourg-Ville. Il faut donc compter au moins 350 policiers qui sont absents, à un moment donné, dans leurs régions et communes. Selon nos sources, les patrouilles envoyées dans la capitale effectuent un «prêt de main d’œuvre» qui dure à chaque fois une semaine.

«Pas de retrait d’agents»

Dans sa réponse à la lettre des édiles de la Ville de Dudelange, dont Le Quotidien a obtenu copie, le ministre en charge de la Sécurité intérieure refuse de parler de «retrait d’agents».

Léon Gloden renvoie notamment vers la réunion à huis clos de la commission parlementaire de la Justice et des Affaires intérieures, en date du 23 janvier dernier, où il aurait déjà expliqué que «des agents de soutien sont déployés dans le cadre de leurs missions aux moments nécessaires pour le dispositif spécial (à Luxembourg-Ville). ll ne peut donc pas être question de retrait d’agents». 

Pourtant, c’est le sentiment d’être privés d’agents essentiels qui a prévalu lors de la séance du conseil communal de Dudelange, lorsqu’une large majorité d’élus avait adopté une motion introduite par la fraction de déi gréng. «Il est à constater que le retrait de policiers d’autres régions, y compris du commissariat de Dudelange, pénalise à la fois les citoyens et les agents encore présents», résumait alors le conseiller Yves Steffen, coauteur de la motion avec sa collègue Semiray Ahmedova.

C’est finalement avec le soutien du LSAP du député-maire Dan Biancalana (10 élus) et de déi Lénk (1 élue) que la motion de déi gréng a été adoptée. Les conseillers du CSV (4), du DP (1) et de l’ADR (1) – le seul parti à supporter le virage répressif du nouvel exécutif – se sont abstenus.

«Un bilan cocasse»

Quel est le bilan du dispositif renforcé, sollicité par la Ville de Luxembourg et imposé par le ministre des Affaires intérieures? «Par rapport aux moyens mobilisés, il faut constater que les premiers résultats sont assez maigres, que ce soit par rapport à la lutte contre la mendicité ou les autres phénomènes visés. Le constat est cocasse», constate Dan Biancalana, lors d’un entretien téléphonique accordé au Quotidien.

Mardi, Léon Gloden avait détaillé, devant la Chambre des députés, que depuis la mise en place du dispositif policier renforcé dans la capitale, en date du 15 janvier, un total de 438 personnes ont été contrôlées par les patrouilles déployées dans la Ville-haute et dans le quartier Gare.

Seulement dans deux cas, un procès-verbal lié à la mendicité a été rédigé. «Il s’agit d’un mendiant qui a couru, gobelet en main, derrière des passants dans le quartier Gare. Le deuxième est le cas largement connu de M. Kmiotek», a précisé le ministre chrétien-social, provoquant l’hilarité générale à la Chambre.

En cause, l’évocation de l’ancien président de déi gréng, Christian Kmiotek, qui avait décidé de s’autodénoncer pour mendicité, afin de permettre à la justice de trancher si l’interdiction de la mendicité dans certaines rues de la capitale est légale ou pas.

À peine deux procès-verbaux pour mendicité

En dépit de plusieurs actions coup de poing, le bilan n’est pas plus important en ce qui concerne la lutte contre les trafiquants de drogues. Entre le 15 janvier et le 22 février, les agents ont constaté 10 délits liés aux stupéfiants.

Lors de l’opération menée par près de 90 policiers, le 7 février dans le quartier Gare, 85 personnes ont été contrôlées. Résultat : de petites quantités de marijuana, de haschisch et de MDMA saisies, tout comme une matraque télescopique. Deux suspects ont été placés au centre de rétention.

Le bilan global évoque aussi l’identification de 14 personnes fichées par la police. À 61 reprises, les policiers ont, «sans usage de force», libéré des accès de bâtiments, bloqués par des individus («Platzverweis»).

Les infractions au Code de la route en tête

Alors que le dispositif renforcé visait en premier lieu «la lutte contre le trafic de stupéfiants, l’immigration illégale et la mendicité», ce sont finalement les infractions au Code de la route (75 procès-verbaux) qui ont été le plus souvent constatées.

Ce bilan intermédiaire justifie le maintien d’un tel dispositif? Oui, selon le ministre en charge de la Sécurité intérieure, qui a annoncé aussi bien dans sa lettre de réponse au conseil communal de Dudelange que devant la Chambre des députés une «prolongation», alors que, dans un premier temps, cette mobilisation renforcée devait être levée ce 29 février.

«Une date de fin n’est pas fixée»

«Le dispositif sera adapté en fonction de l’évolution de la situation. Une date de fin du dispositif n’est actuellement pas fixée», précise Léon Gloden dans la missive envoyée au bourgmestre de Dudelange. 

Lydie Polfer (DP), la députée-maire de Luxembourg, n’a pas été peu fière de constater «une nette amélioration» de la situation sécuritaire. «Je suis content de l’entendre», répond le ministre de tutelle de la police.

À Dudelange, le CSV et le DP maintiennent leur soutien

Malgré des doutes émis au départ par les représentants du CSV et DP au conseil communal de Dudelange, la prolongation de la mobilisation, aussi de policiers du corps déployé au commissariat de la Forge du Sud, cautionnent la décision de maintenir le dispositif renforcé dans la capitale.

«On reste d’avis qu’en cas de besoin, le corps de police doit faire preuve de solidarité. Le ministre annonce vouloir continuer à évaluer la situation, sans annoncer de date de fin du dispositif. On en prend note», avance ainsi Michèle Kayser-Wengler, la porte-parole de la fraction du CSV.

«Même si le dispositif est prolongé un peu, il ne faut pas oublier que Dudelange est la quatrième ville du pays. Nous avons besoin de tous nos policiers, mais il faudra tirer un bilan global au bout de plusieurs mois, voire après un semestre entier. Le cas échéant, on va pouvoir récupérer nos agents», commente de son côté Marc Meyer, siégeant pour le DP au conseil communal de Dudelange.

Déi gréng dénoncent une «non-réponse» de Gloden

Yves Steffen (déi gréng) ne partage pas du tout l’avis de ses pairs siégeant dans l’opposition. Au-delà du bilan au bout des six premières semaines de la mobilisation renforcée de forces de l’ordre dans la capitale, le jeune conseiller regrette la «non-réponse» de Léon Gloden aux inquiétudes exprimées par la Ville de Dudelange.

«Le ministre renvoie notamment vers la manifestation des habitants du quartier Gare. Or, les organisateurs réclament la création d’une police locale, qui connait bien leur quartier. Il est dès lors peu cohérent de déployer des agents extérieurs, venus de Dudelange, d’Esch-sur-Alzette ou d’une autre commune pour patrouiller à Luxembourg», dénonce-t-il.