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[Gardiens de la nature] La nouvelle vie d’un transformateur


Accès pour les chauves-souris, hôtel à insectes, façades et végétalisée : Loïc Hellers a piloté la transformation du poste électrique. (Photos : erwan nonet)

À Syren, un vieux poste électrique inutilisé vient d’être transformé en abri pour chauves-souris, hirondelles et insectes en tous genres. Un projet pilote prometteur coordonné par Loïc Hellers (SIAS).

Loïc Hellers travaille au SIAS depuis bientôt trois ans. Sa mission, au sein du syndicat intercommunal qui prend en charge la protection de l’environnement dans les 21 communes du quart sud-est du pays, est d’inciter les collectivités locales à agir de manière positive envers la nature et la biodiversité, ce qui les fera progresser dans le classement du Pacte nature.

Créé en 2021, cet instrument fixe un cadre de référence qui vise à mettre en valeur les efforts réalisés par les communes les plus vertueuses. Il consiste en un catalogue de 77 mesures, réparties en six grands chapitres (mise en œuvre d’une stratégie générale, milieu urbain, paysages ouverts, milieux aquatiques, forêts, communication/coopération). Chacune des mesures octroie un certain nombre de points attribués en fonction des efforts fournis. La certification de base est obtenue à partir d’un score de 40 %, mais le label peut se transformer en bronze (plus de 50 %), argent (plus de 60 %) et or (plus de 70 %). À l’heure actuelle, une seule commune est certifiée en or dans le pays, il s’agit de Bettembourg. Cinq sont en argent (Boulaide, Clervaux, Esch-sur-Alzette, Parc Hosingen et Tandel) et 28 ont atteint le bronze. L’enjeu est aussi financier, car les efforts réalisés dans le cadre du Pacte nature permettent d’obtenir un soutien financier de la part de l’État.

Carte d’identité

Nom : Loïc Hellers
Âge : 30 ans
Fonction : conseiller Pacte nature pour le SIAS
Profil : il a étudié la sylviculture et l’environnement à Fribourg puis l’écologie et la biodiversité à Innsbruck, où il a réalisé son mémoire de master sur les abeilles sauvages, déjà en collaboration avec le SIAS. Il a rejoint le syndicat intercommunal à l’été 2021.

Une autre à Aspelt

Loïc Hellers, donc, a notamment en charge la commune de Weiler-la-Tour, qui s’est engagée dans le processus du Pacte nature, mais qui n’a pas encore obtenu la certification de base. Guidée par son conseiller Pacte nature du SIAS, elle espère toutefois l’atteindre au milieu de l’année.

C’est en faisant le tour de Syren que Loïc Hellers est tombé sur ce bâtiment inutilisé, qui abritait autrefois un transformateur électrique de Creos. «Je recherchais des structures communales où nous pourrions installer des nids d’oiseaux, dont des hirondelles, et j’ai vu qu’il y en avait déjà un, naturel, sous la corniche, explique-t-il. Il était donc un candidat idéal.» La commune contacte alors le fournisseur d’électricité, qui accepte de le céder à la commune. Nous sommes en 2024 et le projet peut débuter.

Le conseiller compte bien exploiter au maximum le potentiel de ce bâtiment tout simple, assez haut et étroit. «Je me suis renseigné et j’ai vu qu’en Allemagne, des transformateurs avaient déjà été adaptés pour les oiseaux et les chauves-souris», souligne-t-il. L’idée est bonne puisque ces petits mammifères ont de plus en plus de mal à trouver des abris. Les clochers des églises rénovées sont parfois fermés pour éviter les pigeons (mais des ouvertures spéciales pour les chauves-souris sont possibles), tandis que les bâtiments de fermes sont souvent détruits ou transformés en habitations sans combles ni fissures accessibles. L’expert allemand valide donc l’initiative et lui envoie même les plans qu’il a déjà mis en œuvre. L’intérieur du poste électrique comporte ainsi plusieurs types de structures pour que les chauves-souris y trouvent leurs aises. À Syren, le choix est fait de viser entre autres les grands rhinolophes, une espèce particulièrement menacée.

Mais Loïc Hellers continue à réfléchir à d’autres usages et demande conseil à différents spécialistes. «Pour inciter les chauves-souris à venir, il leur faut un logement, mais aussi de quoi manger, explique-t-il. Nous avons végétalisé la façade, notamment avec des rosiers portant des fleurs ouvertes, et les alentours ont été valorisés avec des plantes vivaces indigènes et favorables aux pollinisateurs.» Toutes ces mesures rapportant des points pour le Pacte nature, la transformation du transformateur est donc un joli coup pour Weiler-la-Tour.

L’intérieur du poste électrique comporte ainsi plusieurs types de structures pour que les chauves-souris y trouvent leurs aises.

Finalement, tout cela est allé vite puisque le projet a été bouclé à l’automne dernier. Loïc Hellers a même déjà convaincu la commune de Frisange qui a également réaffecté l’ancien poste qui se trouve à côté du château. «J’ai parlé à Creos et ils m’ont donné un relevé des transformateurs de notre région qui sont inutilisés ou qui le seront bientôt», précise le conseiller. Quatorze postes électriques pourraient ainsi faire l’objet d’une telle transformation, même si tous ne sont pas disponibles actuellement. Très coopératif, Creos s’est engagé à le prévenir dès qu’un d’entre eux deviendra mobilisable pour les chauves-souris.

Reste, maintenant, à voir l’efficacité du dispositif. Il est trop tôt pour que les deux premières tours de Syren et Aspelt soient déjà habitées. L’hiver, en effet, les chauves-souris prennent plutôt leurs quartiers dans des grottes. Mais il n’est pas impossible que des chauves-souris solitaires, voire des colonies, s’y installent au printemps ou en été. Loïc Hellers reste toutefois prudent : «La nature est imprévisible, il est impossible de dire quand les chauves-souris arriveront, ni même si elles arriveront… Même si l’ANF a déjà bâti des tours spécialement pour les chauves-souris, il s’agit des premiers postes électriques transformés dans le pays et nous avons peut-être commis des erreurs. Mais même si ça ne marche pas, nous aurons beaucoup appris. Il faut être humble, travailler et toujours réfléchir à la façon pour faire mieux la prochaine fois!»

Il leur faut un logement et de quoi payer

Combien ça coûte?

Vraiment pas grand-chose, puisque la plupart des travaux ont été réalisés par les ouvriers de la commune. Le bois du bardage qui recouvre une partie de la façade a été livré par le garde-forestier et provient des forêts communales. Les plantations (roses et plantes vivaces) ont été fournies par la station biologique du SIAS à travers un projet de protection des insectes pollinisateurs en milieu urbain financé par le fonds pour la protection de l’environnement. Les nids d’hirondelles sont payés par le ministère de l’Environnement… En fait, l’essentiel des charges pour Weiler-la-Tour a été l’acquisition du transformateur et la location d’un échafaudage et d’une nacelle. «Pour les communes qui possèdent elles-mêmes ces équipements, le prix serait encore plus bas», fait remarquer Loïc Hellers.

Au final, même s’il est difficile de définir un coût moyen puisqu’il dépend de l’outillage des communes et de l’état du transformateur, l’investissement financier pour les communes sera modique.