Alors qu’elle était très proche de l’extinction au Luxembourg, la rainette arboricole a été sauvée grâce à un programme de réintroduction lancé par le Sicona et l’ANF en 2012.
Les rainettes arboricoles, ces petites grenouilles d’un vert éclatant que l’on entend chanter autour des mares au printemps dès que la température se réchauffe, sont restées très longtemps des animaux largement répandus dans nos contrées. Et puis, avec l’intensification de l’agriculture, les étangs sont devenus de plus en plus rares, les prairies humides ayant été massivement drainées et asséchées pour faciliter l’exploitation agraire.
Or sans mare, pas de grenouilles. Car même si ces batraciens passent le plus clair de leur temps dans les prairies ou dans les arbres (elles sont de bonnes grimpeuses), quelques mois par an, elles ont besoin des étendues d’eau peu profondes et ensoleillées où elles se reproduisent et déposent leurs œufs. Les populations ont alors commencé à décliner au point de se retrouver en grand danger. Au début des années 2010, on n’en comptait plus qu’une poignée autour d’une unique mare dans l’est du pays.
En 2012, le Syndicat intercommunal pour la conservation de la nature de l’ouest et du centre du Luxembourg (Sicona) a initié un programme de réintroduction en collaboration avec l’administration de la Nature et des Forêts. Son financement est assuré par le ministère de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité ainsi que par les communes membres du Sicona concernées.
La raréfaction des rainettes était telle qu’il n’était pas question de toucher au reliquat de population locale, trop fragile, en transportant leurs œufs dans de nouvelles mares. Il a fallu demander la collaboration de collègues belges du Limbourg qui ont accepté de donner les œufs qui permettraient de lancer un peuplement. «La réintroduction est la dernière étape avant l’extinction, souligne Liza Glesener, zoologue au service scientifique du Sicona. C’est ce qu’on fait lorsqu’il n’y a plus d’autre espoir.»
Plus de 500 nouvelles mares
Pour que l’opération ait une chance de fonctionner, le Sicona a creusé à ce jour plus de 500 nouvelles mares dans les endroits qui s’y prêtaient le mieux et entretient un réseau encore plus extensif. Les grenouilles ne sont d’ailleurs pas les seules à en profiter, tous les amphibiens en tirent profit, à l’image du triton crêté par exemple.
Dans un premier temps, entre 2012 et 2014, le Sicona a choisi deux sites de réintroduction : la vallée de la Houbaach (entre Bertrange et Dippach) et Everlange (commune d’Useldange). Une deuxième vague a ensuite eu lieu à Leitrange (commune de Beckerich), Abweiler (commune de Bettembourg) et Olm (commune de Kehlen). Le volet administratif d’une telle opération est d’ailleurs conséquent, car on ne transpose pas une espèce protégée sans autorisation.
«Le nombre de mâles chanteurs a très rapidement augmenté à Bertrange », avance la scientifique. Un succès spectaculaire, car les rainettes ont colonisé des mares voisines dès la première année. Aujourd’hui, les descendantes de ces pionnières ont repeuplé 59 sites, dont le plus éloigné se trouve à 8,2 km à vol d’oiseau. « Entretemps, elles ont même traversé la E44 (la route Luxembourg-Käerjeng), qui est pourtant assez fréquentée, pour s’installer de l’autre côté », se réjouit Liza Glesener.
Les grenouilles d’Everlange, elles, sont restées sédentaires plus longtemps. Il a fallu attendre sept ans avant de les voir se disperser. « L’agriculture est plus intensive par là-bas, nous pensons que cela a certainement un impact », suggère Liza Glesener.
Des réintroductions ont été réalisées jusqu’en 2024 (parfois à partir de sites donneurs luxembourgeois) et il n’est plus prévu d’en opérer d’autres prochainement. C’est désormais aux populations présentes de croître. Petit à petit, les rainettes se déplacent et le Sicona espère que les groupes du sud et de l’ouest finiront par se rencontrer. Un rapprochement, à terme, entre ces rainettes d’origine limbourgeoise et leurs cousines wallonnes à l’ouest et luxembourgeoises à l’est serait une excellente nouvelle. Il permettrait d’apporter une diversité génétique qui les aiderait à mieux répondre aux menaces (maladies, parasites, changements environnementaux…).
