On les voit partout, y compris là où ils ne devraient pas être. Les mégots de cigarettes sont des déchets très toxiques qui provoquent des pollutions dont nous sommes aussi les victimes.
Les mégots par terre et dans la nature ne posent pas qu’un problème esthétique, ils représentent une pollution énorme», assène Marc Hans, directeur adjoint de l’administration de la Gestion de l’eau, une administration qui dépend du ministère de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité. Chaque année, 4 500 milliards de mégots sont jetés dans le monde. Dans le pays, des milliers jonchent les trottoirs, les arrêts de bus et les bouches d’égout. Bien qu’avec leur petite taille, ils pourraient sembler négligeables, leur impact est, pourtant, colossal. C’est pourquoi l’administration de l’Environnement, l’administration de la Gestion de l’eau et Valorlux se sont alliés pour lancer une nouvelle campagne anti-littering (déchets sauvages).
Les filtres de cigarettes sont faits de plastique. Ce que l’on pourrait prendre pour du coton est en fait de l’acétate de cellulose, une matière artificielle qui peut mettre plus de dix ans à se décomposer. Et encore, ce plastique ne disparaît jamais complètement : il se fragmente en microplastiques qui s’infiltrent dans tous les milieux naturels, menaçant ainsi la biodiversité et, à terme, notre santé.
«Ces microplastiques se retrouvent dans la nature, puis dans la chaîne alimentaire et finalement dans nos corps», rappelle Marc Hans. En outre, les stations d’épuration ne sont pas conçues pour filtrer efficacement ces particules microscopiques, ce qui aggrave d’autant la pollution aquatique. «Soit les mégots flottent sur les eaux pluviales et se répandent dans l’environnement, soit ils vont dans les stations d’épuration où, de toute façon, ils dispersent aussi leurs substances nocives», relève-t-il.
Près de 40 % finissent dans la mer
Outre le plastique, ces filtres contiennent aussi près de 4 000 substances toxiques, voire cancérigènes, telles que la nicotine, l’acide cyanhydrique, le naphtalène, l’ammoniac, le cadmium, l’arsenic, le mercure ou le plomb. Le simple fait de jeter un mégot dans une bouche d’égout, par exemple, entraîne la dispersion de tous ces poisons dans le réseau d’eau pluviale, jusqu’aux rivières et aux mers. On estime que 40 % des mégots finissent par se retrouver dans les océans. Ils forment ainsi un des déchets plastiques les plus répandus sur les plages et dans les milieux marins.
Le journal Le Monde indique dans un article du 9 août 2023 qu’«en raison de leur forte toxicité, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques français (Ineris) considère les mégots comme « écotoxiques« et les classe dans la catégorie des « déchets dangereux“». Ainsi, un rapport réalisé en 2017 par ce même Ineris a mis en évidence une importante surmortalité des vers de terre et une inhibition de la croissance des végétaux liées à la présence de mégots dans le sol.
Leur toxicité est définitivement avérée. Des études ont démontré qu’un seul mégot peut polluer 500 litres d’eau. Lorsqu’il entre en contact avec un litre d’eau, sa toxicité peut tuer la moitié des petits poissons en seulement 96 heures. Les fumeurs doivent donc prendre conscience que jeter un mégot dans une bouche d’égout n’est pas une solution.
Cette nouvelle campagne de sensibilisation va durer un an et demi. L’initiative comporte des actions concrètes comme des affichages publics, des publications sur les réseaux sociaux et la distribution de cendriers portables avec partenaires. La commune de Schifflange et le Service national de la jeunesse collaborent déjà, par exemple. «Nous imaginons bien que les fumeurs qui jettent leurs mégots n’importe où ne se rendent pas compte des dégâts que cela engendre, alors avec cette campagne, nous leur expliquons», souligne Marc Hans.
D’après une étude menée par Ilres, 50 % des fumeurs au Luxembourg admettent jeter leurs mégots par terre plus ou moins régulièrement, tandis que 75 % d’entre eux ne réalisent pas la gravité de cet acte. L’un des objectifs de la campagne est de déconstruire ce comportement, en soulignant que chaque geste compte. «Il y a plus de 100 millions de mégots de cigarettes sur le sol luxembourgeois», rapporte Marc Hans. Un chiffre qui illustre que cette habitude perçue comme anodine contribue à une pollution considérable.
Les scientifiques et les écologistes du monde entier demandent des mesures globales pour contrer cette pollution, certains réclament même l’interdiction des filtres de cigarettes en plastique. Bien que des initiatives aient été prises pour faire pression sur les fabricants, des obstacles persistent, en grande partie en raison des puissants lobbys de l’industrie du tabac. «Il est presque certain que les filtres ne présentent aucun avantage pour la santé», estime Thomas Novotny, professeur de santé publique à l’université de San Diego et membre de Cigarette Butt Pollution Project, une organisation qui milite pour l’interdiction des filtres. En attendant, la solution est simple : il suffit de viser les poubelles ou les cendriers.
En vertu d’une directive européenne de 2019 qui a été transposée en loi au Grand-Duché le 9 juin 2022, les producteurs de cigarettes avec filtre doivent désormais participer aux frais de gestion des déchets et aux efforts de sensibilisation. C’est cette politique pollueur-payeur qui permet donc de financer cette campagne.
Il y a plus de 100 millions de mégots de cigarettes sur le sol luxembourgeois
Et les cigarettes électroniques?
Elles ne font pas directement partie de la nouvelle campagne anti-littering, mais la pollution que les cigarettes électroniques engendrent est phénoménale. Fatalement, on les retrouve elles aussi dans la nature, ce qui pose un vrai problème puisqu’elles sont composées de plastique, de batteries en lithium et qu’elles contiennent comme les filtres classiques de la nicotine et des métaux lourds (mercure, plomb, brome…).
Or, selon un article du Monde du 9 août 2023, «qu’elles soient à usage unique ou non, 60 % des fumeurs [français] n’ont aucune idée de l’endroit où il faut se débarrasser des cigarettes électroniques. Aussi, la plupart du temps, elles sont jetées avec le reste des déchets ménagers et brûlées dans des incinérateurs, à l’instar des mégots».
En fait, elles devraient être traitées comme des déchets d’équipement électrique et leurs différents composants devraient être triés séparément. Mais dans les faits, leur mode de fabrication rend cette collecte très difficile, même lorsqu’elles sont amenées en déchetterie.
Leur version à usage unique, les puffs, conçues pour attirer les adolescents avec leurs couleurs flashy et leurs goûts calibrés, sont à jeter une fois la centaine de bouffées disponibles consommée. Avec elles, c’est très clair, le recyclage n’est même pas une option puisque les batteries sont coulées directement dans le plastique.
Carte d’identité
Nom : Mac Hans
Âge : 45 ans
Fonction : directeur adjoint de l’administration de la Gestion de l’eau
Profil : après des études en chimie menées à Aix-la-Chapelle, Marc Hans a travaillé pendant huit ans pour une grande entreprise de l’industrie chimique en Allemagne. Il a ensuite rejoint une start-up spécialisée dans la purification de l’eau avant de rejoindre l’administration de l’Environnement en 2021, puis l’AGE en juin 2023.