Grâce à un accord signé entre l’agriculteur, Agora et ArcelorMittal, la ferme de Christian Batting (Belvaux) profite des mesures de compensation prises dans le cadre de l’urbanisation de Belval.
Nom : Christian Batting
Âge : 51 ans
Fonction : agriculteur
Profil : Après des études au lycée technique agricole d’Ettelbruck, ce fils d’ouvrier de la sidérurgie a repris la petite exploitation familiale (4 ou 5 vaches) et l’a considérablement agrandie, au point d’atteindre 82 hectares aujourd’hui. Il vient de se convertir au bio.
Lorsque l’on visualise Belval, ce n’est pas à des paysages ruraux que l’on pense tout de suite. Et pourtant, aux portes du nouveau quartier, le dernier agriculteur de Belvaux Christian Batting cultive 82 hectares, dont certaines parcelles se trouvent de l’autre côté de l’invisible frontière française, qui suit les chemins ou coupe à travers champs.
Depuis 2018, son exploitation a pris une nouvelle direction avec le concours inattendu d’Agora, le développeur (50 % État, 50 % ArcelorMittal) qui pilote l’urbanisation de plusieurs friches de la sidérurgie, dont Belval ou Metzeschmelz (Esch-Schifflange). «Ils m’ont contacté pour me proposer d’intégrer un programme de compensations, c’est-à-dire de transformer le modèle de mon exploitation avec leur aide», explique l’éleveur qui pratique désormais une agriculture extensive et vient même de se convertir au bio il y a deux semaines. «Sans Agora, je n’aurais sans doute pas franchi le pas, reconnaît-il. Mais toutes les planètes se sont alignées et je me suis dit que c’était le bon moment.»
Alexandre Londot, directeur des opérations d’Agora, rembobine le film. «Le développement de Belval, notamment le fait de sceller des sols, nous a donné l’obligation de mettre en place des compensations écologiques, précise-t-il (lire par ailleurs). Nous en avions déjà réalisé sur le site, avec le parc Belval, le plateau Saint-Esprit ou la Waassertrap, mais il restait toujours un déficit.»
Deux ruisseaux renaturés
Agora avait en tête depuis plusieurs années de procéder à une compensation agricole et a commencé à rechercher des terrains susceptibles de s’y prêter en 2017. «Nous ne voulions pas compenser en achetant une parcelle dans le nord du pays pour y planter des arbres, il fallait que le projet ait un sens pour la Minette, et le plus près possible de Belval», avance-t-il. C’est à ce moment que Christian Batting entre en scène.
«L’idée m’a intéressé tout de suite, même si ce n’a pas été simple et qu’il a fallu du temps pour tout mettre en place», souligne-t-il. Non seulement il fallait déterminer les bons projets sur les bonnes parcelles, mais il fallait ensuite coucher tout cela dans un contrat dont la durée a été fixée à 25 ans. Le tout se corse encore davantage par le fait que tous les champs que travaille Christian Batting ne lui appartiennent pas, puisqu’il loue aussi certaines parcelles à d’autres propriétaires, dont ArcelorMittal. Finalement, un concept a été défini avec l’aide de l’administration de la Nature et des Forêts et l’ingénieur-paysagiste Carlo Mersch avant que l’accord tripartite entre Agora, ArcelorMittal et Christian Batting puisse être signé le 3 août 2023.
Il fallait que le projet ait un sens pour la Minette, et le plus près possible de Belval
Concrètement, pour se conformer à la réduction de l’unité de gros bétail par hectare, Christian Batting a dû diminuer son cheptel de limousines allaitantes de 40 % (de 68 à 35 vaches environ). Un verger de 65 arbres fruitiers (pommiers, poiriers, noisetiers, pruniers…) sera planté dans une parcelle située sous le Galgenberg. Les fruits pourront être librement cueillis dans le cadre de l’opération «Gielt Band». Deux ruisseaux actuellement canalisés sous terre vont retrouver la surface. Des haies et des arbres solitaires seront plantés. Les prairies seront ensemencées de plantes à fleurs et fauchées tardivement. Il est entendu que toutes les pertes de revenus induites par ces changements (moins de bétail, baisse de la qualité de l’herbe coupée tard dans l’année…) sont contrebalancées par des compensations financières pour l’agriculteur.
«Normalement, les travaux auraient dû commencer cette année, mais il a tellement plu qu’il est impossible de rentrer avec les machines, regrette l’éleveur. Même avec le tracteur, je sors le moins possible parce que je ne suis jamais sûr de ne pas rester bloqué. J’ai 51 ans et je n’avais jamais vu ça…». Si des arbres ont déjà été plantés et que d’autres le seront encore d’ici la fin de l’année, les gros chantiers de renaturation des cours d’eau ne débuteront que l’année prochaine. Ensuite, tous les cinq ans, un monitoring sera effectué. Il permettra de mesurer scientifiquement les effets des différentes compensations. «C’est vraiment le début d’une histoire!», sourit Christian Batting, en regardant paître ses vaches avec les tours du nouveau quartier en toile de fond.
La loi sur la protection de la nature de 2004, redéfinie en 2018, a mis sur pied ce système. Avant de réaliser un projet, le maître d’œuvre doit procéder à un écobilan qui compare la situation initiale avec celle du chantier terminé. Chaque perte de biotopes, d’habitats d’espèces protégées ou de forêts ou toutes autres actions nuisant à l’environnement entraîne la perte d’écopoints, l’unité de valeur utilisée.
À l’inverse, toutes les actions vertueuses réalisées par le développeur permettent d’en gagner un certain nombre. In fine, lorsque le bilan est négatif, soit l’aménageur paye une taxe (un écopoint vaut un euro) à l’État qui utilisera cet argent pour renaturer quelque part, soit il s’engage à mener un projet en collaboration avec les services du ministère de l’Environnement pour compenser et parvenir à un équilibre.
Sur le projet de Belval Sud, l’écobilan indiquait un déficit de 1,2 million d’écopoints, tandis que la transformation de la ferme de Christian Batting en rapportera 1,4.