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[Gardiens de la nature] Écuroduc : les écureuils au-dessus du trafic


Pour cacher leurs provisions, les écureuils traversent parfois les routes souvent très fréquentées au Grand-Duché. (Photo Raymond Gloden)

Natur&ëmwelt va installer cet hiver les premiers écuroducs du pays à Luxembourg, Dudelange, Contern et Walferdange. Grâce à ces cordes tendues au-dessus des routes, ils pourront traverser sans risquer de se faire écraser.

Parfois, on ne s’intéresse pas suffisamment à ce que l’on a sous les yeux. C’est un peu le cas de l’écureuil. Si la couleur de son pelage peut varier, il n’en existe qu’une espèce dans toute l’Europe. Il n’y a qu’au Royaume-Uni ou en Italie qu’il peut être mis en concurrence avec l’écureuil gris, plus grand et plus agressif, qui vient d’Amérique du Nord. On n’en a toutefois jamais vu au Luxembourg ni dans les pays voisins.

L’espèce est assez abondante au Grand-Duché et pas franchement menacée. On les aperçoit tant dans les parcs urbains que dans les jardins ou les forêts. En général, les individus sont solitaires. Lorsqu’on en voit plusieurs, il s’agit soit d’une fratrie, soit de mâles qui se chassent lors de la saison des accouplements. Ces mammifères sont attachés à leur territoire et restent fidèles à leurs arbres ou leurs haies, à travers lesquels ils récoltent les fruits (noix, noisettes…) qu’ils transportent jusqu’à leurs cachettes qui peuvent être très nombreuses.

CARTE D’IDENTITÉ

Nom : Claudine Felten
Fonction : Directrice de natur&ëmwelt
Profil : Elle a obtenu son diplôme d’ingénieure forestière à l’université de Fribourg (Allemagne) avant d’intégrer natur&ëmwelt en 2001. Elle en est devenue la directrice en 2022.

Mais si l’espèce et son comportement sont connus, dans le fond, on ne sait pas grand-chose de sa population puisqu’au contraire des espères rares, l’écureuil ne fait l’objet d’aucun suivi de biodiversité. C’est pourquoi natur&ëmwelt a lancé cette année une Aktioun Kaweechelchen (Action écureuils) qui va perdurer dans le temps, une initiative qui a reçu pour cette année le soutien financier de l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse Charlotte.

Constatant que de nombreux écureuils étaient écrasés sur les routes, l’idée principale est d’installer des écuroducs sur les axes routiers les plus critiques. « Un écuroduc est un appareillage tout simple qui consiste en une corde tendue en hauteur au-dessus d’une route, explique la présidente de natur&ëmwelt, Claudine Felten. L’idéal est de la fixer entre deux arbres de chaque côté de la chaussée, mais on peut aussi la tendre entre des poteaux si nécessaire.»

Les écoles dans le projet

Il n’existe pas encore d’écuroduc au Grand-Duché, mais la technique est bien connue à l’étranger, en Belgique ou en Allemagne par exemple, et elle marche. Trèves en compte trois, le premier a été installé en 2019 alors que le troisième vient de l’être tout récemment. Parfois, pour inciter les écureuils à traverser sur une nouvelle corde, il faut les convaincre. «Il suffit de placer des noix au pied des arbres ou en hauteur et ils finissent par s’approprier ce chemin rapidement», avance Claudine Felten.

L’Action écureuils prévoit d’installer les quatre premiers écuroducs du pays, mais il restait encore à savoir où les mettre. Natur&ëmwelt a donc demandé de l’aide à la population par l’intermédiaire du site et de l’appli inaturalist.lu, gérés par le musée national d’Histoire naturelle (natur musee). «Nous appelons toutes les personnes qui observent un écureuil à le signaler sur le site. Grâce à cette carte, nous avons des indications sur leur répartition qui nous permettent de choisir les endroits les plus appropriés pour installer les écuroducs.»

Bien sûr, ces observations ne remplacent pas un monitoring scientifique. Car logiquement, la majorité des écureuils aperçus se trouvent précisément là où les gens vivent et travaillent. Beaucoup ont été localisés dans Luxembourg et ses communes satellites, à Esch-sur-Alzette, Dudelange, Steinfort et ses environs, dans la Nordstad, à Wiltz… Mais finalement, c’est bien là que la circulation est la plus dense et donc là que les écuroducs seront les plus utiles.

(Photo DR)

L’emplacement de ces quatre écuroducs est déjà presque arrêté. Ils se trouveront sûrement à Dudelange, Contern, Walferdange et Luxembourg. Ils devraient être installés au cours de l’hiver ou du printemps prochain, mais si l’implantation des écuroducs est une opération technique qui ne pose aucun problème, obtenir toutes les autorisations est parfois loin d’être évident. Il faut contacter les propriétaires des terrains et les administrations et toutes ces signatures ne sont pas toujours faciles à obtenir.

Et ensuite? Natur&ëmwelt espère que ces premiers exemples vont faire mouche et que les communes s’empareront du sujet. «Si elles sont intéressées, elles peuvent nous appeler et nous serons très contents de les aider», sourit Claudine Felten, qui indique que des demandes sont déjà arrivées. Avec les conseils de l’association, les services techniques seront tout à fait capables de les installer.

Natur&ëmwelt compte aussi beaucoup sur la popularité de l’animal pour sensibiliser la population à la protection des écosystèmes. «Nous allons travailler avec nos bénévoles dans tout le pays pour trouver d’autres endroits où les écuroducs seraient utiles. L’idéal, quand c’est possible, serait même de faire participer les écoles. Ce projet contient aussi un volet de sensibilisation qui est très important pour nous.»

Combien coûte un écuroduc ?

Donner la chance aux écureuils de traverser une route passante en sécurité ne devrait pas mettre les finances d’une commune dans le rouge. Claudine Felten, la présidente de natur&ëmwelt, fait les comptes : «La corde, à laquelle on ajoute le coût du travail et la caméra pour observer le passage des écureuils, revient à 2 000 euros environ».

En fait, le plus difficile est souvent la tâche en amont qui consiste à trouver les bons endroits, identifier les propriétaires des terrains, puis les convaincre et, enfin, obtenir les autorisations des services de l’État, dont l’administration des Ponts et Chaussées. «C’est tout l’intérêt de ce projet pilote, reconnaît Claudine Felten. Puisque nous sommes les premiers à installer des écuroducs, il y a tout à faire. Mais l’expérience emmagasinée nous permettra d’aller plus vite ensuite et de donner les bons conseils aux communes qui seront intéressées à leur tour.»