Mais si le syndicat poursuit inlassablement ses efforts pour renforcer le réseau de mares et de structures paysagères (haies, ronces, arbustes, forêts humides, prairie extensive…) qui facilitent la vie et les déplacements des rainettes et de beaucoup d’autres espèces avec elles, les obstacles restent nombreux. Le Luxembourg est, avec la Belgique, le pays le plus fragmenté d’Europe. C’est-à-dire celui où la densité d’urbanisation, de routes, de voies ferrées ou de toutes autres barrières artificielles est la plus élevée.
Malgré tout, à partir des cinq sites de réintroduction, les rainettes sont désormais installées sur une superficie de 135 km2 et tout semble indiquer que ce territoire s’étendra encore, tant que des habitats et des corridors en bon état existeront. «Avec la poursuite d’un suivi méticuleux de l’évolution des populations, l’entretien de ce que nous avons construit sera notre tâche pour les années à venir », relève Liza Glesener. Car si le pari initial a été gagné aujourd’hui, les équilibres demeurent fragiles. Il ne faut surtout pas oublier où étaient les rainettes il y a 20 ans…
Comment compte-t-on les grenouilles ?
Depuis 2013, le Sicona a mis en place un suivi annuel standardisé pour connaître l’évolution des populations au prix d’un exercice peu banal. « Quand la nuit est en train de tomber et que les rainettes mâles commencent à chanter, il faut choisir un endroit au bord de la mare et les écouter. C’est en les localisant à l’ouïe que l’on peut faire le décompte », explique Liza Glesener.
Les meilleures nuits pour écouter les grenouilles sont en avril-mai, lorsque les températures demeurent supérieures à une quinzaine de degrés après le coucher du soleil. Il ne faut pas qu’il pleuve ou que le vent soit trop fort.
Si le mâle chanteur a séduit une femelle, celle-ci pondra les œufs dès le lendemain.
Comment compte-t-on les grenouilles ?
Depuis 2013, le Sicona a mis en place un suivi annuel standardisé pour connaître l’évolution des populations au prix d’un exercice peu banal. « Quand la nuit est en train de tomber et que les rainettes mâles commencent à chanter, il faut choisir un endroit au bord de la mare et les écouter. C’est en les localisant à l’ouïe que l’on peut faire le décompte », explique Liza Glesener.
Les meilleures nuits pour écouter les grenouilles sont en avril-mai, lorsque les températures demeurent supérieures à une quinzaine de degrés après le coucher du soleil. Il ne faut pas qu’il pleuve ou que le vent soit trop fort.
Si le mâle chanteur a séduit une femelle, celle-ci pondra les œufs dès le lendemain.
Carte d’identité
Nom : Liza Glesener
Âge : 42 ans
Fonction : service scientifique du Sicona
Profil : Liza a étudié la zoologie et la photographie biologique en Grande-Bretagne (Bristol et Nottingham) avant d’entamer sa carrière au Luxembourg chez natur&ëmwelt. Elle est ensuite repartie en tant qu’indépendante avant de revenir au Grand-Duché pour travailler pour un bureau d’études. Elle a rejoint le Sicona en 2016.
Carte d’identité
Nom : Liza Glesener
Âge : 42 ans
Fonction : service scientifique du Sicona
Profil : Liza a étudié la zoologie et la photographie biologique en Grande-Bretagne (Bristol et Nottingham) avant d’entamer sa carrière au Luxembourg chez natur&ëmwelt. Elle est ensuite repartie en tant qu’indépendante avant de revenir au Grand-Duché pour travailler pour un bureau d’études. Elle a rejoint le Sicona en 2016.