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[Gardiens de la nature] Bio : une année de galères sur la Moselle


Les vendanges sont terminées, c’est une bonne nouvelle pour tous les vignerons.

Les vignerons bios passent toujours plus de temps dans la vigne que ceux qui sont en conventionnel. Guy Krier (domaine Krier-Welbes, Ellange-Gare) et Jeff Konsbrück (Winery Jeff Konsbruck, Ahn), racontent une des années les plus difficiles de leur carrière.

Ça n’aura échappé à personne, il a beaucoup plu depuis douze mois. Et la Moselle, normalement la région la plus sèche du pays, n’a pas fait exception. Les vignes ont été arrosées comme le reste du Grand-Duché, ce qui a provoqué un surcroît de travail important pour tous les vignerons, et particulièrement les bios. «En général, on dit qu’un vignoble bio demande 20 % de travail en plus qu’un vignoble conventionnel, avance Jeff Konsbrück, de la Winery Jeff Konsbrück (Ahn) et également vice-président des vignerons indépendants. Et c’est année, avec la météo, vous pouvez bien compter encore 20 % de travail en plus dans les vignes.» Quand on lui demande s’il a pu prendre des vacances, il répond par un éclat de rire tout à fait éclairant.

Mais ce travail supplémentaire, en quoi a-t-il constitué? Il y a les traitements, une quinzaine de passages avec le tracteur en tout, ce qui est beaucoup. D’habitude, c’est une douzaine. «Pas le choix, souffle-t-il. Sans pulvérisations, le mildiou aurait tout pris.»

Son collègue Guy Krier, du domaine Krier-Welbes (Ellange-Gare), président des vignerons indépendants, confirme : «Chez moi, c’étaient 14 passages.» Il a utilisé 3,6 kilos de cuivre par hectare. C’est moins que le maximum autorisé de 4 kilos par hectare (avec une moyenne lissée sur sept ans), mais c’est exactement deux fois plus que l’an passé. «Et encore, j’ai un hectare de Piwi (NDLR : des cépages spécialement croisés pour qu’ils ne nécessitent presque pas de pulvérisations) que je n’ai traité que trois fois, dont deux avec du cuivre. Cela baisse la moyenne», ajoute-t-il honnêtement.

Le tracteur, les bottes aussi

Pour les deux vignerons, traiter n’est pas un plaisir. Le cuivre ou le soufre ne sont pas des matières neutres et ils en sont conscients. D’ailleurs, Guy Krier explique qu’il n’a pas toujours pulvérisé autant qu’il aurait pu. «Il faut accepter les pertes…» Ce qui chagrine les vignerons bios, c’est qu’un produit qui aiderait beaucoup n’est plus autorisé depuis 2012 : les phosphonates. Ces sels d’acide phosphoreux renforcent les défenses de la vigne et bloquent l’apparition des champignons, dont le mildiou. Ils sont naturels, mais systémiques, c’est-à-dire qu’ils entrent dans la plante. Or le bio n’autorise que les produits de contact, qui sont donc lessivés à chaque pluie. «Nous essayons de sensibiliser nos politiciens parce que les phosphonates nous permettraient d’économiser beaucoup de cuivre, avance Guy Krier. Mais en Europe, les pays du sud, qui n’en ont pas besoin puisqu’ils n’ont pas de mildiou, font un blocage…»

Le travail dans la vigne, toutefois, ne s’est pas limité à passer avec le tracteur. «Normalement, on effeuille avec la machine, mais là, avec mon père, qui m’aide toujours, et deux ouvriers, nous avons dû passer plusieurs fois dans les vignes à pied pour effeuiller aussi à la main. C’est utile parce qu’on enlève les feuilles qui pourraient empêcher que les traitements arrivent bien sur les raisins. En plus, cela favorise la circulation de l’air, ce qui permet aux grappes de sécher plus vite. Or les champignons s’installent là où il y a de l’humidité.»

Et le raisin, dans tout ça? Eh bien ça aurait pu être pire, c’est même plutôt pas mal. «Le riesling a souffert, reconnaît Guy Krier. J’aurais aimé le garder plus longtemps dans les vignes, mais les derniers 50 litres de pluie ont fait gonfler les baies qui ont commencé à éclater et il a fallu récolter tôt pour que tout ne pourrisse pas. Les maturités ne sont pas aussi hautes qu’espérées, mais ce n’est pas très grave, je ferai surtout du crémant, qui demande des raisins plus acides.» Étonnamment, alors que c’est un cépage plus sudiste, qui réclamerait donc plutôt de la chaleur, ses pinots noirs promettent énormément, «mais au prix de tout petits rendements».

Autant dire que la fin des vendanges, ces derniers jours, a été un soulagement. «Ça l’est chaque année, sourit Jeff Konsbrück, mais c’est vrai qu’avoir les raisins dans la cave, ça fait un poids en moins.» Le travail est toutefois encore loin d’être achevé, le vin ne se fait tout seul. Vendredi, Guy Krier a décuvé son Saint-Laurent, un cépage rouge, après macération. Il va falloir contrôler les fermentations dans chaque cuve pour que les vins soient les plus droits possibles, mettre en barrique les rouges et les meilleurs blancs… et déjà préparer les commandes pour les fêtes de fin d’année qui, l’air de rien, arriveront vite.

Les rieslings ont souffert, mais les pinots noirs promettent énormément

Où déguster les vins luxembourgeois ?

On ne le répètera jamais assez, les vins luxembourgeois n’ont pas la reconnaissance qu’ils méritent. Et pourtant, le vignoble mosellan regorge de pépites qui peinent, parfois, à se faire connaître. En fait, il y a tout pour faire du bon vin au Luxembourg : des terroirs variés (argilo-calcaire et marneux), un climat de plus en plus propice grâce au réchauffement climatique, une variété assez incroyable de cépages blancs et rouges (riesling, pinot gris, pinot blanc, chardonnay, auxerrois, gewurztraminer, rivaner, pinot noir, merlot, saint-laurent…), des vins tranquilles et des crémants de haute volée, des vignerons compétents et un passé qui remonte à la fin de l’Antiquité.

Mais puisqu’ils ne sont pas très visibles dans la capitale, le plus simple pour les découvrir est de se rendre sur la Moselle et rendre visite aux vignerons. Avec ses coteaux qui plongent dans la Moselle, les paysages sont très beaux et de nombreux domaines possèdent de belles salles de dégustation, parfois des bars à vins, où l’on peut prendre le temps de les découvrir avec celles et ceux qui l’ont fait.

Les producteurs luxembourgeois investiront toutefois la capitale lors de la Fête des vins et crémants luxembourgeois qui aura lieu du 29 novembre au 1er décembre sur le Glacis, dans la tente de la Luxembourg Art Week. Allez-y, presque tous les domaines y seront : l’occasion sera parfaite pour goûter, affiner ses préférences et trouver ses vins favoris!

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