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[Série de l’été] «L’état de la nature n’est pas si bon que ça»


Michel Leytem est à la tête d’une administration qui emploie 480 personnes.

Durant l’été, Le Quotidien va s’intéresser au travail journalier et aux nombreuses missions portées par l’administration de la Nature et des Forêts (ANF). Son directeur, Michel Leytem, fait les présentations.

Le Biodiversum, sur les étangs de Remerschen, est l’un des cinq centres nature & forêts de l’ANF. Photo : erwan nonet

Vous avez été nommé directeur de l’administration de la Nature et des Forêts en octobre dernier, après avoir été chef de l’arrondissement Sud. Quel a été votre parcours avant de prendre la tête de cette administration ?

Michel Leytem : Je dois dire que j’ai la très grande chance d’exercer le métier que j’ai toujours voulu faire. Dès le lycée, ce chemin était pour moi une évidence, bien que je n’aurais jamais imaginé être un jour à la tête de l’ANF. J’ai étudié à l’université de Fribourg, en Allemagne, pour devenir ingénieur forestier. Beaucoup de Luxembourgeois qui travaillent à l’ANF sont passés par cette université parce qu’elle est la seule dans la Grande Région à proposer une formation générale. On n’y apprend pas que la gestion forestière, mais aussi la protection de la nature ou même l’urbanisme. Cet enseignement m’a passionné parce que j’ai toujours été fasciné par les milieux agricoles et forestiers, particulièrement par l’idée d’allier la production de bois ou la production agricole à la protection de la nature. C’est un défi énorme, mais réalisable lorsque l’on s’y prend de la bonne façon. J’apprécie également le fait que, dans ces domaines, la science ne soit pas statique. Les connaissances évoluent continuellement et il faut constamment remettre nos acquis en cause.

L’ANF est une grande administration. Combien emploie-t-elle de personnes ?

Nous sommes 480 au total. Elle comprend des ingénieurs, le staff administratif, mais aussi une centaine de préposés forestiers et environ 260 ouvriers de la nature et des forêts qui travaillent au quotidien à l’extérieur pour l’exploitation sylvicole, la gestion des zones protégées d’intérêt national (ZPIN) ou la mise en œuvre des différents plans de gestion.

Quelles sont les principales missions de l’ANF ?

Il y en a cinq. La première est bien sûr de pratiquer une gestion durable des forêts domaniales, celles qui appartiennent à l’État. Nous n’intervenons pas dans les forêts privées, mais nous conseillons les propriétaires.

Quelle est la deuxième mission ?

La mise en œuvre des politiques environnementales sur le terrain. Nous travaillons en collaboration avec les stations biologiques, les associations de protection de la nature… C’est un exercice collaboratif dans lequel nous prenons davantage le volet administratif, notamment en émettant (ou pas) les permis d’autorisation pour les constructions et les manifestations qui ne se déroulent pas en milieu urbain. La troisième mission est la gestion de la faune sauvage et de la chasse.

Quelles sont les problématiques autour de la chasse ?

Nous observons une surpopulation du gibier qui nuit au renouvellement de nos forêts (NDLR : les jeunes cervidés mangent les pousses d’arbres, par exemple). La chasse est un moyen de canaliser cette situation et c’est pourquoi nous remettons des plans de tir que les chasseurs doivent appliquer.

Et quels sont les enjeux de la protection de la faune sauvage ?

Parfois, les espèces protégées comme le loup ou le castor peuvent entrer en conflit avec les exploitants agricoles. Notre rôle est de trouver des solutions pour prévenir les problèmes autant qu’on le peut. Et lorsqu’ils surviennent quand même, nous devons définir des issues positives pour les deux parties. Nous menons également des plans d’action contre les espèces exotiques envahissantes qui risquent d’avoir un impact négatif sur l’environnement, comme le ragondin ou le frelon asiatique.

En quoi consiste la 4e mission de l’ANF ?

La sensibilisation environnementale est peut-être le volet le plus important à mes yeux. Nous gérons cinq centres nature & forêts dans tout le pays : le Ellergronn à Esch-sur-Alzette, le Biodiversum à Remerschen, A Wiewesch à Manternach, Burfelt à Insenborn et le Mirador à Steinfort. On y accueille des scolaires et le grand public pour qu’ils apprennent à découvrir ces environnements, leur faune, leur flore et les systèmes qui les relient entre eux. Ces lieux sont essentiels, car plus la population sera informée et concernée par ces sujets, plus elle appréciera la richesse de la nature et sera sensibilisée à la crise climatique et la crise de la biodiversité, que l’on n’a plus le temps d’ignorer aujourd’hui.

Plus la population sera informée et plus elle sera sensibilisée

Enfin, il reste le 5e pilier…

Et ce n’est pas le plus populaire, car il s’agit de la police. Dans le cadre de la législation forestière et de la protection de la nature, l’ANF dispose d’une entité mobile qui peut constater les infractions. Elle écrit les rapports pour le Parquet qui décidera d’éventuelles poursuites judiciaires. Parmi les cas typiques, on trouve la construction de bâtiments en zone verte, la chasse de gibier non autorisé ou en dehors des périodes définies.

Notre rôle est de trouver des solutions pour prévenir les problèmes autant qu’on le peut

À la mi-juin, l’Union européenne a validé une nouvelle loi sur la restauration de la nature avec des objectifs concrets à atteindre. Que va-t-elle changer pour vous ?

Nous l’attendions avec impatience ! Elle est à la hauteur des défis qui nous font face, tant au niveau du climat qu’au niveau de la biodiversité. C’est évidemment une loi très importante, mais nous avions pris de l’avance avec l’adoption en 2023 du Plan national pour la protection de la nature (PNPN) et le Plan forestier national, qui est en cours de finalisation. Notre législation prend donc déjà en compte les grands objectifs de la loi sur la restauration de la nature.

Globalement, comment qualifieriez-vous est l’état de la nature au Luxembourg ?

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer en se promenant dans le pays, il n’est pas si bon que ça. Je crois que tout le monde sait maintenant que nos forêts sont assez vieilles. Pour la biodiversité, c’est très positif, mais elle est d’autant plus vulnérable au changement climatique. Il faut trouver un équilibre, nous n’y sommes pas encore. Au Luxembourg, nous avons décidé de nous investir dans une sylviculture proche de la nature, sous couvert continu.

L’ANF a-t-elle les moyens de bien assurer ses missions ?

Avec l’arrivée des nouvelles législations qui engendrent de nouveaux défis, nous avons certainement besoin de personnel qualifié supplémentaire. Financièrement, nous pouvons actuellement compter sur le fonds pour la protection de la nature lorsque nous lançons des projets en rapport avec le PNPN. C’est une chance. Nous devons également franchir le cap de la digitalisation, notamment pour aider les préposés dans leur travail de terrain. Il y a là un axe très important d’accroissement de notre efficacité, mais cela induit des moyens humains et financiers, pour la formation par exemple. Nous avons l’appui de notre ministre de tutelle (NDLR : Serge Wilmes), mais j’aimerais naturellement que nous y parvenions le plus vite possible!

Carte d’identité

Nom : Michel Leytem

Âge: 48 ans

Fonction : directeur de l’administration de la Nature et des Forêts

Profil : Ingénieur forestier diplômé de l’université de Fribourg (Allemagne), Michel Leytem était le chef de l’arrondissement Sud de l’ANF avant de prendre la direction de cette administration en octobre dernier.

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